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in 2016
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https://archive.org/details/b28740154
2 b S
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DES
MALADIES NERVEUSES
EN GÉNÉRAL,
EN PARTICULIER.
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IMPRIMERIE DE E. CHAIGNET, A RAMBOUILLET.
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DES
MALADIES NERVEUSES
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EN GENERAL ,
EN PARTICULIER,
TO ID1B3 UKDWERS IDS LL3£3 (ÊDMÜ^^ÎB
AVANTAGEUSEMENT ;
UE CHE RC II E S
PRECEDEES d’un COURT EXAMEN PHYSIQUE ET MORAL DU
SYSTÈME NERVEUX , ET MELEES DE REFLEXIONS SUR QUEL-
QUES CHANGEMENS A FAIRE SURIR A NOTRE LEGISLATION.
U Bpçfm Î3.0VIC*
Antequàm de remediis statua tur, primùm
constare oportet quis morbus , et quæmorbi
causa : alioqui inutilis opéra , inutile omne
consilium.
Ballokius, lib. i , consil. i
£
PARIS,
CHEZ GABON, LIBRAIRE, RUE DE L’ÉC O LE-DE-MK DECINE , \n :
El BECIIET J°, LIBRAIRE, PLACE DE L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE , No f, ;
VERSAILLES,
CHEZ L AUTEUR, RUE DE L ORANGERIE , N° ?.q.
1830.
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ConMetù?'
ie IDocIcue jjavisct
oui m fe
Lorsque le Roi-M artjr , de douloureuse mé-
moire , institua V Académie de Médecine , il
égala y en bienfaisance durable , le grand Mo-
narque j son aïeul , qui , un siècle auparavant y
y)
avait illustré son règne par tous les genres de
gloire.
Digne successeur de Eicq-d’ Azyr , comme lui
vous occupez dignement ce fauteuil , d'où descen-
dit souvent son éloquente voix , pour foudroyer
les systèmes erronés et les funestes paralogismes.
Comme lui , vous poursuivez à outrance les
charlatans qui , sous des formes diverses , gâtent
tout ce quils touchent , et dont les ruses menson-
gères se propagent aussi facilement que la fièvre
meurtrière étudiée et observée par vous dans
toutes ses phases , avec autant de succès que de
courage et de persévérance.
Enfin, de plus que le secrétaire et fondateur
de la société médicale la plus savante de l’Eu-
rope , vous avez atteint au cœur ces novateurs ,
dont les opinions tendraient , innocemment sans
doute, à laisser pénétrer dans notre belle France
t •
V1J
V ennemi le plus cruel qui ait encore ensanglanté
son sol.
Poursuivez , docte et intrépide Pariset ! que
les Galien modernes et les nouveaux Hecquet ne
vous arrêtent pas ! Que les clameurs de l’envie
ne privent pas votre patrie et la science de la
continuité de vos précieux travaux , et ne para-
lysent pas i un des plus beaux talens dont elles
puissent, s'honorer.
Ce sont tous ces litres a la reconnaissance de
l humanité qui ni ont suggéré l idée de vous dé-
dier ce livre.
L. BORIE.
4
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,
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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
Si la Providence a mis tous ses soins à former
l'homme, son plus bel ouvrage, elle a placé aussi
à coté de cette machine animée et merveilleuse,
une foule d’agens prêts à la détruire, lorsqu’elle
méconnaît la main qui lui donna l’être, ou les
régies quelle daigna lui prescrire pour sa con-
servation.
Ces agens amènent dans notre économie des
changemens connus sous le nom de maladies.
Les unes sont héréditaires, et furent créées
pour punir les pareils qui, corrompus parle vice,
•transmettent à leurs rejetons des germes de
mort.
Les autres sont communiquées par des nour-
rices mercenaires auxquelles des mères, ou plu-
tôt des marâtres, confient, sans nécessité, leur
avenir le plus précieux.
î
X
Ici j ce sont toutes les affections dépendantes
dune mauvaise éducation et d’habitudes aussi
honteuses qu’exténuantes.
Là, les maux causés par l’influence des cli-
mats divers, par celle des astres, par les chan-
gemens de saisons, leur intempérie ; par les si-
tuations plus ou moins variables de l’atmos-
phère.
Plus loin, les altérations que font éprouver à
nos fonctions vitales ces principes invisibles et
impondérables que l’on nomme miasmes, cer-
taines émanations animales, végétales ou miné-
rales.
Ailleurs, les égaremeus de nos facultés plus
particulièrement attribués à la colère divine, et
si communs de nos jours, parce qu’il faut re-
venir aux principes qu’on avait oubliés, à la
moralité qu’on avait abandonnée ; parce qu’enfm
les facultés morales s’usent par suite des com-
bats des passions, comme le corps se détruit
par les fatigues et les excès. On ne quitte pas
sans remords, ni sans crainte la route de la vertu,
XJ
et ce sont cette crainte et ces remords qui con-
duisent souvent à ces différentes aberrations de
l’esprit, dont les noms font frémir, et qui de-
vraient seules suiïire pour retenir la raison hu-
maine.
Nous avons réservé, pour terminer la courte
énumération des maladies auxquelles l’homme
est exposé, celles qui reconnaissent pour causes
éloignées 1 âge, le sexe et la prédominence de
tel ou tel tempérament ; ainsi le tempérament
sanguin prédispose aux inflammations, aux hé-
morragies passives, souvent à l’apoplexie , etc.
Le bilieux, aux embarras des voies digestives,
au choiera— morbus , à la fièvre bilieuse, à la mé-
lancolie, etc.
Le lymphatique, aux catarrhes, à lhydropi-
sie passive, aux engorgemens glanduleux, aux
scrofules, etc.
Le nerveux, aux névroses variées, à l’hystérie,
aux convulsions, au tétanos, à l’épilepsie , etc.
t
Nous nous bornerons, dans cet essai, à ces
dernières affections, c’est-à-dire, à celles aux-
i
!..
1
xij
quelles nous condamne un système nerveux bien
tranché.
C’est donc des névroses que nous allons nous
occuper spécialement, et parmi elles l’épilepsie,
dont il ne sera question qu’à la fin de notre tra-
vail, fixera toute notre attention, puisque cette
maladie a été l’objet particulier de nos études
et de nos recherches.
La tâche que nous nous sommes imposée
n’est nullement facile; car s’il est aisé de déter-
miner pendant la vie le siège d’un exanthème,
d’une liydropisie, et de leur appliquer des re-
mèdes utiles; si l’on peut reconnaître, après la
mort, qu’uné hépatite, un épanchement, ou
tout autre phénomène morbide, ont existé; il
n’en est pas de même des maladies que nous
avons la témérité d’aborder.
Les anti- spasmodiques les plus énergiques
ont-ils le même succès dans le traitement des
névralgies (i), que la saignée dans celui de la
pneumonie la plus intense?
(i) Nous nous servirons alternativement des deux
expressions névrose et névralgie, attendu qu’elles signi-
%
xi i ]
Hâtons-nous d’entrer dans l’histoire des né-
vroses, afin de démontrer plus évidemment que,
jusqu’à notre époque, la description de ces ma-
ladies, de leurs causes, de leurs symptômes, et
des traitemens tour-à-tour préconisés, n’ofïre
qu’incertitude.
Ce n’est pas chez les anciens qu’il faut cher-
cher des renseignemens sur les névroses. Les
Egyptiens et les Hébreux, qui tenaient leur peu
de science médicale des premiers, ont cepen-
dant connu quelques maladies nerveuses.
*
La mélancolie de Saul , qui fut calmée par la
fient à-peu-près la même chose, c’est-à-dire, maladie
nerveuse; et, en effet, qu’un nerf soit irrité, enflammé,
en état d éréthisme, d atrophie, etc. , c’est toujours le
meme tissu qui est affecte. Le mot névralgie , sans
doute, exprime plus particulièrement la douleur d’un
nerf, mais la douleur n’est-elle pas la sensibilité alté-
iée, et cette altération n’est-elle pas opposée au bien
ou à la santé du corps? Tandis que le mot de né-
< rose, d apres Pinel, rend plus facilement la lésion du
sentiment et du mouvement sans inflammation, ni dé-
rangement de structure.
XIV
harpe de David • la fièvre maligne à laquelle La-
zare succomba ; ce démoniaque guéri par un
J uif, au rapport de Y espasien, etc. , attesteraient,
au besoin, ce que nous avançons, s’il n’était pas
parlé de 1 épilepsie , surtout dans l’évangile. On
se rappelle cet enfant qui fut présenté à Jésus-
Ch ri st lorsqu’il descendit du mont Tliabor.
Arrivons promptement au véritable fondateur
de la médecine. Hippocrate s’est occupé de plu-
sieurs névroses, principalement de la sciatique ;
mais cette douleur, qui commence dans l’arti-
culation supérieure de la cuisse , qui parcourt
toute l’étendue de ce membre et delà jambe,
est-elle toujours une névrose?
Peu de temps après la naissance de Jésus-
Christ, les médecins romains et grecs écrivi-
rent sur quelques affections spasmodiques très
incomplètement, il est vrai ; ainsi Cclse n’en dit
presque rien.
Arètée parle de l’épilepsie, qu’il attribuait au
démon.
Galien nous laisse dans la même obscurité
sur les névroses proprement dites. Comme le
XV
prince de la médecine, il confond toutes les
maladies de l’articulation' de la hanche dans la
sciatique; ainsi Galien n’a pas toujours dit non.
Le médecin de Pergame avait cependant, de
plus que le vieillard de Cos, des vues certaines
sur la section des nerfs, soit comme affection ,
soit comme moyen curatif des névroses; il con-
naissait la danse de Saint -Guy qu’il a décrite
sous le nom de scélotirbe.
Les médecins qui viennent après Ceise et Ga-
lien, nous entretiennent légèrement des mala-
dies nerveuses, et, dans ce qu’ils en disent, on
voit qu’ils n’ont fait que copier ces derniers, et
principalement Galien.
De ce nombre sont Platon, qui appelait l’épi-
lepsie morbus divinus ; Dioscoride, moins mé-
decin que naturaliste; Pline, avec ses erreurs;
Aëtius ; Paul d’Egine, grand partisan des bains
de sable chaud, et plusieurs autres qui se sont
contentés de chercher des remèdes plutôt que
d’étudier la nature de la maladie qu’ils vou-
laient combattre, négligeant cet adage si vrai,
si important : Principiis obsta , etc.
Le s nécroses ne purent rester inconnues aux
Arabes , qui puisèrent la plus grande partie de
leurs connaissances dans des sources grecques.
Le musicien, le chimiste, le philosophe Rha-
zès , le plus célèbre des médecins arabes , fut
celui qui fit le plus d’efforts pour étudier les
nerfs et les altérations de ces parties.
C’est lui qui a découvert que le nerf récur-
rent (nerf de la trachée-artère, ainsi nommé
i
parce qu’il remonte vers son origine) est quel-
quefois double du coté droit. Rhazès a parfai-
tement connu la fièvre lente nerveuse ; il dé-
couvrit aussi que l’epilepsie pouvait tenir à la
présence des ganglions (i) dans les nerfs.
Avicenne a lui-même etc atteint de 1 epilep-
sie , à laquelle il donna le nom d 'analepsie ,
comme l’avaient désignée avant lui d’autres cé-
lèbres médecins orientaux.
Mais jusque-là les médecins n’avaient pu ac-
(j) Renflemens ou nœuds particuliers qui se rencon-
trent sur le trajet des nerfs. Leur substance inté-
rieure est formée par V union des fibres nerveuses.
XV IJ
I
quérir des idées précises sur les maladies qui
nous occupent, parce qu’ils n’avaient pas dis-
séqué, et point connu, par conséquent, les nerfs
organes principalement affectés par elles; car
il ne faut pas prendre pour des dissections ré-
gulières et fructueuses , ni les sacrifices des
druides, ni ces ouvertures de cadavres que né-
cessitaient les embaumemens auxquels se li-
vraient fréquemment les Égyptiens, ni ces pré-
parations ostéologiques dont parlePausanias, ni
les déchiremens des criminels vivans par Era-
sistrate et Hérophile, etc.
La religion inspirait aux anciens un si grand
respect pour les morts, qu’ils n’osèrent cultiver
l’anatomie humaine sur le cadavre.
Les écorchés antiques, qu’on a trouvés à di-
verses époques, ne prouvent pas le contraire de
ce que nous avançons.
i
Les statuaires grecs , qu’on pourrait encore
opposer à notre opinion, sont, en effet, parve-
nus à muter parfaitement les formes humaines
extérieures, leurs mouvemens si variés et si
XV 11 J
compliqués; mais ces statuaires n’ont pas eu be-
soin, pour atteindre cette perfection, d’étudier
à fond l’anatomie de l’homme.
Du rétablissement de l’école de Salerne da-
tent les progrès de l’anatomie, de cette seule et
unique base de la science médicale; aussi cette
école s’occupa-t-elle plus particulièrement des
nerfs et de leurs affections, en suivant toutefois
la saine doctrine hippocratique, comme l’attes-
tent en vers latins les préceptes de cette ancienne
faculté.
L’école de Montpellier, fondée par des Arabes
en i i5o, marcha sur les traces de celle de Sa-
lerne.
Les médecins du quatorzième siècle ne nous
ont presque rien laissé sur les névroses. Parmi
ceux des quinzième, seizième et dix-septième,
on aurait de la peine à en citer un seul qui ait
bien connu le caractère de ces maladies. Ils ont
cependant eu occasion de les observer, mais ils
les ont confondues, comme tous leurs prédé-
cesseurs, avec d’autres affections qui présentent
quelque similitude avec celles dont il s agit.
XIX
Ce n’est que vers le commencement du siècle
dernier que les névroses , devenues plus fré-
quentes peut-être par suite des progrès de l’es-
prit humain et par l’effet de la dissolution mo-
rale, ont été décrites avec plus desavoir, quoi-
qu’il existe encore de ces maladies sur lesquelles
on n’ait rien écrit de satisfaisant.
Les Langius , les W epfer, les W illis, les \ i-
ridet, les Baiiiou, les Lazare-Rivière, et plus
tard Morgagni , Boërhaave , De Haen , van
Swiéten , La Roche, Pomme, Tissot, Lieu-
taud, etc., nous donnèrent des notions plus
précises sur les maladies nerveuses.
Nous croyons devoir comprendre, dans le
nombre des livres classiques qui ont paru de-
puis sur cette matière, l’excellente Monographie
de Cotugno, approuvée par Barthez; les Traités
de Fothergill, de Pujol, de Fortsmann; les Dis-
sertations de Hamel, de Bailly , deRousset, de
Coussays, le seul qui ait considéré les névralgies
en général ; de Loyer-\ illermay , d’Esquirol, de
Gcorgct, d’Amédée Dupau; enfin, le savant ou-
4
XX
vrage de M. Portai , du Nestor de nos premiers
médecins , sons le titre d 'Observations com-
plètes sur l’épilepsie , etc.
Quant aux nosologistes (auteurs de nomen-
clatures médicales, qui , comme on sait, datent
de 173?. ; car il faut bien se garder de donner le
nom de nosologie aux Essais de Césalpin, mé-
decin italien ; de Plater-Félix, de Bâle; de Jean
Joutonus, hollandais, etc.), les uns, tels que
Sauvages, Linnée et autres, suivent les mé-
thodes botaniques, et font mention des ma-
ladies nerveuses; le premier, dans la 4e et Se
classes ; le second, dans les 5e, 6e et 7e.
L.es autres, Vogel, par exemple, n’indiquent
qu’une partie des affections des nerfs.
Ceux-ci, Cullen, Machride, Sagar, etc., pren-
nent pour hase les grandes divisions du système
nerveux. Cullen , savant professeur d’Edim-
bourg , est le premier qui ait prononcé la déno-
mination de névrose. Sagar, dont la classifica-
tion est justement appréciée, n’en a pas moins,
comme tous scs prédécesseurs, copié Sauvages.
xxj
Ceux-là, tels que Vitet, médecin à Lyon,
dans son espèce de nosologie, divisée en huit
classes, parlent des convulsions à la 4e*
Da rwin, médecin anglais, dans sa Zoonomie,
diffère de ses devanciers, et confond tellement
les maladies, qu’il est impossible d’y démêler
des névroses.
Selle, médecin de Frédéric-le-Grand, à la
fin de sa Pyrétologie, propose dix-huit classes. La
7e est consacrée aux maladies nerveuses. C’est
un bon praticien, mais un écrivain médiocre; il
est. vrai que non omnia novimus omnes.
Quoi qu il en soit, Cullen fut toujours pré-
féré, jusqu’en 1799, époque à laquelle Pinel,
dont la gloire est impérissable, malgré quelques
piqûres de sangsues, publia sa Nosographie phi-
losophique, L analyse, le bon sens, un jugement
sain, ont présidé à l érection de ce monument,
comme a toutes les productions de ce génie
vraiment médical, à qui nous devons celui de
Thchat, voire même la Doctrine physiologique.
Paumes, Tourdes, Tourtelle, etc., n’adoptent
pas une division plus utile. Il est même éton-
nant que leurs efforts diffèrent essentiellement
de la Nosographie de Pinel. C’est l’ordre dans
lequel les névroses sont disposées dans ce pré-
cieux ouvrage, que nous suivrions, si nous trai-
tions de ces maladies en particulier.
Beaucoup d’affections nerveuses sont négli-
gées et même abandonnées à cause de la funeste
habitude de considérer le plus grand nombre de
ces maladies comme simulées ou comme enfan-
tées par l’imagination. Est-ce qu’on voudrait
nous prouver qu’une imagination qui enfante
ainsi , n’est pas malade?
Quelques médecins, même de nos jours, à
l’instar de Lieutaud, poussent l’originalité jus-
qu’à ne pas croire aux maladies nerveuses appe-
lées communément vapeurs.
Il devenait donc indispensable de bien carac-
tériser les différentes altérations du système ner-
veux, d’en faire connaître l’origine, la marche,
le développement, les terminaisons si souvent
terribles, et d’indiquer le traitement qui con-
xxiij
\ient à chacune d’elles. Ce but a été rempli par
plusieurs auteurs, d’une manière digne d’éloges ;
aussi ne nous attacherons-nous à signaler à nos
lecteurs que quelques moyens de traitement, peu
connus, et des substances qu’on a eu tort d’a-
bandonner.
Ci.
I
*
DES
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EN GÉNÉRAL,
DE
ï’itoaibupsos æa smmmki enaa»,
ET DES MOYENS
DE LES COMBATTRE AVANTAGEUSEMENT.
Cet ouvrage devait être imprime dans le courant de
ï année 1828; des circonstances indépendantes de la
volonté de V auteur , Vont forcé à en reculer jusqu a ce
jour la publication.
DES
EN GÉNÉRAL,
DE
wiftpaurasiiift w wismmmi!WL9
ET DES MOYENS
DE LES COMBATTRE AVANTAGEUSEMENT.
PREMIERE PARTIE.
DU CERVEAU ET DE SES DÉPENDANCES.
CHAPITRE PREMIER,
i. Du Cerveau proprement dit.
De tous nos organes, ]e plus précieux, le plus
essentiel, le plus fécond en prodiges, c’est le
cerveau ; c’est de lui qu’émanent tous nos sens,
c’est lui qui recèle la pensée, opération de lame
intelligente à laquelle l’homme est redevable du
rang qu’il occupe clans ce vaste univers.
De même qu'il plut, à la Providence de mettre
l’homme au sommet de l’échelle des êtres , elle
plaça le cerveau à la partie la plus élevée du
corps humain ? comme sur un trône d’ou il plane
en souverain sur les autres organes, qu’il tient
dans une dépendance plus ou moins étroite, sous
la puissance, bien entendu, d’un principe qui
échappe aux recherches de quelques observa-
teurs, ou plutôt de certains incrédules. Ce prin-
cipe, pour nous, est Dieu.
Le cerveau comprend la masse nerveuse ren-
fermée dans le crâne et dans le canal vertébral ;
c’est-à-dire, le cerveau proprement dit , le cer-
velet, la moelle allongée et la moelle épinière.
Les précautions prises par le Créateur pour la
conservation de cet organe, attestent de quelle
importance il est à la vie. Une boite osseuse,
figurée en voûte, composée de plusieurs pièces,
recouverte par quelques muscles et par des te-
gumens d’un tissu très serré, tapissée à 1 inté-
rieur par trois membranes d une densite ex-
trême ; un canal dans lequel ces trois mem-
29
branes se prolongent, formé par vingt-quatre
vertèbres et l’os sacrum , fortifié par des couches
ligamenteuses, protégé en dehors par des chairs
épaisses : tels sont les remparts multipliés qui
entourent la substance molle du cerveau.
L’exposition détaillée de ces pièces osseuses
ne convient qu’à un ouvrage d’anatomie; bor-
nons-nous à dire quelques mots des membranes
et de la masse cérébrale.
La dure-mère , blanche, fibreuse, adhère ex-
térieurement au crâne, surtout à l’endroit des
trous et des sutures; elle se sépare assez facilement
en deux lames, 1 une interne et l’autre externe.
Les répits sphénoïdaux , la faux du cerveau , la
lente et la faux du cervelet , dépendent de la
première; mais la seconde concourt aussi à la
production des prolongemens dont les princi-
paux se portent dans l’orbite et l’épine dorsale.
Les sinus, canaux triangulaires ou. demi-circu-
laires, résultent de l’écartement de ces lames;
Mtués dans les différentes régions cérébrales, ils
reçoivent le sang des veines, en ralentissent le
cours , et vont le verser dans les jugulaires in-
ternes.
JJ arachnoïde y mince, transparente, est pla-
cée sous la dure-mère. Elle secrète la sérosité
t
qui humecte leur surface contiguë.
La pie-mère , enfin , cette membrane vascu-
leuse s’insinue dans toutes les anfractuosités des
circonvolutions cérébrales, s’enfonce dans les
ventricules par plusieurs fentes, donne naissance
aux plexus choroïdes, et, se continuant d’un autre
côté dans le canal vertébral, dégénère en un li-
gament qui s’attache à la partie postérieure du
Coccyx.
L’examen de la masse encéphalique , en com-
mençant par sa partie supérieure , est assez con-
nu , il ne nous reste donc qu’à en exposer une
description, moins répandue jusqu’à présent,
que l’on a proposée dans ces derniers temps.
Deux substances composent le système ner-
veux ; l’une, blanche et douée de sensibilité, a été
successivement considérée comme solide, tubu-
leuse , vasculeuse, mais elle est plus vraisembla-
3i
fol em en t fibreuse -, l’autre, grise, pulpeuse, et
moins sensible en général, est regardée comme
l’unique source de la première. Son tissu n’a
d’abord paru qu’un entrelacement de vaisseaux
sanguins,- cependant il existe encore entr’eux
une matière particulière que peut-être ils se-
crétent. Ces deux substances varient par leur
arrangement : elles sont tantôt confondues, tan-
tôt séparées, tantôt en masse, et tantôt en cou-
ches. La grise occupe la partie interne de la
moelle vertébrale, toute la surface interne du
cerveau et quelques points de son intérieur-
ses différens amas ont été nommés ganglions.
La blanche offre une disposition presque in-
verse.
2. De la Moelle èpini'ere.
La moelle épinière s’étend depuis le trou oc-
cipital jusqu’à la première ou la deuxième ver-
tèbre des lombes , et se termine par la queue de
cheval , nom sous lequel on a désigné le faisceau
des nerfs lombaires et sacrés formés par les di-
visions inférieures de la moelle épinière. Un sil-
32
Ion antérieur et un postérieur divisent cette
moelle en deux portions , unies au moyen de
libres transversales appelées commissures. On la
regarde comme une suite de renflemens, sépares
par un nombre de rétrécissemens égal à celui des
paires de nerfs qui s’en détachent. Ces neris
doivent leur origine à des filets , dont les uns
montent et les autres descendent. Ils portent les
noms de cervicaux, dorsaux, lombaires et sacrés,
%
suivant les régions auxquelles ils appartiennent.
3. Du Cervelet.
Le cervelet occupe les forces occipitales inlé-
rieures et postérieures , au-dessous de la tente,-
et le cerveau, placé immédiatement au-dessus,
remplit le reste de la capacité du crâne : l’un et
l’autre sont partagés en deux hémisphères. Le
dernier est encore subdivisé en quatre lobes. Le
grand renflement occipital (moelle allongée) leur
donne naissance.
Deux faisceaux fibreux ( processus cerebelli
ad medullam ) sortent de scs parties latérales,
s’enfoncent dans chaque moitié du cervelet , et
pénètrent au milieu d’un ganglion (le corps ci-
liaire).'Des branches nombreuses partent de ce
noyau central et se ramifient de tous cotés; leur
section, par une coupe verticale, donne une figure
semblable aux prolongemens delà substanceblan-
che du cervelet dans la substance cendrée, aux-
quels les anatomistes ont donné le nom d’arbre
de vie. Une de ces branches se dirige vers la
ligne médiane, se joint à celle du côté opposé,
et concourt à la formation de la partie fonda-
mentale de l’organe.
D’autres cordons primitifs (les éminences oli-
vaires et pyramidales) naissent aussi de la moelle
allongée, montent en s’entrecroisant jusqu’à la
protubérance annulaire , se plongent dans son
intérieur, sortent de là considérablement gros-
sis, s’avancent, sous le nom de pédoncules du
cerveau, jusque dans les couches opticpies , et
passent ensuite dans les corps striés.
Apres avoir traversé ces trois ordres de f?an-
glions , ils s’élargissent en faisceaux de grau-
34
(leur variée; et sc prolongeant conséquemment à
des distances inégales , se terminent, sous une
couche mince de substance grise, aux différens
points de périphérie du cerveau. Les circonvo-
lutions de ce viscère sc trouvent formées par ce
simple mécanisme ; et chacune d’elles est par-
tagée en deux couches égales réunies au moyen
d’un névrilème muqueux ou d’un tissu cellulaire
délié, si l’on en croit G a 11,. qui, sur ce mode de
structure, fonde la possibilité de leur déplisse-
ment : mais si l’on s’en rapporte à M. Cuvier,
ces couches sont liées par la substance nerveuse
elle-même, seulement un peu ramollie.
L’opinion de Gall doit être ici d’un grand
poids - plus heureux en anatomie qu’en crano -
logie, il nous a fait rencontrer des découvertes
qu’il ignorait et que ne cherchaient pas les ana-
tomistes les plus habiles. Nous lui devons d’a-
voir continué la dissection du cerveau par sa
base, qu’avait commencée Bartholin, anato-
miste célèbre du Dancmarck. Cette méthode
est bien plus facile pour suivre les développe-
mens et la formation des nerfs dans la pulpe cé-
rébrale ainsi renversée.
Les fibres de l’appareil de formation du cer-
velet et du cerveau ont été appelées divergentes
mais il en est de convergentes , et leur ensemble
constitue un appareil de réunion. Ces dernières
naissent toutes de la circonférence et se diri-
gent vers le centre de la masse encéphalique.
Celles d’un côté se continuent avec celles de
l’autre. Toutes les parties situées sur la ligne
médiane du viscère cérébral , sont le résultat de
leur jonction j et portent le nom général de
commissure. Ce terme n’est donc plus , comme
auparavant, restreint à trois petites bandelettes
nerveuses.
Les commissures du cervelet sont principale-
ment le pont devarole, et les valvules comprises
entre les prolongemens qui s’étendent de cet or-
gane aux éminences pyramidales postérieures et
aux tubercules quadrijumeaux ; et celles du cer-
veau sont la voûte à trois piliers , les corps fran-
ges ? plusieurs cordons médullaires, enfin le
3G
corps calleux , auquel on peut rattacher les pieds
d ippocampe et les tubercules appelés ergots ou
éperons.
Il existe d’autres objets dont la place n’est pas
déterminée dans les appareils convergent et ren-
trant; tels sont la bandelette demi-circulaire et
tous les entrelacemens transversaux des centres
de renforcement.
Tels sont de petits corps composés de subs-
tances grise et blanche., très semblables aux gan-
glions, parmi lesquels on compte les tubercules
quadrijumeaux (source présumée des nerfs op-
tiques), les éminences mamillaires, et les glandes
pinéale et pituitaire.
Telle est, enfin, la cloison transparente.
Les ventricules, tapissés par une membrane ex-
halante, prolongement de la pie-mère, paraissent
le résultat de l’écartement des dilférens ordres
de fibres cérébrales. Les deux latéraux et celui
du septum- lucidum vont s’ouvrir dans le troi-
sième, entre les couches optiques; et ce dernier
se continue avec le quatrième, au moyen de
37
Vaqueduc de Sylvius . Tous ne forment ainsi
qu’une seule cavité.
Douze paires de nerfs sortent du crâne , pour
se rendre aux appareils des sens et à plusieurs
autres encore. Elles viennent presque toutes de
la moelle allongée , ou de la moelle épinière;
car, à l’exception de la première, nulle ne paraît
naître directement du cerveau. Il est présu-
mable que chacune tire son origine d’un noyau
de substance grise, et que chacune a sa com-
missure. Ces deux faits sont démontrés, au moins
pour plusieurs d’entr’ellcs. Le deuxième semble-
rait, d’après M. Cuvier, aider à expliquer l’unité
d’action des organes doubles.
Cette nouvelle méthode pour décrire les par-
ties cérébrales, présente sans doute un but très
physiologique; elle tend à faire connaître leurs
connexions réciproques , et peut vraisemblable-
ment conduire à des vues nouvelles sur leurs
*
usages.
M. Laurencet s’y prend d’une autre manière
pour disséquer le cerveau. Il pose ce viscère sur
38
sa face convexe, sa petite pointe regardant celui
qui l’examine; il détaclie le lobe moyen du pé-
doncule cérébral, en passant entre deux le scal-
pel,* il prolonge cette incision tout le long du
sillon externe de Sylvius , jusque dans la ca-
vité digitale, située au fond du lobe postérieur;
il ouvre ainsi le sinus, où se trouvent logées la
partie inférieure du ventricule latéral et l’extré-
mité postérieure de la partie supérieure du meme
ventricule.
Cela fait, M. Laurencet renverse l'un sur
l’autre et en arrière les deux lobes moyens , en
évitant de trop les tirailler, ce qui ferait rompre
les piliers postérieurs de la voûte.
Toujours en soulevant le cervelet, cet ana-
tomiste fait une autre incision dans la partie
latérale du lobe antérieur , en commençant
en arrière et en dessous de la couche optique ,
jusques en avant à la pointe de ce lobe, sans
néanmoins le séparer entièrement ; puis il ren-
verse en avant tout ce qui faisait la base du
cerveau et occupait les trois fosses de la base
du crâne. La membrane cérébrale qui était pliée
en cinq, ne se trouve plus qu’en deux doubles ;
mais il n’est pas nécessaire de dé/aire ce der-
nier pli pour s’en rendre compte. On peut ce-
pendant y parvenir quand le cerveau est un peu
ferme; il ne s’agit pour cela que de détacher, en
coupant le septum lucidum et les piliers anté-
rieurs, la voûte qui est fixée au corps calleux ,
puis la corne d’Ammon , et de rejeter le tout en
arrière; alors toute la surface du cerveau re-
garde la table sur laquelle on opère , et l’inté-
rieur de i’organe, que l’on peut parcourir suc-
cessivement, est entièrement développé sous
les yeux de l’observateur.
Voilà ce que M. Laurencet nous dit de sa
méthode, que nous, trouvons préférable à celles
qui l’ont précédée, en ce que l’on peut, par elle,
déployer entièrement le cerveau et le replier en-
suite sans entamer sa substance, ce qui est très
essentiel pour examiner isolément les parties in-
nombrables de ce viscère, auxquelles on a donné
les noms les plus bizarres.
4. Produit de l'analyse du cerveau par
M. D auquel lu.
Eau. 80,100
Matière grasse blanclie 4? 4^
rouge o, 70
Osmazome 12
Albumine 7 ; 00
Phosphore. 1 >
Soufre \
Phosphate acidulé de potasse. . F ^ ^
Phosphate de chaux et de ma- /
gnésie J
Un atome de sel marin.
Total 100, 00
5. De la Sensibilité du cerveau.
Peu sensible à sa circonférence, le cerveau pa-
rait l’être beaucoup vers sa base. La diminution
de son volume, dans les commotions violentes,
indique que cet organe jouit aussi d’un certain
degré de tonicité. Que l’on exerce, par un moyen
quelconque , une pression sur le cerveau , on dé-
4i
trait la sensation dans tous les nerfs qui sont en
communication directe avec ce viscère , quoi-
qu’ils n’aient eux-mêmes éprouvé aucune lésion ;
mais faites cesser la pression cérébrale , la faculté
de sentir se rétablit aussitôt.
I
v
3
$3© -r «C^ r&. '■*£=( o^ °£3;'
CHAPITRE II.
I. De T Appareil (i) des sens destiné à recevoir
les impressions externes.
Malgré les découvertes plus ou moins in-
génieuses des Vésale , des \\ illis, des Vieus-
sens , des Winslow , des Bichat, des Gall ,
des Legallois, etc., nous sommes porté à croire
qu’il n’existe qu’un système nerveux dans l’écono-
mie animale. En effet , le nerf grand sympa-
thique (2) dont on veut , à toute force , faire un
/
(1) Assemblage d’organes dont le but est de concou-
rir à l’exercice d’une même fonclion; ainsi la trachée-
artère, le poumon et sa membrane, forment l’appareil
de la respiration , etc.
(2) Ce nerf, ainsi nommé par Winslow , et que
Chaussier appelle trisplanch nique , à cause des trois
sortes de viscères auxquels il envoie des rameaux, est
cette série de ganglions et de filets de communication
qui s’étendent le long de la colonne vertébrale depuis
le col jusqu’au bassin.
3..
système nerveux distinct , ne prend-il pas nais-
sance dans la moelle épinière , et cette dernière
n’est— elle pas la suite , la continuation de la moelle
allongée , qui est la réunion de toutes les parties
blanches ou médullaires que Ton aperçoit à la base
de r encéphale ? N’y a-t-il pas d’ailleurs une iden-
tilé parfaite entre la substance médullaire des
nerfs et celle du cerveau ?
Qu’on nous cite maintenant un nerf qui ne soit
pas fourni par un autre nerf dépendant du cer-
veau , et nous admettrons la division qui a été
établie.
Les nerfs cardiaques, les grands et petits splanch-
niques , le ganglion semi-lunaire , le plexus so-
laire, le rénal, les ganglions lombaires et sacrés,
ne naissent-ils pas des différentes portions du tri-
splanchnique ? et, encore une fois, ce dernier n’est-
il pas une production cérébrale ?
Parce que la branche nerveuse , dite ophthal-
mique, est une des divisions des nerfs triju-
meaux , clic ne sera pas considérée comme une
dépendance du cerveau ?
Allons plus loin. Tl est convenu, et meme cons-
tant, que les artères naissent des ventricules du
cœur ; eh bien ! les artères coronaires , par exem-
ple, qui sont fournies par la portion ascendante
de l’aorte , qui naît de la base du ventricule
t
gauche du cœur, ne seraient donc pas considé-
rées comme provenant de cet organe.
On aura beau nous dire que, dans certains ani-
maux , il y a des nerfs sans cerveau ; que les acé-
phales sentent et se meuvent, etc. , nous répon-
drons à ces objections que nous ne croyons pas
que l’organe de toute sensation et de tout mou-
vement volontaire soit , dans tous les animaux ,
borné à l’ensemble de la substance nerveuse ren-
fermée dans le crâne. Cet organe , quclqu imper-
ceptible qu’il soit, existe toujours, selon nous, et
ailleurs que dans le crâne, dans quelques classes
d animaux d un ordre très inférieur. Gardons-nous
de croire qu’une chose n existe pas , par cela seul
que nous ne pouvons la voir. Tout a une origine ;
ii s'agit de la découvrir. Il n’est point d’acépha-
les, proprement dits, quoi qu’en disent quel-
ques écrivains célèbres. La plus petite parcelle
nerveuse peut servir de cerveau, et toutes les
expériences faites sur des Lortues et des pigeons ,
par Duvernoy et autres, prouvent seulement qu on
n’avait réellement pas enlevé le cerveau de ces
animaux , puisque ces derniers continuaient a
faire toutes leurs fonctions ; on avait pu les priver
d’une partie nerveuse qui n’était pas la source
primitive des organes des sens et du mouvement.
Rendons grâces aux anatomistes qui , sous d’au-
tres rapports, ont fait faire de si grands pas à la
science j mais simplifions , s’il est possible , l’étude
de l’organisation humaine. Les sciences, en acqué-
rant trop de développement et de surface, peu-
vent quelquefois perdre de leur solidité et de
leur profondeur.
Les nerfs sontdes organes exclusifs de la sensi-
bilité ; ceux des sens, proprement dits , viennent
directement du cerveau et de la moelle épinière ;
47
ils sont spécialement chargés de recevoir les im-
pressions externes. De ce nombre sont les organes
immédiats de la vue, du goût, de l’odorat, de
l’ouïe , du loucher.
Les nerfs de l’œil et de ses dépendances , sont
1 oculaire y Y oculo-musculaire commun, Yoculo-
musculaire interne , Y oculo-musculaire externe ,
et l’ orbito-palpébral. Ces nerfs , que le cerveau
fournit à l’œil , ne sont point les seuls que cet or-
gane reçoive ; le IHsplanchnique lui en fc .mit
aussi. Aucun anatomiste n’en parle ; c’est Chaus-
sierqui , le premier, a fait connaître cette disposi-
tion-, qu’avait cependant pressentie Petit de Na-
niur.
La langue, organe spécial du goût, présente
trois nerfs principaux , qui sont le rameau lingual
de la cinquième paire , Y hypoglosse et le glosso -
pharyngien, quelques filets venant du maxillaire
supérieur, du ganglion sphéno-palalin ou naso-
palatin de Scarpa.
11 paraît que c est surtout dans le rameau lin-
gual et le grand hypoglosse que gît le goût , puis-
que la section de ces deux parties nerveuses en-
traîne également la perte de ce sens.
L7odorat a lieu dans les fosses nasales et la
membrane pituitaire qu’elle revêt, par quelques
branches venant du maxillaire supérieur, et par-
ticulièrement par le nerf olfalctif , qui lire son
nom à1 olfactus , ou qui appartient à l’odorat.
L’ouïe est placée immédiatement dans le vesti-
bule , le limaçon et les canaux demi-circulaires
(parties de l’oreille interne). Ce sens ne reconnaît
d’autre ressort que le nerf auditif, dont les ra-
meaux se distribuent aux parties de l’oreille in-
terne que nous venons de nommer.
Le toucher réside notamment dans la peau,
membrane formée de deux feuillets , l’épiderme
et le derme. Les nerfs que la peau reçoit sont
plutôt des extrémités nerveuses, sous forme de
papilles , qui ne fondent pas un système nerveux
spécial , mais qui proviennent des mêmes centres
que ceux qui se distribuent aux organes des mou-
vcmens volontaires.
49
2. Del appareil des sens destiné a recevoir les
impressions internes. Les nerfs qui composent
l’appareil, dont il s’agit dans cet article, sont ceux
qui se terminent dans la profondeur des viscères.
Nous citerons seulement les deux plexus pul-
monaires q ui naissent du nerf vague ou pneumo-
gastrique , et sont destinés à la membrane et aux
glandes muqueuses des poumons. Nous croyons
inutile de citer ici ceux des appareils digestif,
génital, etc.
3. De t appareil des sens destiné a transmettre
les impressions internes. Les rameaux nerveux qui,
provenus des ganglions , vontse distribuer aux dif-
fère™ viscères de la digestion, etc. Notre opinion
est que les extrémités des nerfs reçoivent les im-
pressions que ceux-ci transmettent par leurs anas-
tomoses ou communications au siège de la per-
ception des sensations , qui est le cerveau.
« Le besoin de respirer, dit M. Broussais , est le
résultat d une impression interne qui réside dans
la membrane muqueuse pulmonaire ; il est trans-
5o
mis au cerveau par le nerf de la huitième paire ,
qui a des expansions dans celle membrane. Le
point du cerveau qui le reçoit est celui où ce nerf
aboutit , c’est-à-dire , la partie supérieure de la
moelle allongée , et c’est aussi de là que part la
volition qui met en contraction les muscles dila-
tateurs de la poitrine. Mais ce n’est pas par les
nerfs de la huitième paire, qui ont apporté la sen-
sation du besoin de respirer, que chemine celle
volition; elle parcourt la moelle allongée, se répand
dans la moelle épinière , et , de là , dans les nerfs
cervicaux qui vont animer les muscles dilatateurs
de la poitrine : ainsi l’acte de T inspiration est
provoqué par une sensation ; le point d’où naît la
huitième paire est celui où aboutit la sensation
du besoin de respirer, et la volition qui va mettre
en activité les muscles inspirateurs descend parla
moelle cervicale. ( Journal universel des Sciences
médicales'). »
Quoiqu’on puisse demander à M. Broussais ce
qu’il en sait , voilà néanmoins des idées séduisan-
tes sur le mécanisme de la respiration. Nous les
devons à un médecin militaire , qui, avec les Cosle,
les Père y, les Descend tes , les Larrey, les Cou-
faneeau, etc. , etc. , a porté aux confins de l’Eu-
rope la réputation médicale de son pays , comme
les guerriers, auxquels ces médecins prodiguaient
leurs soins généreux, ont su y faire arriver la gloire
de nos armes. Qu’on ne croie cependant pas qu’en
plaçant M. Broussais au nombre des plus grands
médecins de notre époque, qu'en reconnaissant
qu il a presque changé la face de l’art de guérir,
nous cessions d’im prouver l’opinion qu’il a de ne
voir que les solides, et les altérations dont ils sont
susceptibles.
Ce serait peut-ctre le cas de faire mention ici
de la cause qui préside à l’exercice des fonctions
cérébrales.
Mais moins hardi, et surtout moins pénétrant
que les psychologistes , nous nous abstiendrons
d entrer dans l’examen des phénomènes de la
pensée. Aucune de nos facultés intellectuelles ne
peut s’expliquer nettement que par la révélation.
La physiologie n’y peut rien, la philosophie non
plus , nous entendons la philosophie purement
raisonneuse qui se sépare de la religion.
Siquelque chose estprouvé en philosophie, c est
que les premières vérités ne peuvent être ni senties y
ni démontrées . Leur origine est donc en Dieu ,
source de toutes vérités, ou, pour mieux dire, Ici
vérité meme.
La cessation de la perception et du mouvement
que produit quelquefois la section des nerfs qui
unissent les appareils de la locomotion et des sens,
ne prouve pas que l’intégrité du cerveau 3oit in-
dispensable pour assurer l’existence des actes de
l’entendement. Nous avons vu des individus qui
ont vécu et joui de toutes leurs facultés intellec-
tuelles, après avoir perdu une partie plus ou moins
grande de leur cerveau.
Le siège de famé est entièrement ignoré ; elle
est partout, comme le Créateur du monde d’où
elle descend, invisible comme lui, comme lui
inaccessible au scalpel. Ainsi cest lame qui
pense, qui voit, qui agit, qui veut, qui entend ,
qui est libre, qui sc souvient, qui prévoit, etc. Elle
n’est point corporelle , elle est toute divine , et il
est aussi impossible d’expliquer l’existence de Dieu
que de la nier.
i
Prenons la mémoire, pour exemple de l’erreur
des philosophes. Cond illac regarde cette faculté
comme un effet de l’habitude que le cerveau
( qu’un célèbre anatomiste nomme l’homme inté -
rienr)dL contractée d’exécuter certains mouvemens.
N’est-ce pas là un premier pas vers la brute?
L’habitude facilite bien le retour d’une série d’ac-
tes quelconques, mais ne suffit pas pour le déter-
miner. Nous avons, à coup sûr, n’en déplaise à
ces messieurs, un œil, une ouïe, un odorat, etc.,
intérieurs.
Nous engageons le lecteur à méditer les admi-
rables chapitres de Saint Augustin , sur la mémoire
et sur les autres facultés de l’âme, dans les derniers
livres de ses Confessions; l’excellent ouvrage de
M. l’abbé Montaigne, sur les sourds-muets; l'in-
troduction à la Philosophie, de M. Laurentïe.
Il ne nous est pas plus possible d’expliquer le
mécanisme des sensations que les effets que leur
attribuent les philosophes.
Toutes les idées nous arrivent par les sens ,
dit Locke. Les organes des sens frappés par les
impressions extérieures, ajoutent quelques physio-
logistes, s’en emparent, et après les avoir modifiées,
les confient aux nerfs qui les transmettent à l’en-
céphale , comme les veines transportent au cœur
le sang contenu dans les extrémités capillaires :
mais quelle est la force qui pousse ce sang ?
Par quel mécanisme les nerfs remplissent-ils
leur double emploi ? est-ce par une sorte d’ébran-
lement? mais ces cordons ne sont pas tendus. Ou
bien , comme l'analogie de leurs usages avec les
deux ordres de vaisseaux sanguins a pu le faire
présumer, est-ce par le secours d’une espèce de
fluide soit électrique, soit galvanique, sécrété par
lenévrélime(i)? Mais rien n’en démontre Fexis-
(i) Espèce de tunique membraneuse qui forme un
tence malgré la supposition de M. Cuvier; et celle
existence fut-elle prouvée, elle n’expliquerait rien
encore, et ne ferait que reculer la difficulté. En
effet, comment ce fluide agit-il pour déterminer
les opérations de l’entendement? Ne peut-on pas
aussi bien se demander comment les sensations
agissent-elles ? Toutefois il se passe probablement
dans le cerveau, quand il est en activité, un chan-
gement d’état, peut-être une série quelconque de
mouvemens inappréciables.
11 en est de même de la conscience, du libre-
arhire ; il faut le croire, parce qu’il nous est révélé
et non parce qu’on le sent. Il y a grand nombre
de gens qui sentent qu’il n’y a pas de conscience,
et qui se conduisent en conséquence.
lousles philosophes des écoles modernes ont
pris pour base de leurs raisonnemens un homme
philosophique , cest-à-dire isolé , qui n’a jamais
véritable canal pour chacun des nerfs. Bicliat, et avant
lui Red, en ont démontré l’existence, mais ne nous
ont rien appris sur sa nature intime.
5G
existé. L’intelligence de l’homme se développe
par la parole , parce qu’il est impossible de le con-
cevoir autrement que comme être social. Suppo-
sez-le seul, sans rapport avec ses semblables ; ses
sens, loin de développer son intelligence, nel’élc-
veront pas même à l’instinct de l’animal, parce
que l’instinct de la brute est dans Y ordre de la
création, et que l’homme isolé n’y est pas. Nous
prions encore le lecteur de voir sur ce point l’ou-
vrage très curieux et très instructif de M. l’abbé
Montaigne, sur les sourds-muets.
Ainsi Locke, Condiliac, comme tous les philo-
sophes que l’on nomme sensualistes , par opposi-
tion à ces autres insensés que l’on appelle spiri-
tualistes, etc. , ont cherché la vérité hors du chris-
tianisme, c’est-à-dire là où elle n’est pas. Cette
philosophie cartésienne est certainement ce que
’ i
l’esprit humain a produit de plus faux. Elle tombe
maintenant de toutes parts dans le mépris, et on
la ruine de fond en comble.
CHAPITRE III.
i. Réaction du Physique sur le Moral.
« On peut , dit un savant publiciste, conce-
voir F influence de l’organisation sur l’âme, en
se rappelant le besoin qu’elle a des organes pour
atteindre sa félicité. Si les fonctions de la vie phy-
siologique deviennent pénibles, contraintes, em-
barrassées , lame ne trouve plus dans le cerveau
qu’un instrument rebelle à ses désirs, et un senti-
ment de tristesse morale doit accompagner le dé-
rangement de la santé. Ainsi, la cause de la mé-
lancolie peut être matérielle, comme celle de la
gaîté peut être également matérielle par la raison
contraire. »
Le physique influe donc sur le moral ou le corps
sur 1 esprit, ou enfin tous les organes sur le cer-
veau, organe spécial de la pensée et de la volonté.
C’est une vérité palpable pour les personnes qui se
connaissent le moins. S’il n’en était pas ainsi .
58
l'homme le plus obscur ne saurait nous expliquer,
plus ou moins bien, les effets des tempéramens,
de l’âge , du sexe , d’un régime bon ou mau-
vais, etc. , sur les fonctions de l’encéphale, sur la
détermination des penchans, sur la naissance des
habitudes, etc.
2. Des Réactions morales sur le physique.
« L’âme, à son tour, continue M. Àlletz, peut
réagir sur les organes. Sa joie intellectuelle ra-
nime la langueur de l’économie animale ; son
ardeur imprime au sang inactif un véritable mou-
vement , et sa constance réfléchie triomphe de la
faiblesse des organes qui l’enveloppent. C’est là
vraiment ce qu’il faut nommer le caractère.
Avoir du caractère , c’est demeurer volontaire-
ment fidèle, dans la pratique de la vie, aux règles
de conduite adoptées par notre raison. L’homme
de caractère, c’est Caton, dont l’âme , au milieu
de l’univers dompté, demeure seule invincible.
C’est l’homme de bien que les débris du monde
écraseraient lavant de l’avoir fait pâlir. 11 faut
donc reconnaître à-la-fois l’empire qu’exercent
sur notre aine nos organes formés , au moment
de la naissance, d’une certaine manière, et la
réaction ultérieure que produit sur ces organes
le développement de l’intelligence. »
Les matérialistes attribuent tout à la nature.
Voyons d’abord ce qu’ils entendent par ce terme.
Les uns en font leur Dieu unique; les autres la puis-
sance créatrice de l’univers; ceux-ci l’ensemble
/
des êtres créés; ceux-là l’ordre éternel ou âme
du monde. Tous n’admettent point d’âme, mais
bien une mécanique capable de se soutenir d’elle-
même, et qui ne cesse d’exister que lorsque les
9
rouages sont usés. Mais par qui et comment cette
machine a-t-elle été formée, où est son régula-
teur ? Nous savons de quelle manière se fait une
horloge et par quels moyens ses mouvemens s’en-
tretiennent; mais dites-nous, philosophes de tou-
tes les sectes, où est le premier moteur de la pen-
dule humaine ?
^ ous le sentez, vous le voyez même; mais vous
4..
Go
n’osez en convenir , parce qu’il vous faut une cé-
lébrité. Vous avez beau faire, il existe un principe
spirituel, qui est Dieu , et cette nature que vous
expliquez de tant de manières diverses , n’est que
l’émanation de ses décrets éternels.
/
L’homo duplex existe donc : nous avons donc
une âme, et un Dieu qui la dirige.
Revenons maintenant au véritable but de cet
article, et prouvons, par quelques faits frappans,
que le moral, à son tour, est susceptible d’in-
Üuencer le physique.
Un entrepreneur de bâtimens qui réunissait
toutes les apparences d’une santé parfaite, apprend
brusquement que sa fortune va s’écrouler par
suite d’une banqueroute considérable. Il tombe
et meurt. On l’ouvre, on cherche dans toutes les
cavités les causes d’une fin aussi subite ; rien ne
se présente à l’habileté du scalpel auquel on a eu
recours.
Gi
Un médecin, dont noire pays s’honore, arrive
au milieu de quelques braves que le fer des Mu-
sulmans n’avait point intimidés , mais que la
frayeur inspirée par la peste est. près de moisson-
ner. L’illustre Desgenettes imprime à leur esprit
une autre direction, et fait ainsi sortir, de leur
ame, l’idée du danger, qu’ils ne redoutaient que
parce que les guerriers de la France préfèrent
mourir les armes à la main.
Un chevalier qui n’est ni sans peur , ni sans re -
proche y est violemment tourmenté par la crainte
de perdre un emploi lucratif, parce que, dit-il ,
d est depuis long- temps souffrant des nerfs , et
que les médecins les plus distingués de la capitale
n’ont pu changer sa constitution, qui est prédis-
posée aux ébranlemens du système sensible; aussi-
tôt une débilité générale se manifeste dans les or-
ganes circulatoires, le sang arrive à peine aux
vaisseaux capillaires , la face devient pâle ; les
étouffemens, l’oppression et d’autres phénomènes
attestent que la respiration est gcnce, la digestion
interrompue, etc. Le médecin, nouvellement
appelé, s’empare de l’esprit du malade, le rassure,
et lui annonce que dans trois mois il reprendra ses
fonctions pour ne plus les quitter, et qu’en consé-
quence il conservera sa place.
Cet officier supérieur, par son grade, continue
de servir très activement , élève des maisons en
France au lieu de bâtir des châteaux en Espagne,
et rien n’annonce qu’il soit menacé de retomber
dans le même état de maladie, puisqu’il y a plus
de trois ans que ce fait a eu lieu, et que ce servi-
teur , quoique faible , n’a encore éprouvé aucun
symptôme nerveux. C’est ainsi qu’on magnétise
l’imagination d’un homme pusillanime.
Le jeune militaire nouvellement arraché aux
foyers paternels, aux habitudes, aux inclinations
de son enfance, aux tendres penchans de la nature,
regrette les lieux qui l’ont vu naître, alors même
çppq Es a quittes volontairement, toutes ses idees
se réunissent sur un seul objet, il 11e songe qu au
pays natal, le désir d’y retourner l’enflamme, ir-
rite son imagination, et l’impossibilité de satisfaire
03
ce besoin impérieux, développe en lui la cruelle
maladie , dite nostalgie.
L’art combat vainement la nostalgie , elle mois-
sonne une foule de sujets ; il n’est qu’un seul
moyen auquel elle cède momentanément, c’est la
permission de revoir ses loyers, et souvent le nos -
t algique est à peine en route qu’il a recouvré la
santé. Nous avons eu occasion d’observer un grand
nombre de nostalgiques , et nous les avons vus
maigrir, se miner, s’éteindre insensiblement sans
que rien pût prendre le moindre ascendant sur
eux : tout leur moral était affecté, et la plaie pro-
fonde faite à leur cœur ne pouvait se cicatriser;
il semblait meme que tous les moyens de distrac-
tion, auxquels nous avions recours, ne donnassent
que plus d activité à leur humeur sombre; et
lorsque nous les quittions, ils retombaient dans une
mélancolie qui absorbait toutes leurs facultés.
Abandonnes à eux-memes, ils éprouvaient de
bien plus terribles angoisses.
: , > • r . . , • :
CHAPITRE IV.
Connexions intimes de l notion cérébrale avec
les J onctions d organisation et de reproduc-
tion.
Le cerveau est, comme nous l’avons dit, le cen-
tre primitif de tous les phénomènes de la locomo-
tion. La volonté est excitée par le jugement et les
passions; la volition est le résultat de son exer-
cice, et, transmise par les cordons nerveux, elle est
exécutée par l’appareil musculaire. Tous les mou-
vemens ont pour but l'entretien de nos relations
avec les objets extérieurs , la conservation de l’in-
dividu ou celle de l’espèce; ainsi, tantôt ils se rap-
portent aux actes de l'intelligence , tantôt aux
déterminations instinctives.
i ° L action cerebrale est liee avec la digestion ,
puisque la section de la paire vague affaiblit les
forces digestives, puisque des dissections fréquen-
tes ont fait voir une correspondance réciproque
entre les maladies du bas-ventre, et les altérations
du produit des facultés mentales.
2° L’action cérébrale est unie avec les mouve-
mens respiratoires, puisqu’une lésion du nerf va-
gue ou du nerf diaphragmatique les fait dispa-
raître.
3° L’action cérébrale est intimement liée avec
la circulation puisqu’en interrompant leurs rela-
tions on suspend l’une et l’autre à-la-fois; les batte-
mens du coeur cessent par une blessure de la partie
supérieure de la moelle épinière ; la ligature des
artères carotides et des vertébrales , est suivie de
la mort la plus prompte ; l’alllux plus abondant
du sang artériel vers la tête développe les opéra-
tions de l’intelligence.
4° L’action cérébrale a des rapports particu-
liers avec la génération : ainsi , lors de certaines
époques, le développement du système repro-
ducteur , créant un nouvel ordre de sensations ,
entraîne des changemens remarquables dans les
G 7
dispositions morales, comme dans la constitution
physique.
Enfin, l’action cérébrale est nécessaire aux sé-
\
çrétions, à la nutrition, à la calorification , et se
rattache d une manière générale à l’organisme
animal: les passions violentes , les méditations
profondes , se peignent , en effet , par des signes
manifestes dans tout 1 individu • la cessation su-
bite de tous les phénomènes vitaux est la suite
d’une apoplexie foudroyante : les acéphales ne
pourraient donc subsister.
Nous avons successivement examiné l’appareil
renfermé dans le crâne et dans le canal verté-
bral, etc. ; mais le cerveau serait-il partagé en
plusieurs départemens organiques, suivant l’in-
génieuse expression de Bordeul et serait-ce sur
chacune des divisions de ce viscère que le prin-
cipe intellectuel agirait tour— à— tour pour dé-
cider les différens actes de la pensée ? Celle hypo-
thèse appartient à des physiologistes du premier
oi dre, et nest point entièrement dépourvue de
G8
<
vraisemblance. Elle peut, au moins, faciliter l’ex-
plication de certaines aliénations mentales, limi-
tées à une série particulière d’idées ; de certains
phénomènes partiels de l’intelligence (comme les
rêves, le somnambulisme ) ; enfin, de cette espèce
de délassement qui suit le changement de médi-
tation, et qui semble indiquer le changement de
siège du travail de l’esprit. Peut-être aussi la
multiplicité des fonctions cérébrales, et la diffé-
rence d’énergie de chacune d’elles , se conce-
vraient-elles mieux par l’existence de la pluralité
des portions organiques, et par leurs divers degrés
de dével oppement .
Ces subdivisions de l’encéphale n’excluraient
toutefois pas l’unité de son action : ainsi une vie
s’exerce bien avec plusieurs appareils, et une seule
volonté avec les nombreux instrumens de la loco-
* /
motion.
Peut-être les parties cérébrales nous laisseront-
elles un jour apercevoir leurs différens usages , et
si chacune d’elles remplit une destination parti-
culière. Le Créateur, qui ne fait rien en vain , au-
rait-il mis inutilement tant d’art dans la forma-
tion du cerveau? aurait -il déployé, dans la
structure de ce viscère , un arrangement si
varié, sans attacher aucun dessein à chacune des
pièces de cette savante architecture? mais nous
doutons que ces usages puissent se transmettre à
nos sens par la forme différente des protubérances
du crâne.
CHAPITRE V,
i ° Du Sommeil.
Nous croyons devoir terminer celle premier
partie par quelques réflexions sur les deux phéno-
mènes physiologiques connus, la veille et le som-
meil , pendant lesquels le cerveau suspend ou
enouvelle son activité.
La cause première du sommeil nous est incon-
nue. 11 s’annonce par des bâillemens et des pen-
diculations. Les sens externes ne tardent pas à
s’endormir successivement. Les causes occasio-
nelles sont les fatigues du jour, le silence de la
nuit, l’absence des stimulans externes, et la pré-
sence des objets propres à émousser nos sensations.
Le goût, l’odorat et la vue ne sont plus excités par
les stimulans extérieurs ; bientôt après, l’ouïe et
le toucher ne repondent plus aux impressions qui
les frappent; la voix et le mouvement ont aussi
cessé leur action. Les articulations se sont à
moitié fléchies, et l’individu, replié en quelque
sorte sur lui-même, semble ne présenter qu’une
surface plus étendue à l’attaque imprévue des
objets environnans.
Les différentes fonctions subissent également
des changemens dans leur activité .
Le sommeil est complet quand il présente l’en-
semble de tous les objets que nous venons d’indi-
quer • et partiel seulement, lorsque tous n’existent
pas. Dans ce dernier cas, la voix, Faction mus-
culaire , ou plusieurs actes de l’intelligence , peu-
vent continuer à s’exécuter, et même avec un sur-
croît d'énergie ; des idées se reproduisent, se com-
binent d’une manière variée; et de là naissent
les songes dont la nature est sou vent modifiée par
les sensations internes, émanées des organes de
la digestion, de la circulation, etc. Les mou-
vemens du corps s’associent souvent au travail de
\ l’esprit, et même aux accens de la voix et de
la parole; et cet état de repos incomplet carac-
térise le somnambulisme ; qui n est qu une folie
incomplète.
« Le fou y dit encore M. Alletz , et avec rai-
son n’est pas séparé entièrement du monde exté-
rieur ; il reçoit des impressions immédiates , mais
il les confond avec les images de sa mémoire ; il
lait un mélange bizarre de ses sensations et de ses
souvenirs , et son âme est obligée de tirer des juge-
mens de cette combinaison monstrueuse qui se
renouvelle et se diversifie à chaque moment. Le
somnambule ne reçoit aucune sensation réelle;
l’organe intérieur est seul éveillé chez lui , et son
intelligence ne peut agir que sur les images des
sensations passées. Le fou habite à-la-fois deux
mondes , et sa maladie consiste à ne pas les dis-
tinguer l’un de l’autre ; le somnambule n’habite
que le monde de son cerveau, et son état est le
rêve en action
» Si 1 ame ne demeure pas oisive chez l’homme
qni rêve., elle doit l’être encore moins chez celui
74
qui parle, marche et agit en rêvant. Aussi n’est-il
pas rare de trouver les traces profondes de l’intel-
ligence marquées sur les faits du somnambu-
lisme. »
2. De la veille. Les causes de la veille tiennent
à l’impression vive des sons et de la lumière, aux
excitations internes, enfin à l’habitude, à la vo-
lonté même , et surtout à la réparation des forces
physiques et morales ; dans ce dernier cas , le but
du sommeil est complètement rempli.
Les sens reprennent successivement leur tra-
vail en suivant un ordre à-peu-près inverse à
celui dans lequel ils Font abandonné.
✓
L’âge , le sexe , le tempérament, les habitudes ,
le climat , la saison, etc. , font varier la durée du
sommeil et de la veille.
Sans cesser d’observer cette gravité si néces-
saire dans la rédaction d’un livre de médecine ,
ne pourrions-nous pas , avec une espèce de jus-
tcsse , comparer le système nerveux à une monar-
chie constitutionnelle, où tout se passe avec ordre
et sans confusion de pouvoirs ?
Le cerveau est le roi , et cette foule d’autres
organes qui lui sont soumis, oiit chacun leurs fonc-
tions, qu’ils remplissent avec exactitude et fidélité !
Le cœur , l’estomac , les poumons occupent les
plus hautes fonctions et distribuent les rôles secon-
daires à des employés en sous-ordre , mais tou-
jours sous la surveillance du monarque encépha-
lique , que la Providence soutient ou détrône à
son gré , dans les grands comme dans les petits
états.
Le sujet de la première partie de cet essai pou-
vait, sans doute , être exposé d’une manière plus
étendue ; mais notre but était plutôt d’en donner
un aperçu que d’entrer dans des détails qui eus-
sent demande des lumières bien supérieures aux
nôtres.
'
■
. •
■ •
•
■
,
DEUXIÈME PARTIE.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NÉVROSES.
Dans la série des phénomènes physiologiques
que le Créateur offre au médecin , il n’en est point
de plus digne d’attirer son attention , d’exciter son
zèle et de commander son respect, que le phéno-
mène de la sensibilité ; par elle tout vit dans la
nature, depuis la mousse jusqu’au chêne, depuis
l’insecte le moins pourvu d’instinct jusqu’à
l'homme.
Privés de cette propriété , entourés d’agcns
nuisibles , de dangers imminens , nous serions
sans cesse exposés à finir noire misérable exis-
tence.
Savans de toutes les époques et de toutes les
sectes! retournez donc ainsi votre axiome : Nihil
est in sensu , quod non fuent in intelleclu , et
contentez-vous de croire. L âme intelligente est
un rayon du Créateur, que vous ne trouve-
rez ni dans le sensorium commune , ni dans la
glande pinéale , ni dans la protubérance cé-
rébrale , ni dans l’origine de la moelle allon-
gée, ni dans les entrailles. Cette âme, que le phj-
siologisme place si bas, n’est point subordonnée
aux sens , mais elle les règle comme elle dirige
l’esprit.
Les nerfs seraient donc, par la sensibilité qu’ils
possèdent exclusivement , les ressorts les plus es-
sentiels de l’économie animale , s’ils ne l’étaient
déjà par leur naissance , qu’ils tiennent du roi des
organes(le cerveau) , et l’influence qu’ils exercent
sur le système de la vie.
Les maladies nerveuses ont reçu , des auteurs
qui s’en sont spécialement occupés , différentes
dénominations qui dérivent des parties sur les-
79
quelles elles se sont fixées , des fonctions qu’elles
troublent, de celles qu’elles abolissent, ou des
phénomènes qui les accompagnent. De là , pour
le premier cas, l3 odontalgie , ou la douleur qu’on
rapporte aux dents; V hystérie , ou névrose uté-
rine ; la sciatique , ou affection du nerf de ce
nom , etc.
Pour le second cas, la diplopie, ou vue double,
la dysécie , ou audition faible, etc.
Pour le troisième , la surdité , la paralysie.
Pour le quatrième enfin, la démence, l’hydro-
phobie, etc.
Les affections qui nous occupent varient con-
sidérablement cl intensité , selon le tempérament
de chaque individu et le défaut d’énergie de ses
forces , 1 âge , le sexe , l’influence des saisons , la
fréquentation plus ou moins prolongée des per-
sonnes atteintes de ces maladies , les privations
So
qu’on a éprouvées , les habitudes , les émotions,
les chagrins , etc.
Les observations ont constaté que les personnes
faibles , d’une constitution nerveuse , à passions
violentes , étaient les plus exposées aux maux
dont il s’agit ; que les femmes , qu’un médecin
nomme si peu galamment de véritables machines
à vapeurs , en étaient plus souvent tourmentées ;
et qu’en général , tonte tension de l’esprit y pré-
disposait d’une manière particulière, de même
que l’abus des liqueurs spiritucuses et celui des
plaisirs énervans. C’est ce que nous examinerons
plus au long à l’article suivant.
On a remarqué également de la différence dans
l’apparition des symptômes principaux des mala-
dies nerveuses. Dans les unes , la douleur et la
tension se développent dès leur invasion. Exem-
ple , le tétanos. Dans les autres , comme dans la
parai \sie, ces symptômes manquent entièrement.
Dans celles-ci , la sensibilité est exaltée 3 dans
8x
celles-là, il y a vraiment atonie de cette propriété,
ce qui aurait dû engager les nosographes à dis-
tinguer les maladies du système nerveux en sthé-
niques, ou par excès de ton , et en asthéniques r
ou par débilité (i).
La plupart des névralgies se retrouvent natu-
rellement dans les premières, et le plus grand
nombre des névroses, proprement dites, dans les
asthéniques , quoiqu’il y ait peu loin , comme
nous l’avons déjà fait observer, de névrose à né-
vralgie; nous serions même tenté de ne considérer
la névralgie que comme le premier degré de la
névrose.
Les principes fondamentaux de la science de-
vaient nécessairement faire admettre, io des
(0 Quelques oreilles se formaliseront peut-être de
\ oir reproduire, aux beaux jours de la doctrine physio-
logique, le langage de Brown ; mais Inexpérience nous
en a démontré la justesse , et nous l’adoptons , quand
même !
82
névroses idiopathiques ou primitives ; exemples :
la névrite, ou irritation d’un nerf , qui, d’après
MM. Martinet et Bar ras, se borne au névrilème ;
I encéphalite , ou inflammation du cerveau que le
docteur Récamier , dont les efforts sont si sou-
vent couronnés par des succès inespérés, a si
bien démontrée dans ses cours et combat si
heureusement dans sa pratique; l’inflammation de
la moelle épinière, que M. Ollivier d’Angers a ,
le premier, désignée sous le nom de myélite.
20 Des symptomatiques ou consécutives ;
exemples : les affections nerveuses qui, pendant
qu’elles étaient encore locales, ont atteint d’autres
organes, et ont. déterminé des altérations secon-
daires, comme le délire , et Je carus ou assoupis-
sement, qui surviennent parfois dans la gastralgie
ou névrose de l’estomac.
Cette série est sans doute la plus nombreuse, si
l’on fait attention qu’il est rare qu’un organe soit
profondément affecté sans qu’il y ait névralgie ,
plus ou moins vive , puisque le système nerveux
83
se distribue aux parties les moins apparentes de
l'économie animale.
3o Les sympathiques , qu’il ne faut pas con-
fondre avec les précédentes, et qui se conçoivent
facilement , lorsqu’on connaît les liens qui unis-
sent les nerfs d’une même paire ; deux nerfs d’un
même colé du corps , les nerfs cnlin de tous les
organes.
Bichat, le célèbre Bichat (sans les travaux
d uquel les médecins physiologistes feraient moins
de bruit ), en agaçant , après les avoir mis à dé-
couvert, les nerfs des membres supérieurs, occa-
sionnait des convulsions dans des muscles des
extrémités inférieures , bien étrangers sans doute
aux nerfs que ce grand anatomiste soumettait à ses
expériences. Ne sont-ce pas là des convulsions
sympathiques ?
L n nerf optique est-il souvent lésé sans que l’au-
tre le soit? Bichat, notre ancien maître, qui, mort
*
a trente ans , a mérité que des honneurs publics
fussent décernés à sa mémoire, et qu'il faudra
toujours citer quand il s’agira de saine physiolo-
gie , lit, en notre présence, tomber un chat dans
des mouvemens nerveux généraux , apres avoir
piqué le filet nerveux qui passe au-devant de la
veine jugulaire externe.
Nous avons vu, en Suède, un général distingué,
le baron T , perdre la vue à la suite d’un coup
de feu qui avait déchiré un rameau du nerf
frontal .
On ne peut donc s’empêcher de reconnaître
des névroses purement sympathiques.
Quant à la distinction des affections nerveuses,
en aiguës et en chroniques, on ne doit y attacher
que peu d’importance; car les chroniques passent
très facilement à l’état d’acuité, et vice versa. Ce-
pendant le tétanos , V iléus ou névrose de l’intestin
grêle, V asphyxie, etc., sont essentiellement ai-
guës. Il serait même exact de considérer généra-
lement les névralgies comme aiguës, et les né-
V roses comme chroniques. Mais, encore une fois,
cette distinction n’est que très secondaire, attendu
que les unes et les autres reconnaissent pour leur
production les memes causes; au reste , le traite-
ment de ces altérations prouvera suffisamment,
nous l’espérons du moins, en faveur de notre
opinion.
Les maladies du système nerveux sont encore
intermittentes, comme presque toutes les névral-
gies; ou continues, comme plusieurs névroses ; ou
périodiques, exemples : V hystérie , l’épilepsie, etc. ;
car nous établissons une différence entre l’inter-
mittence et la périodicité , quoiqu’il n’existe pas
toujours une grande régularité, ni pour l’une ni
pour 1 autre; mais la périodicité n’en est pas moins
ce retour marqué de certaines maladies à des épo-
ques régulières et déterminées; tandis que l’inter-
mittence se manifeste plus rapidement, et que le
danger, qui la suit, est souvent pins grand.
On a cherche , mais en vain , à expliquer les
causes de tous ces intervalles dans la marche de
86
plusieurs maladies ; ce sont de ces prévoyances
de FEternel dont on ne se rendra jamais compte.
L’homme ne pourrait, en effet, résister long-temps
à une fièvre violente qui ne lui donnerait aucun
relâche, à l’épilepsie, etc. , que nous supportons
cependant à cause des distances qu’elles mettent à
reparaître. Si l’hydrophobie était périodique, on
la guérirait vraisemblablement.
CHAPITRE PREMIER.
Causes prédisposantes.
«
Ainsi que nous l’avons déjà dit , les névroses
n’épargnent ni âge, ni sexe, ni tempérament; elles
peuvent se montrer dans tous les climats , dans
toutes les saisons de l’année, dans tous les lieux ,
et dans toutes les conditions de la vie; mais ces
diverses circonstances peuvent leur imprimer des
modifications qu’il est utile d’examiner.
^ • i
i . Age et sexe. Les névralgies peuvent affecter
les individus de tout âge et de tout sexe; elles
sont, d’après l’observation, plus fréquentes et plus
dangereuses chez les femmes et les enfans que chez
les hommes, les adultes et les vieillards. Chez
ces derniers elles sont surtout moins fâcheuses
( principalement dans les pays chauds où elles pas-
sent souvent à l’état chronique), c’est lentement
qu’elles les conduisent à la mort.
88
Il est vrai cependant que chaque époque de
la vie a ses névroses propres ; il en est de même de
chaque sexe ; dans l’enfance le cerveau et le sys-
tème nerveux présentent un volume relatif consi-
dérable. La dentition et la présence des vers dans
les intestins, à laquelle cet âge est plus particuliè-
rement sujet, l’expose beaucoup plus souvent aux
convulsions; il faut placer ici une mauvaise édu-
cation physique, cause si commune des nombreu-
ses affections du système nerveux.
La puberté termine l’enfance ; à cette époque
le système vasculaire, peu développé dans le pre-
mier âge, prend une force d’activité qui domine
sensiblement celle du système nerveux.
Les maladies delà jeunesse offrent évidemment
l’action augmentée surtout du système artériel.
Mais à cet âge, les passions et l’activité particulière
des facultés intellectuelles, étant continuellement
en jeu , le système nerveux reçoit une disposition
très favorable à contracter la fièvre maligne, dite
nerveuse par Stoll.
Dans l’âge \ iril la pléthore veineuse, 11 est vrai,
succède à la pléthore artérielle, mais cet âge n’en
est pas moins exposé à la sciatique, et les passions,
comme nous le verrons, causent également du
trouble dans le système des nerfs.
Tout dégénère dans la vieillesse , tous les sys-
tèmes languissent et ne tardent pas à être anéantis.
La fin de la vie générale est annoncée peu à peu ,
et sans secousse, par la mort successive des diffé-
rons organes. « Dieu, dit Montagne, fait grâce à
ceux à qui il soustrait la vie par le menu ; c’est le
seul bénéfice du vieillard. La dernière mort en
sera d’autant moins pleine et nuisible ; elle ne
tuera plus qu’un demi ou un quart d’homme. »
La sciatique est une espèce de fléau de la vieil-
lesse 5 sous le rapport moral, chaque âge produit
aussi dans l’homme de grands changemens ; chez,
lesenfans, les facultés de l’âme sont peu dévelop-
pées. Les objets se gravent facilement dans leur
mémoire , mais ils en sortent de même. La gour-
mandise et la curiosité sont leurs passions do mi-
6
liantes. « Lesenfans n’ont ni passé ni avenir, dit
La Bruyère; mais, ce qui ne nous arrive guère,
ils jouissent du présent. »
L’imagination est la faculté de l’âme la mieux
développée chez les jeunes gens : l’amour est leur
passion dominante. L’impétuosité et le goût de
l’indépendance forment leur caractère.
Dans l’âge mur le jugement est tout-à-fait en
vigueur. Les passions s’agitent autour de lui pour
s’en emparer.
Les facultés de l’âme éprouvent dans la vieil-
lesse le même décroissement que nous avons re-
marqué dans les organes du corps (i).
(i) Il faut en excepter les vieillards religieux: il en
.est un grand nombre dont toutes les facultés intellec-
tuelles semblent s’accroître sans cesse et jusqu’au der-
nier moment; preuve frappante que Dieu est la vie de
notre âme. In Deo vivimus , movemur et sumus , dit
l’apôtre.
91
Prima langues cit senuni
Memoria Ion go , lassa sublabens situ.
Ces courtes considérations sur les âges ne prou-
vent-elles pas encore les rapports qui existent en-
tre le physique et le moral.
Les femmes conservent long-temps le tempé-
rament de l’enfance. On remarque chez elles la
même fréquence respective du pouls , la meme
imperfection dans la vigueur de l’âme et du
corps ; la même inconstance de caractère (i), de
(i) Nous ne dirons pas moins innocente , pour no
rien adresser de désobligeant à ce sexe qui vaut bien le
notre. L’homme n’a en effet, déplus que la femme,
que la force dont il fait trop fréquemment un si indigne
usage ; encore est-ce de la force physique que nous en-
tendons parler, car la force morale est plus réelle chez
la femme que chez l’homme, à moins qu’on ne veuille
faire consister cette faculté dans l’enlèvement d’une re-
doute, dans le duel, etc. Nous ne craignons pas de le
répéter, les femmes qui sont courageuses, ont plus de
cette vertu que les hommes. Écoutons un moment m»
6.;
plus une sensibilité exquise , une irritabilité ex-
cessive. La grossesse, cetle fonction qui nous les
de nos plus sincères écrivains sur ce sujet si digne de
notre admiration comme de notre intérêt ;
« Des formes douces et gracieuses de cette moitié du
genre humain , de la délicatesse de ses fibres , de la mol-
lesse et du développement de son tissu cellulaire, Ton
doit attendre toutes les affections d’humanité, de com-
passion, de charité tendre, de conciliation, qui entre-
tiennent la société, lient ses divers membres, resserrent
les nœuds de la famille, et forment le plus délicieux apa-
nage de la maternité. Par sa faiblesse, la femme sent le
besoin de s’attacher, d’aimer, de plaire; elle s’adresse
au cœur, elle se plaint au cœur; jamais l’enfant n’im-
plore en vain sa pitié : elle brave toutes les souffrances,
elle affronte tous les dangers pour son fils; elle s’élance
pour le sauver, dans les flammes connue dans les ondes:
tous les infortunés lui appartiennent. Dévouée à l’op-
primé , à l’infirme, elle partage ses afflictions, elle se
charge de ses douleurs; on la voit marcher à l’écha-
faud avec une victime; et, satisfaite de scs sacrifices,
elle ne demande pas de plus douce récompense que
d’être aimée.
» Ne sont-cc pas des femmes qui ont porté la vertu
rend si chères et si précieuses, après qu’elles ont
obtenu notre amour par la douceur, les grâces ,
jusqu’aux plus sublimes excès î C’est A.lceste mourant
pour son époux; c’est une indienne se précipitant sur
le bûcher qui consume son mari; c’est une Lacédémo-
nienne sacrifiant son fils échappé à une défaite; c’est
Eponine se dévouant avec Sabinus aux longues hor-
reurs de la misère et de l’exil ; c’est Àrric montrant à
Pœtus l’horreur d’une belle mort; ce sont encore ces
magnanimes Françaises qui accompagnaient dans la
proscription, dans les cachots, dans les supplices, des
parens, des fils, des époux, au milieu de nos tournions
révolutionnaires. »
Nous ajouterons : c’est une illustre fille de France ,
épuisée par la douleur, qui suivait en tous lieux l’au-
guste frère de son père et roi , tombé sous l’horrible insa
trumeut de l’anarchie, qu’on a oublié de soustraire à
ses yeux flétris par les larmes ;. c’est une princesse su-
blime qui, pour sauver à la patrie un Bourbon de plus,
brave le coup terrible que lui fait subir le fer assassin ;
ce sont enfin ces filles hospitalières que rien n’arrête,
ni les peines, ni les fatigues, ni les privations , ni la
contagion, pas même la mort, quand il est question de
secourir l’infortune.
!
94
le charme (le l’innocence et de la faiblesse, les
expose bien plus fréquemment aux maladies ner-
veuses que les hommes.
3. Climats. Les névroses ont été observées sur
tous les points du globe ; elles régnent surtout
dans les contrées où la chaleur est intense ; elles
sont ( quelques-unes du moins ) comme endémi-
ques dans les pays méridionaux, où la sensibilité
est singulièrement exaltée.
D’autres sont plus fréquentes chez les nations
septentrionales , où le froid diminue et supprime
la transpiration. Les rhumatismes en sont un
exemple.
i
Les pays bas , humides , marécageux , comme
la Hollande, l’Angleterre, etc. , ont aussi leurs
névroses. La sciatique et les maladies nerveuses
que l’on remarque dans la cité du spleen ( Lon-
dres ) en sont des preuves suffisantes.
L’atmosphère , dans les îles Britanniques, est
en général brumeuse , surchargée de substances
étrangères ou irritantes. Aussi voit-on ses liabi-
tans accourir, aussitôt que cela leur est possible ,
dans notre belle France , et préférer le ciel pur
de la Touraine, comme leur offrant le plus de
ressources hygiéniques contre cette névrose qui
les porte à se suicider avec calme et sang-froid ,
souvent même au milieu des honneurs , des jouis-
sances domestiques les plus recherchées.
Nous ne prétendons cependant pas que ce soit
uniquement l’air de leur pays qui porte les An-
glais au tœdium-vitœ , mais nous pensons qu’il
y est pour beaucoup, puisqu’au milieu des rian-
tes distractions de l’Italie, et sous la température
de notre patrie , ils cessent de s’ennuyer et sont
beaucoup moins portés à se détruire (i). Nous
croyons donc que beaucoup d’autres causes mul-
tiplient le suicide chez eux.
(i) Nous tenons de plusieurs médecins de Londres ,
que, depuis i8i5 , les suicides en Angleterre sont d’un
tiers moins communs.
Nous nous dispenserons de les énumérer, pour
ne pas encourir le courroux de ces favoris d’Eole
et de Neptune 4
Les affaires publiques qui, dans ce pays, oc-
cupent si sérieusement les hommes d’état , fati-
guent ces derniers d’une manière extraordinaire.
On les voit, pour peu qu’ils soient contrariés, se
pendre ou se couper la gorge : aussi le gouverne-
ment anglais est-il le plus riche et le plus puis-
sant, mais le moins moral de l’Europe civilisée.
Ce qui nous étonnera long-temps, toutefois,
c’est qu’après une concession semblable faite à
l’avantage de notre situation topographique, les
Anglais ne veuillent pas, par pur orgueil natio-
nal , reconnaître l’influence du climat et appré-
cier, en partie du moins , l’importance d’un trai-
tement médical approprié à l’état de l’air, du
lieu , etc. ; ce qui est cause qu’on les voit sou-
vent et rapidement enlevés par des affections qui,
dirigées plus sagement, céderaient avec facilité.
Ils préfèrent souffrir avec une dose de calomel \
97
de poudre de Gjms ou d’huile de castor , que
d’être soulagés par un régime convenable , qui
guérit souvent et ne nuit jamais.
i
Nous n’oublierons pas l’observation que nous
ht un Anglais , dont la femme , accouchée tout
récemment , éprouvait une irritation d’entrailles
violente , et pour laquelle nous proposions une
trentaine de sangsues sur le ventre , etc. a En
Angleterre, nous dit-il , on purge avec l’huile de
castor jusqu’à deux , trois et quatre fois. » En
France , lui répondîmes-nous , nous traitons nos
dames plus doucement. Notre avis ne fut point
suivi, et la malade succomba à tous les déchire-
mens que cause presque constamment un pareil
incendie.
Dans une circonstance semblable, le contraire
lut fait , et la nouvelle accouchée , quoique plus
faible , fut complètement guérie.
Nous fûmes un jour invité à nous rendre au-
près d’un colonel anglais qui souffrait horrible-
ment d une maladie du foie. c( Je vous remercie,
9»
Monsieur, nous dit-il, mais j’aime mieux être
envoyé dans l’autre monde par un médecin de
ma nation , cjue d’être même sauvé par un doc-
teur français. Les médecins de ce pays sont peu
capables; ils vous laissent mourir. Cependant,
si vous voulez me donner votre opinion par écrit,
je la communiquerai à mon médecin que j’at-
tends. »
Nous remerciâmes ce malheureux des choses
obligeantes qu’il venait de nous adresser, l’assu-
râmes qu’il valait mieux , quand on ne pouvait
faire autrement, laisser mourir ses malades que de
les assommer. L’opinion que nous laissâmes à
notre confrère britannique, la voici : « Nous
proposons au docteur A.... de faire entrer le
colonel W à Charenton, ou dans une mai-
son de santé. »
Nous ne croyons pas être sorti de notre sujet
en entrant dans ces détails minutieux ; nous
avons voulu prouver que l’influence des climats
est plus importante qu’on ne le pense en Angle-
99
terre , et qu’un habile médecin , qui n’a jamais
quitté Londres, peut n’êtrc qu’un mauvais prati-
cien à Paris ou ailleurs , et vice versa.
3. Saisons. Les névralgies peuvent régner dans
toutes les saisons ; mais c’est surtout dans les sai-
sons humides et froides que plusieurs exercent
leurs tourmens , tandis que d’autres sont plus
communes dans les fortes chaleurs de l’été , ou les
grandes vicissitudes du chaud au froid sont plus
sensibles et plus dangereuses.
C’est pendant l’été que se manifestent la ma-
nie, l’hydrophobie, l’épilepsie, le tétanos, les co-
liques nerveuses, l’iléus, la nymphomanie, la cata-
lepsie, le somnambulisme, etc., parce que c’est
alors que la chaleur épanouit le système nerveux à
l’extérieur, quelle avive ses fonctions , surtout
quand elle n’est pas intense.
L’hiver, au contraire, excite plutôt les toux
convulsives , les vertiges , les céphalalgies , les
apoplexies, etc.
IOO
4- Tempéramens. Les névroses peuvent atta-
quer tous les individus quel que soit leur tempé-
rament ; mais ce dernier peut influer beaucoup
sur leur développement : aussi les voit-on s’adresser
de préférence aux personnes douees d un tempé-
rament nerveux, d’une constitution faible , déli-
cate , sensible , irritable ; aux convalescens ou
valétudinaires , aux hypocondriaques , aux phthi-
siques , etc.
5. Lieux . Les névralgies peuvent régner dans
tous les lieux , comme sous toutes les tempéra-
tures , dans toutes les saisons ; car il existe pour
ces maladies, comme pour beaucoup d’autres ,
i
des variations infinies, et des exceptions sans
nombre à tous les principes qu’011 veut établir;
mais l’expérience a généralement démontré leur
présence dans les lieux élevés , humides ; dans
ceux où l’air est vif, où dominent les vents du
Nord et du Sud.
G. Profession . Les maux de nerfs s’attachent
de préférence à ceux qui se trouvent plus expo-
ior
ses aux vicissitudes atmosphériques et au pas-
sage brusque du chaud au froid. Tels sont les
marins, les soldats , les cultivateurs, les indi-
gens; aux hommes de lettres, de cabinet, dont
l’esprit est constamment tendu , aux personnes
qui mènent une vie molle et efféminée, à celles
qui spéculent beaucoup ; aux ouvriers qui travail-
lent les métaux , tels que le plomb , le mercure ,
etc. j à ceux qui broient les couleurs.
Les grands du monde n’en sont point à l’abri.
La vie sédentaire qu’ils mènent, la dissipation,
les plaisirs de tous les genres les exposent à leur
tour aux maladies du système nerveux. On pour-
rait citer plus d une te te couronnée qu’ont frappées
la manie ou. la démence, et c’est encore chez nos
superbes voisins d’outre -mer que notre opinion
trouverait un plus grand nombre d’appuis.
(
.
-
.
CHAPITRE II.
Causes occasionelles.
i. Atmosphère. Parmi le grand nombre de
causes susceptibles de produire les névroses , il
n’en est pas de plus fréquentes que celles qui sup-
priment d’une maniéré subite la transpiration cu-
tanée , et portent sympathiquement sur le système
nerveux un surcroît d’action destiné à y sup-
pléer.
Au premier rang des causes agissantes ou dé-
terminantes , nous placerons donc les \icissitudes
atmosphériques , l’humidité froide , la tempéra-
ture chaude et également humide , les temps né-
buleux , 1 insolation sur la tête , le refrdidissement
du corps, notamment des pieds; l’inspiration d’un
air a Itéré par des odeurs lortes ou par des miasmes
délétères. Ainsi la proximité des fosses d’aisances,
des cimetières , ou autres lieux de sépulture , des
fabriques d’acides minéraux, l’habitation dans
des lieux où se trouvent entassés beaucoup d’in-
dividus malades.
2. Choses appliquées à la surface extérieure
du corps. Celte section fournit peu de causes aux
maladies nerveuses , si ce n’est l’emploi des vêtc-
meirs trop légers en hiver et trop lourds en été ,
l’application de vê terriens mouillés sur la peau ,
l’oubli des premiers soins de propreté , les bains
trop lroids ou trop chauds , les ligatures trop
serrées, l’ usage des cosmétiques, etc.
3. Alimens et boissons. C’est surtout parmi
ceux-là que se trouvent fréquemment plusieurs
•causes des affections du -système nerveux. L’usage
d’alimens de mauvaise qualité, âcres ou indiges-
tes , le pain fait avec le seigle ergoté , le porc ou
salé ou fumé , l’usage exclusif d’une nourriture de
porc-frais , de fruits âcres ou acerbes , de bois-
sons vineuses ; l’abus des liqueurs spiritUeusés ,
du café , du tiré , des aromates , des narcotiques ,
•ries remèdes débilitans $ l’emploi des purgatifs
IOJ
drastiques , les préparations mercurielles , la pré-
sence îles vers dans les intestins , etc.
4- Sécrétions extérieures . La suppression de
quelques fluxions habituelles naturelles ou acci-
dentelles ; de la transpiration , des hémorragies
nasales , du flux hémorrhoïdal , des cautères ou
autres exutoires à la peau, existant depuis long-
temps et qu’on a inconsidérément laissé fermer,
la métastase de quelque virus sur un organe princi-
pal j l’abus des plaisirs vénériens, l’onanisme, etc.
5. Conduite. Les fatigues extrêmes du corps,
les veilles prolongées , l’indolence , l’oisiveté , le
repos absolu , les marches excessives pendant les
grandes chaleurs , surtout si en même-temps les
sujets font usage d’une nourriture abondante ou
excitante , qu’ils prennent de l’eau froide , ou
même modérément des boissons alcoholiques ;
c’est ce qui s’observe chez les moissonneurs.
G. Passions. Faire 1 histoire des causes occa-
sionelles des névroses comprises .dans les passions ,
?
ioG
c’est faire celle des causes les plus fréquentes des
maladies nerveuses. Entrons donc un moment
dans le domaine de ces causes.
« Pour connaître l’homme , dit le spirituel et
profond auteur de la Physiologie des passions, il
faut le chercher dans son âme , et non dans les
organes matériels de son enveloppe corporelle. »
« L’homme extérieur , ajoute Dupaty dans sa
trente-troisième Lettre , n’est que la saillie de
l’homme intérieur. » Les passions, quelles soient
tristes comme le chagrin , l’ennui , la mélanco-
lie , la nostalgie j ou vives , telles que la colère ,
l’emportement, la joie, la culture excessive
des facultés intellectuelles , troublent les fonc-
tions et rendent l’influence des alimens beaucoup
plus énergique >\En réveillant la susceptibilité
nerveuse des intestins, elles produisent le spasme ,
et par suite la concentration des forces vitales
vers ce point , d’où naît l’irritation , l’afflux du
sang , et enfin l’inflammation ; il devient donc
important d’exposer rapidement ici l’origine des
passions, de faire mention des organes sur les-
io?
quels elles exercent leur influence et comment
elles allèrent les fonctions et produisent, par
suite , des lésions dans la structure des parties.
Avant que les travaux des moralistes moder-
nes eussent éclairé l’histoire des passions , les
philosophes anciens avaient eu sur elles des idées
plus ou moins exactes. Pj thagore , et après lui
Platon, frappés des combats que l’homme éprouve
intérieurement , entre les désirs de satisfaire scs
goûts naturels ou ceux qu’il s’est formés , et la
raison qui tend à supprimer ces désirs quand ils se
portent sur des objets quelle condamne , ont
reconnu en nous deux parties : l’une , tranquille et
située dans la tête , qu’ils ont nommée raison
sereine ou maîtresse des cupidités * l’autre brutale,
sauvage, farouche, asservie aux voluptés et s’y
livrant sans mesure : c’est elle que Platon com-
pare à un cheval sans frein. Fondée sur l’influence
du physique sur le moral, cette distinction rela-
tive à l’origine des passions , a été adoptée par
quelques pères de l’Église ; on la retrouve dans
saint Paul et dans saint Augustin*
io8
D’autres philosophes, peu satisfaits de celte
division ; dirent qu’il y avait trois âmes , la rai-
sonnable , qu’ils établissaient toujours dans la
tête -, l’animale, ou celle qui cause nos désirs , à
laquelle ils donnaient le foie pour domicile ; enfin
la vitale ou l’irascible \ celle-ci , logée dans le
cœur, était le siège de la colère.
Le chef des stoïciens , Zénon , qui , comme le
dit M. Alibert , regardait la vertu comme le pre-
mier instrument de la félicité des peuples , défi-
nissait ainsi les passions : c’est un trouble d’esprit
contre nature , qui empêche la raison de gou-
verner l’homme , qui maîtrise la volonté et ren-
verse le libre-arbitre.
La joie, la douleur et le désir, étaient les prin-
cipales passions admises par les sectateurs d’Épi-
cure.
Les péripathéticiens en admettaient huit pri-
mitives : la colère , la peur, la douleur, la pitié,
la joie , l’amour, la haine et la confiance.
Hippocrate et le médecin de Pergame , son
commentateur , considéraient les passions comme
des mouvemens contre nature de lame raisonna-
ble j toutes , suivant eux , ont pour origine un
désir sans cesse renouvelé et qui s’irrite à mesure
qu’il est satisfait.
Cicéron , après une longue énumération des
passions, leur donne à toutes l’intempérance pour
origine.
Les philosophes du moyen âge , asservis aux
doctrines d’Aristote , adoptèrent les principes des
péripathéticiens.
Descartes traita des passions draprès sa philo-
sophie, et, renouvelant une hypothèse ancienne r
les regarda comme des esprits vitaux, provenant
d’un petit corps glanduleux que l’on trouve dans
le cerveau, près la voûte à trois piliers , ganglion
dans lequel son imagination avait placé l’âme.
V 1 an Helmont donna à son archée le pouvoir de
mettre en jeu les passions, qu’il ne regarde que
comme les a.gcns de cet être idéal.
1 IO
Sthal à son âme rationnelle ( espece de prin-
cipe conservateur et prévoyant , auquel il fait
régir l’organisme ), celui de les exciter, toujours
dans des intentions salutaires , pour garantir le
corps de ce qui peut lui être nuisible.
Hoffmann donna pour principale origine aux
passions , des désordres survenus dans la circula-
tion du sang.
Boerhaave 9 Han-Swiéten , et les nombreux
disciples sortis de l’école de Leyde, considérèrent
les passions comme des mouvemens particuliers
aux esprits infernaux, et se livrèrent à des suppo-
sitions erronées sur les changemens. et les dispo-
sitions de ces esprits.
Plus tard , Buffon , et d’autres écrivains moins
célèbres, rappelèrent d’attention sur l’opinion de
Yan-Iïelmont, en faisant soupçonner que le siège
des passions était plutôt dans le centre épigastri-
que que dans toute autre partie du corps : cette
opinion, Bichat l’a développée avec son génie
I [ I
accoutumé ; maïs ce grand homme paraît avoir
tenu peu de compte de l’action de la vie animale
dans la production des passions, qu’il regarde
comme siégeant exclusivement dans les viscères.
/
L.es moralistes et les métaphysiciens modernes ,
Mallebranche , Locke , Condillac et Helvétius ,
n’ont traité des passions que sous le point de vue
intellectuel ; ils se sont bornés à étudier leur in-
fluence sur le moral ; ils les ont fait naître* puis,
les suivant dans leur développement, ils ont vu
leurs efforts relativement au bonheur des indivi-
dus , des sociétés particulières et des nations • ils
ont donné des préceptes dans l’intention de
combattre et de diriger les passions.
\
Il appartenait au moraliste médecin , que nous
avons déjà nommé , et que nous aurions voulu
^ on conti ibucr a 1 éducation du jeune Prince ,
espoir de la patrie, d’envisager les passions sous
tous les rapports. Plus versé, que les grands hom-
mes qui 1 ont précédé, dans la structure du corps
humain, reconnaissant la puissance d’en -haut.
I l 2
comme la seule créatrice du génie de l’homme,
armé du flambeau de la physiologie , M. Alibert
pénètre dans l’empire des passions , et y recherche
les dispositions qui sont les plus favorables au dé-
veloppement de ces oppresseurs du cœur humain.
Ce grand médecin reconnaît dans tout être
vivant quatre penchans innés , qu’on peut envisa-
ger comme les lois primordiales de l'économie
animale.
Le premier est l'instinct de conservation , celui
par lequel l’animal réagit contre les causes de
destruction et résiste aux périls qui le menacent.
Le deuxième est V instinct d3 imitation , par le
secours duquel l’être vivant agrandit , fortifie
ses facultés natives , et perfectionne en quelque
sorte l’œuvre de la création.
Le troisième détermine à rechercher nos sem-
blables , à correspondre avec eux par une mutuelle
sympathie , etc. C’est V instinct de relation.
Le quatrième est V instinct de reproduction ,
qui a donne naissance à. la plus noble , à la pins
généreuse des passions humaines.
De chacun de ces penchans notre habile pro-
fesseur fait découler tous les phénomènes du sys-
tème sensible , connus sous le nom de passions.
Ainsi , le premier donne lieu à V égoïsme, cette
maladie , malheureusement trop commune , qui
compromet souvent les intérêts de l’ordre social
et qui s’est manifestée sous plusieurs formes à toutes
les époques de la civilisation. La terrible et mémo-
rable campagne de Russie a offert à nos yeux les
effets les plus épouvantables de cette cruelle pas-
sion.
Pendant cette affreuse calamité , le soldat mé-
connaissait et repoussait son général, le fds fuyait
son père en danger de perdre la vie, le père
abandonnait ses enfans , chacun enfin ne pensait
qu’à soi ; l’horrible moi était l’unique pensée de
tous ; et encore quelques jours, l’homme le plus
doux serait devenu le plus féroce ; les braves de
la grande armée se seraient dévorés entr’eux.
L'instinct d'imitation fournit l’émulation , l’en-
Vie, l’ambition.
L'instinct de relation fait naître la bienveil-
lance , l’amitié , l’estime , la considération , le
mépris , la moquerie , la pitié , l’admiration , l’en-
thousiasme , la reconnaissance , l’ingratitude , la
haine, la vengeance, la justice , l’amour de la
guerre, l’amour de la gloire, l’amour de la terre
natale.
JJ instinct de reproduction , enfin , engendre
l’amour conjugal , l’amour maternel , l’amour
filial.
On voit donc que chaque passion tient son ori-
gine de chaque instinct ; en effet , on ne saurait
nier que c’est dans l’intention seule de combler
des désirs enfantés par des besoins innés, ou pro-
duits par l’état de civilisation , que tous les hom-
mes mettent en jeu leurs ressorts pour arriver au
souverain bien dont ils se font l’idée. Ces quatre
*
instincts sont donc les pivots sur lesquels roulent
toutes nos passions, et convenons qu’il serait dif-
1 15
ficilc de mieux les suivre que ne Fa fait M. Ali—
bert , en observant le mode suivant lequel les
impressions agissent sur nous.
De cette manière de voir aussi lumineuse que
physiologique , on peut conclure que certaines
passions existent au plus haut degré chezl’homme,
que chez lui elles agissent sur le cerveau , qui les
rend plus violentes et plus nombreuses ; et qu’elles
prennent aussi naissance dans le système nerveux
de la vie intérieure.
Voyons maintenant comme elles agissent pour
apporter le trouble dans les organes et leurs
fonctions.
On ne saurait être affecté de passion , sans que
ce qui se passe en nous ne soit indiqué par des
changemens , soit dans les traits du visage, soit
l’attitude du corps. La tête en entier prend, dans
les passions , des dispositions et des mouvemens
diflérens.
Elle est abaissée dans l’humilité, la honte et la
tristesse ; inclinée vers l’épaule dans la langueur et
la pitié ; éle vée dans l’arrogance ; fixée droite dans
l’opiniâtreté , etc. Si nous passons à la vie inté-
rieure, nous voyons que la colère accélère les mou-
vemens du cœur, et rend la circulation plus fré-
quente.
i
Philippe Y, roi d’Espagne, apprend la défaite
des Espagnols près de Plaisance , et meurt subite-
ment • l’ouverture de son corps démontra qu il
avait succombé à un anévrisme du cœur.
Un général de nos amis à qui Bonaparte avait
ordonné d’enlever une redoute , ne peut y par-
venir malgré sa valeur et l’intrépidité de ses sol-
dats , il tombe mort. L’autopsie laisse voir une
rupture de la rate.
Un auteur dramatique meurt subitement pour
n’avoir pas obtenu , pour une de ses productions ,
le succès sur lequel il comptait. L’autopsie prouve
qu’une rupture du foie a été la cause de la cessa-
tion de la vie de cet auteur.
La plupart des phthisies pulmonaires qui mois-
sonnent à la fleur de leur âge , tant de jeunes per-
sonnes, n’ont dans beaucoup de cas d’autre ori-
gine qu’un amour contrarié, surtout quand on est
prédisposé à celte maladie par sa constitution.
Les forces digestives présentent aussi des plié—
îiom'enes morbides dans les passions qui nous agi-
tent ; ne ressent -on pas une vive impression dans
la portion pylorique de l’estomac toutes les fois
que l’on est fortement ému ? La digestion n’est-
elle pas souvent interrompue par une nouvelle
agréable ou fâcheuse ?
La nostalgie n’affecte-t-elle pas , et très pro-
fondément, les viscères du bas-ventre ? Combien
d’avortemens produits par la frayeur, etc.
Les organes glandulaires éprouvent également,
de la part des passions , des influences marquées.
La bile, dans une frayeur subite, cesse de couler
dans le duodénum , et les lymphatiques la trans-
portent dans la masse des humeurs , qui lui doi-
vent la couleur jaune dans Xict'erç.
1 1 8
Un accès de colère augmente la sécrétion du
Foie, qui est rejetée par le vomissement ou par
les selles dans le cholera-morbiis , et le flux bi-
lieux. La glande lacrymale sécrète les larmes
en abondance dans le chagrin et dans la joie , et
les physiologistes ont fait remarquer que les pei-
nes morales avaient des effets moins funestes
quand cette sécrétion avait lieu.
\ •
L’exhalation et l’absorption , au moyen des-
quelles s’opère la nutrition , éprouvent égale-
ment , par l’effet des passions , des altérations ,
mais dont on ne s’aperçoit qu’à la longue. Ci-
tons encore les nostalgiques qui maigrissent à vue
d’œil. Marc-Aurèle Séverin rapporte que le sang
sortit de toutes les ouvertures du corps à une re-
ligieuse effrayée de se voir entourée de soldats
■ennemis qui avaient l’épée nue , et qu’elle mourut
en leur présence.
La manière plus ou moins exacte avec la-
quelle s’exécutent les fonctions, est souvent liée à
un état variable des facultés intellectuelles.
1 r9
Ne sait-on pas que souvent le sort des nations ,
en bien ou en mal , n’a tenu qu’à l’exercice facile
ou pénible des fonctions digestives des hommes
qui les gouvernaient? Le cardinal de Richelieu
n’était jamais aussi sévère que lorsque les fèces
étaient retenues depuis long-temps dans le gros
intestin.
Il n’est pas de notre ressort de nous étendre
longuement sur tous les préceptes , tant sages
qu’absurdes , donnés par les philosophes pour
s’opposer aux passions ; mais il entre dans notre
sujet d’en parler succinctement , et c’est ce que
nous ferons au chapitre qui traite des moyens de
prévenir les névroses; car enfin s’opposer aux
passions , ou tout au moins les atténuer, c’est
diminuer le nombre de plusieurs des maladies
du système nerveux.
7* De la contagion. Nous avons omis à des-
sein , en parlant des causes des névroses , de faire
mention de la contagion. iSlous avons voulu en
faire un article à part , afin de bien nous fixer sur
I 20
ce qu’on doit entendre par maladies contagieuses.
Nous n’avons pas la prétention d’éclaircir la dis-
cussion qui s’est déjà agitée, et qui s’agitera en-
core au sein de l’Académie Royale de médecine
(après avoir été effleurée à la chambre des dépu-
tés), et sur laquelle le très érudit Pariset a rai-
sonné avec une logique si fortement serrée , et
appuyée sur des faits si conclua ns pour ceux qui
ont vécu aussi au milieu des épidémies.
Certes si on s’attachait exclusivement an mot
contagion pour admettre des maladies contagieu-
ses , nous convenons qu’il n’en existerait qu’un
petit nombre , attendu qu’il faudrait toucher im-
médiatement le malade, ou ses vêtemens , pour
contracter sa maladie ; mais ne voit-on pas des
affections se transmettre par des miasmes , par des
corpuscules malins, par la cohabitation avec les
personnes sans les toucher ? L’aspect d’un accès
d’épilepsie n’a-t-il pas occasioné souvent cette
maladie chez des sujets qui n’en avaient éprouvé
aucune atteinte ? N’a-t-on pas vu des individus
devenir hydrophobes par le seul effet de l'imagé-
I 2 i
nation terrorifiée ? On pourrait en citer un exem-
ple tout récent et bien extraordinaire j la -ville de
Berlin en a été frappée de stupeur.
Ainsi , quand, on dit qu’une maladie est conta-
gieuse , on entend et on doit entendre qu’elle est
transmissible , communicable, par d’autres voies
que par celle du toucher seulement. Si on Fai-
sait mieux, on pourrait dire que la fièvre jaune
n’est, pas contagieuse , mais susceptible d’être,
transmise,- ne serait-ce pas avouer qu’un ou plu-
sieurs individus venant de Saint-Domingue , des
Antilles ou du Mexique, atteints de cette fièvre, et
qui seraient établis au milieu d’une population ,
infecteraient à coup sur une partie de celte réu-
nion , et souvent la masse tout entière, surtout
si elle était très resserrée dans un espace peu con-
sidérable ? D’où nous concluons que les mesures
sanitaires sont indispensables , dussent-elles même
être inutiles.
MM. Caillot ( Traité de la Jièvre jaune ) et
Bailly ( Traité du typhus d’ Amérique) (pii ont vu
ce fléau sur le théâtre où il exerce ses plus grands
S
I 11
ravages, annoncent sa contagion, ou plutôt sa
transmissibilité , par le détail de faits incontes-
tables, et on nous permettra de nous en rapporter
à eux, conpne à d’autres médecins dignes de foi
qu’il serait inutile de citer ici.
Encore une fois , on ne peut avoir une conta-
gion si on n’en est imprégné , et nous ne pen-
sons pas que nous , Français, soyons porteurs du
germe de la lièvre jaune. Nous n’avons cetle
maladie que quand on nous l'a donnée.
Si le malheureux Mazet , à l’exemple de son
vertueux et intrépide chef, M. Pariset , n’eût
point paru à Barcelonne , il n’aurait point été
frappé de la lièvre jaune dans notre capitale ,•
t
et si l’on n’eut point importé cette lièvre à Bar-
celonne, elle ne s’y fut point déclarée, puisqu’on
n’y remarque jamais cette chaleur brûlante de
Saint-Domingue, ni lieux bas et marécageux ,
ni émanations délétères ( autres que celles
qu’on y introduit), ni un air constamment hu-
mide, ni entassement d’individus, etc. , etc. Cir-
constances sans lesquelles la lièvre jaune ne pour-
rait se développer.
Un corpuscule pris dans le lieu où cette ma-
lad ie fixe habituellement sa résidence, oii sont
contenus les foyers primitifs d’où sortent ses élé-
mens , est importé par un corps poreux quelcon-
que , et déposé dans une cité qui ne fut jamais
témoin de ce lléau ; en voilà assez pour que tous
ses habitans , si on 11e se hâte de prendre des
mesures sévères, soient frappés de la maladie
dont ce corpuscule est le germe.
Pour bien s’assurer du nombre réel des parti-
sans de la contagion de la fièvre jaune, dans la
chambre des députés et l’Académie Rovale de
médecine, il faudrait qu’un ou plusieurs de ces
corpuscules fussent introduits au milieu de ces
réunions distinguées. Nous sommes tenté de
cioue que les issues des salles qu elles occupent
ne seraient ni assez larges, ni assez multipliées.
11 est meme douteux que la fièvre jaune ne soit
pas contagieuse dans la force du mot . Cette ques-
8..
lion ne pouvant donc être résolue dans l’état ac-
tuel de la science , il faut prendre des mesures
sanitaires.
Que vous parquiez vos malades en plein air
comme des moutons , ou qué vous les séquestriez
d’une autre manière il vous faudra toujours avoir
. « •
recours à des précautions coûteuses. D’où nous
concluons que M. Pariset a raison de combattre
une idée qui pourrait nous donner la peste , c’est
bien assez d’avoir eu la guerre et presque la fa-
mine. Nous restons donc convaincu que ce mé-
decin distingué , à Y abri de toute corruption ,
veut le bien de son pays avant celui de quelques
spéculateurs.
]Un jour on lui adressera ces mots que nous lui
adressons d’avance :
Ecce quant magnas hominum cohortes >
G-audio dulci tihi gratulantes
Ut deo } finem gravi um malorum ,
Conslituenli.
Fama te laudal , vo titans per urbes.
Pallido vultu furiosa spargit ,
Noxium vis invidiæ venenum ;
Nil tibi damni.
Convenons d’une vérité , c’est que l’esprit de
parti altère même les choses les plus naturelles et
conteste les laits les mieux établis ; convenons
enfin , que les hommes d’un mérite transcendant
trouvent toujours des antagonistes , et que rien
ne coûte aux jaloux pour atteindre leur Lut , la
célébrité ; et quelle célébrité, grand Dieu!...
On a vu de ces derniers courir jusqu’au-delà
des mers , pour y mendier une opposition comme
on en voit beaucoup de nos jours, celle de la
fausseté et de l’envie.
■
■
*
o^o^’oeff «5^ 0^
CHAPITRE III.
i . Diagnostic des névroses. Beaucoup de mé-
decins pensent que signe et symptôme sont sy-
nonymes; ce qui le prouve, c’est que l’on voit dans
toutes les nosographies médicales , même les plus
modernes , qu’il y est presque toujours question
des causes, des symptômes, du pronostic, du
traitement, mais rarement du diagnostic. Nous
ne pensons pas ainsi ; il existe une différence mar-
quée entre les deux manières de distinguer l’état
de maladie de 1 état de santé ; et nous croyons
qu’il faut définir le diagnostic , la connaissance
plus ou moins exacte des circonstances qui ont
précédé l’état présent de la maladie, des sensa-
tions qu’éprouve le malade, du siège delà dou-
leur qui le tourmente, etc. ; enfin le moment où
le médecin exerce son instinct, s’il en a un, où il
fait 1 application des sens pour reconnaître l’en-
nemi auquel il va avoir affaire. Nous verrons plus
tard ce qu’on doit entendre par symptôme- Les
signes naissent pour ainsi dire avec la maladie ;
les symptômes n’apparaissent <pie dans sa marche.
11 arrive quelquefois que les névroses se déve-
loppent spontanément ; mais , le plus souvent ,
elles sont précédées de douleur, de tension, de
lassitude , de pressenti mens sinistres , d’agitation ,
d’inquiétude et de chagrin sans cause connue ,
d’une espèce d’indifférence pour toutes choses ,
d’appétit insatiable , ou de perte totale de cette
sensation.
Cet état dure plus ou moins : la maladie se
déclare tout-à-coup et est annoncée par les signes
suivans , savoir : douleur très aiguë , indépendante
de toute irritation des parties voisines ÿ horripila-
tion légère , suivie d’une chaleur errante qui dure
pendant presque tout le temps de la maladie ;
quelquefois vive céphalalgie qui augmente vers le
soir , et est souvent accompagnée d’un tinte-
ment d’oreilles qui devient par la suite très incom-
mode 5 désordre dans les, fonctions vitales $ pouls
tantôt faible , tantôt fort , d’autres fois lent ou
1 9-9
accéléré , en général très variable ; langue d’abord
humide et blanchâtre, qui devient bientôt rouge,
aride , et peut par la suite se couvrir d’un enduit
jaunâtre ; tantôt soif ardente , tantôt point de soif,
quelquefois horreur pour des liquides, et impossi-
bilité d’avaler les médicamens; déglutition gênée,
d’autres fois même impossible ; vomissemens de
matières âcres ; respiration tantôt gênée , tantôt
facile ; stupeur, sommeil inquiet et agité par des
rêves fatigans ; lésion des facultés intellectuelles,
perte de la mémoire, délire bruyant ou taciturne ,
d’autres fois si violent qu’on est obligé de prendre
des mesures sévères pour prévenir les accidens qui
pourraient en résulter ; accès de manie ou stupi-
dité profonde ; réponses brusques ou très polies ,
vue afïaiblie ou exquise, y eux larmoyans ou secs,
pupille dilatée ou fortement contractée , ouïe
dure ou délicate , rire bruyant et sardonique ;
urines très claires ou troubles, déjections alvines,
fétides ou presqu’inodores ; tantôt constipation ,
tantôt diarrhée qui soulage ou double les souffran-
ces ; abandon à des frayeurs pusillanimes, ou cou-
rage excessif; espérance profonde ou désespoir de
la guérison au moment même où les malades pa-
raissent n’avoir rien à craindre ; soubresauts des
tendons , mouvemens convulsifs , hoquet , quel- -
quefois paralysie universelle ou partielle , froid
extrême ou chaleur brûlante des extrémités.
Ici , la douleur est très aiguë et affecte un seul
nerf ; là , elle est moins vive et se fixe dans plu-
sieurs nerfs à-la-fois. Somment elle s irradie des
branches au tronc , d’autres fois de celui-ci aux
dernières ramifica dons.
Tantôt on éprouve de la chaleur , de la fluxion ,
de l’engourdissement , tantôt des frissons et de
l’oppression.
L’invasion est quelquefois subite , d’autres fois
très lente. Rarement on aperçoit du changement
de couleur à là peau , du gonflement ; une lois
seulement nous avons aperçu une rougeur légère.
Tantôt il y a sensation de brûlure , tantôt c’est
le contraire , on dirait même que de la glace est
appliquée sur la partie affectée.
Chez quelques malades la douleur est passa-
gère j chez d’autres elle dure une heure , un jour,
un mois , etc.
2. Symptômes. Nous entendons, par symptô-
mes, tous les phénomènes que présente une mala-
die, après qu’elle s’est manifestée, jusqu’à sa termi-
naison. C’est donc l’observation qui nous fournit
ceux-ci. Tandis que le jugement seul peut nous
faire apprécier les signes diagnostiques.
\ 4
L’invasion des névroses , avons-nous dit , a
quelquefois lieu d’une manière prompte , subite,
et sans aucun signe précurseur ; d’autres fois ces
signes précurseurs ont existé plus ou moins long-
temps avant le moment qui voit naître la maladie ;
elle peut se développer aussi d’une manière moins
rapide, et l’observateur exercé peut, dans beaucoup
de cas , suivre les successions de ses progrès ; elle
ne parvient pas toujours au même degré d’in-
tensité.
Tantôt on aperçoit de la morosité , de la tris-
tesse, de 1 éloignement pour toute espèce d’amu-
se ment , idée dominante sur un oi>jel ^ sensibilité
d’abord exallée , s’affaiblissant ensuite de jour en
jour , décadence progressive des facultés intellec-
tuelles , perte successive de la mémoire , de l’ima-
gination , etc. ; pouls faible, fréquent 5 chaleur
sèche à la peau, somnolence ou insomnie, débilité
générale toujours croissante , spasmes variés ,
amaigrissement rapide , tendance aux leucophleg-
inaties et à une coliquation générale; quelquefois
changement heureux par quelque consolation mo-
raie , etc.
Tantôt des horripilations , des lassitudes , des
chaleurs, des variations dans l’état du pouls; puis
surviennent progressivement des vertiges , de l’op-
pression à la région du cœur, des convulsions,
des douleurs tétaniques , des anomalies dans la
chaleur et la coloration de la peau , des paroxys-
mes irréguliers à peine sensibles , etc.
Les symptômes varient en général d’après les
causes , quoique plusieurs névroses présentent des
phénomènes à-peu-près sembla^es.
Ainsi , dans celles-ci , nous voyons le serrement
des mâchoires, la distorsion des yeux , la contu-
sion des membres , des hoquets fréquens , des
vomissemens spontanés ; dans celles-là , des cris ,
des gestes incohérens , un air égaré , la perte
totale des fonctions des sens.
Dans les unes , lésion des facultés affectives ,
tristesse profonde, ou emportemens violens sans
motifs connus, aversion insurmontable ou passion
effrénée pour certains objets ; la morosité la plus
sombre ou la joie la plus extravagante et la plus
évaporée, tantôt des écarts dans les fonctions de
l’entendement ; tantôt seulement dans la percep-
tion des idées, dans l’imagination ou la mémoire ;
tantôt dans la marche du jugement ou du raison-
nement ; quelquefois on n’observe aucun déran-
gement dans la raison , mais une impétuosité aveu-
gle et un penchant irrésistible à des acles de vio-
lence ou de barbarie.
Quelques malades ont les idées les plus singu-
lières , les illusions et les superstitions les plus
ridicules qui les poursuivent sans cesse.
D'autres croient leur fortune menacée; ce sont
tantôt des craintes et des terreurs qui n’ont pas
même l’ombre de la vraisemblance; tantôt c’est
une idée chimérique poursuivie avec une fixité et
une opiniâtreté extrêmes, etc.
3. Pronostic. Le danger des névroses étant
toujours relatif à l’intensité de l’action nerveuse
de ceux qui en sont atteints , à l’âge , au sexe , aux
diverses affections de l’âme , aux lieux plus ou
moins froids, chauds ou humides, qu’habitent les
malades , le pronostic sera d’autant plus fâcheux
à porter que les malades seront plus nerveux,
qu’ils seront plus ou moins âgés , qu’ils auront le
moral plus affeclé , qu’ils auront commis plus
d’excès de régime , qu’ils auront plus abusé des
jouissances de la vie, qu’ils seront plus faibles,
et enfin qu’ils habiteront des lieux plus propres à
faire naître ou à développer les maladies du sys-
tème nerveux.
Certaines névroses sont toujours des maladies
très graves , lors même qu’elles sont susceptibles
de traitement. Il faut, dans certains cas, une
grande sagacité pour remonter aux causes cachées
qui ont pu les produire ; souvent même les moyens
qu’on emploie sont infructueux , et les malades
restent pour toujours privés de la tranquillité
nerveuse , ou de l’usage de certaines fonctions de
l’entendement. Quelques praticiens fameux vont
jusqu’à dire qu’elles sont tout-à-fait au-dessus
des ressources de l’art.
*
Les névroses dépendantes d’affections gastri-
ques sont les plus faciles à vaincre , ainsi que les
métastatiques. Les périodiques offrent aussi plus
d’espoir de guérison que celles qui persistent sans
aucune interruption y en général , toute névrose
qui se déclare lentement, d’abord avec un accrois-
sement de sensibilité des nerfs , puis avec dimi-
nution graduelle jusqu’à l’extinction de celle-ci,
est d’un mauvais présage ; on peut, au contraire,
espérer de celles dont l’invasion est subite.
On doit ranger parmi les névroses incurables
de la vue , celles dans lesquelles la pupille est
immobile sans être dilatée , mais qui a perdu sa
forme circulaire, ou qui est dilatée au point de
i3 6
simuler l’absence de l’iris , dont le bord est eu
outre inégal, frangé j c’est l’opinion de Scarpa.
L’observation prouve qu’on a tout, à craindre
des névroses qui sont accompagnées de douleurs
de tête, d’un sentiment de tension dans les globes
visuels ; celles qui ont été précédées d’une incitation
violente et prolongée dans tout le système nerveux ,
de faiblesse générale , de langueur de la constitu-
tion entière ; celles qui sont précédées ou accom-
pagnées d’accès épileptiques, de fréquentes migrai-
nes celles qui , outre leur ancienneté , sont la
suite de secousses violentes du système sensible ,
de déchirure , de vive contusion d’un nerf, enfin
la désorganisation de quelque partie cérébrale,
ou d’un nerf considérable. Les personnes avan-
cées en âge , et qui , dans leur jeunesse , ont eu
les nerfs laibles, ne doivent pas se flatter non plus
de guérir.
La différence du siège des névroses rend aussi
le pronostic plus ou moins favorable ; il en est de
même de leur complication.
I
i3 7
4- ComjAications. Les névroses ne se présen-
tent pas toujours dans l’état de simplicité , elles
sont susceptibles de se compliquer avec toutes les
maladies dont l’espèce varie d’après diverses cir-
constances , telles que le caractère de la constitu-
tion atmosphérique , les dispositions individuel-
les , la méthode suivie dans le traitement; ainsi
la goutte , les fièvres primitives , bilieuse , mu-
queuse , adynamique, ou maligne; avec le typhus,
la gastro-entérite et toutes les inflammations ;
quelquefois avec le scorbut, l’hydropisie, l’ic-
tère , les maladies locales, etc. Très souvent elles
se compliquent entr’elles , avec le rhumatisme
surtout , et même se succèdent et se remplacent
alternativement.
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CHAPITRE IV.
#
I
Traitement.
Nous avons divisé le traitement des névroses
en préservatif et en curatif. Le premier consiste
dans l’application sagement dirigée des préceptes
de l’hjgiène ; le second dans l’administration
éclairée des moyens pharmaceutiques et dans
l’emploi des procédés chirurgicaux.
i. Traitement préservatif. L’hygiène est l'art
de prévenir les maladies ; c’est sans doute la meil-
leure définition que l’on puisse donner de cette
partie essentielle de l’art de guérir , car l’hygiène
peut meme diminuer la gravité des affections qui
sont transmises par les parens ou des nourrices
impures.
a. Le sujet chez lequel le tempérament, la cons-
v
9"
titution et les signes qui annoncent et précèdent
le plus souvent les névroses , viendront se réunir,
et qui se trouvera dans des conditions peu
ou moins favorables à leur développement, devra
éviter, autant que possible , de s’exposer aux tem-
pératures extrêmes, aux fortes variations qu’elles
peuvent éprouver. Les temps très froids et humides,
très chauds et secs , lui seront également contrai-
res ; il évitera aussi de respirer un air chargé
de particules odorantes, principalement dans les
endroits où il n’a pas un libre cours ; celui des
appartemens chauffés avec des poêles ne lui con-
vient pas non plus, surtout s’ils le sont avec du
charbon minéral , etc.
b. Dans le choix de ses vêtemens il doit re-
chercher, autant que faire se peut, ceux qui, sans
surcharger le corps, le garantissent du froid et
le maintiennent à un degré moyen de tempé-
rature .
c. Les sujets nerveux, de constitution irritable,
qui se troirs ent dans des circonstances propres à
i4r
faire redouter les névroses, devront éviter soi-
gneusement le moindre excès , soit dans le boire,
soit dans le manger, faire un choix convenable
d’alimens et régler les heures de leurs repas. Ils
adopteront en général le régime végétal et écar-
teront avec soin tout assaisonnement recherché ,
surtout ceux où il entre des substances irritantes ;
ils pourront manger du poisson , mais avec modé-
ration, évitant ceux qui sont gras , huileux, salés
ou fumés, et difficiles à digérer. Parmi les viandes
dont ils useront aussi en petite quantité, ils choisi-
ront celles qui sont blanches et d’une facile diges-
tion , telles que celles de poulet, de veau , d’a-
gneau , etc. Ils devront s’abstenir de toutes les
boissons échauffantes ; l’eau pure ou rougie avec
un peu de vin, ou une tierce légère, seront les
seules qu’ils devront se permettre ; si cependant il
en coûtait trop au malade pour déraciner de vieilles
habitudes, il ne faudrait chercher a les détruire
que graduellement; et, en les affaiblissant un peu
chaque jour, on finirait par les faire disparaître.
Quant au nombre des repas, on doit en faire au
moins trois par jour, en bien partageant son
I Z|3
temps dans la vue de moins charger l’estomac.
Le matin , par exemple, de huit à neuf heures
un repas très léger ; d’une heure à deux , le prin-
cipal repas; et le soir, de six à sept, le troisième
qui sera très frugal , en ayant la précaution de
ne se coucher que lorsque la digestion en sera
laite.
Les sujets très faibles ou détériorés, soit par
des maladies, soit par des chagrins, la mauvaise
nourriture, etc. , qui se trouveront dans des cir-
constances autres que celles dont nous venons de
parler, devront par conséquent suivre un régime
tout opposé , et le but sera ici de chercher à réta-
blir les forces.
On pourra y parvenir par le choix , la quantité
et la manière d’user des alimens : ainsi, parmi les
solides, règle générale, on devra choisir ceux qui,
sous un petit volume , contiennent une très grande
quantité de parties nutritives , et sont d’une facile
digestion; parmi les végétaux, le riz, etc. ;
parmi les viandes, celles des animaux adultes ;
i43
on devra conseiller les bons consommés de vo-
laille.
Les vins généreux et qui passent facilement
sans occasioner d’aigreur ni de rapports désagréa-
bles , seront les boissons préférées j le vin de Bor-
deaux par exemple ; si la fortune du malade le
lui permet , l’usage des vins de Frontignan ,
de Malaga, etc. Le médecin ne saurait trop,
dans ce cas, chercher à connaître quel est le de-
gré de force des organes digestifs, pour bien
leur proportionner la qualité et la quantité des
alimens et boissons qu’il veut soumettre à leur
influence.
d. On veillera à ce que toutes les excrétions ,
tous les émonctoires , etc. , soit qu’ils dépendent
de l’etat de santé, soit qu’ils doivent leur nais-
sance à un état de maladie antérieur ou à quel-
ques procédés de l’art, 11e soient jamais suppri-
més, ou ne le soient au moins qu’avec les plus
grandes précautions. Dans le cas où leur sup-
pression viendrait à avoir lieu en totalité ou en
i44
partie, et où elle serait suivie de quelques signes
précurseurs de névrose, on ne négligera rien
pour tâcher de les rétablir le plus promptement
possible,' on y suppléera par les moyens que l’on
jugera les plus convenables.
Nous venons de tracer une des réglés géné-
rales du traitement préservatif des maladies ner-
veuses, pour laquelle on ne saurait avoir trop
d’égards ; elle est susceptible des plus grands dé-
veloppemens , dans lesquels nous serions entré
si nous n’eussions craint de donner trop d’é-
tendue à notre travail.
e. Les individus qui sont menacés de névroses
devront éviter de prendre leur repos dans des
lits mous et faits de plume ; les sommiers de
crin, et surtout les paillasses garnies de plantes
desséchées, telles que la fougère, les feuilles
de blé de Turquie, leur conviendront beaucoup
mieux : ils devront aussi ne point trop proion-
*
ger leur sommeil et se lever dès le matin. Pen-
dant la journée ils feront un exercice modéré,
i45
i
soit à pied, soit à cheval, soit en voiture;
car c’est dans l’inaction et la mollesse que cer-
taines maladies nerveuses ont leurs principales
causes, et d’autres leur résistance à toutes les
ressources de l’art.
« C’est là que sur un lit , aux soucis consacré.
Le cœur gros de soupirs , triste , pâle , rêveuse ,
Repose mollement la déesse quinteuse :
La douleur la retient attachée au duvet.
Et la sombre migraine assiège son chevet. »
( Marmontel ).
f Ces mêmes personnes devront éviter les vio-
lentes agitations de l’âme et la forte contention
de l’esprit ; elles devront rechercher les sociétés
et les conversations agréables, qui leur seront fort
utiles en les tirant de l’état d’inquiétude auquel
elles sont fort disposées.
i
JN allons pas plus loin : le traitement préserva-
tif consiste à éviter enfin les causes dont nous
avons parlé; mais, sans bonnes lois, l’hygiène ne
serait qu’un moyen que chacun interpréterait à
sa manière, et qui , par conséquent, n’atteindrait
que rarement le but que la médecine s’est pro-
posé , la conservation de la santé.
C’est donc aux gouvernemens, par des lois sagcs^
(appropriées à l’état de civilisation pris où on l’a
laissé venir), et à l’exécution desquelles ils doi-
vent prêter une main- forte, à veiller à l’observa-
tion des préceptes de l'hygiène, qui contribuent
pour beaucoup à la force et à la félicité des peu-
ples. Il est constant pour nous, qu’en ne s’écar-
tant jamais de ces règles, les gouvernemens ne
feraient que de bonnes lois , et éviteraient cons-
tamment les secousses politiques , comme les ef-
fets des révolutions physiques.
Voyons d’abord ce qu’on doit entendre par
gouvernement, et quel est celui qui convient le
mieux à la France actuelle.
Gouverner, c’est régir, conduire avec sagesse,
justice et fermeté.
Si les princes appelés par la Providence à di-
riger leurs semblables, les considéraient toujours
comme des convalescens près de faire une re-
chute, il serait rare que les empires éprouvassent
des bouleversemens ; on n’y verrait régner que
t
1 obéissance , le calme, l’abondance et la félicité.
L’art de gouverner n’est donc que Fart de gué-
rir ou de prévenir des désordres. Lorsqu’en mé-
decine nous avons une maladie à combattre , et
que nous voulons nous opposer à son retour, nous
cherchons quelle est la méthode de traitement la
plus convenable, en consultant l’âge, le tempé-
rament, les habitudes, les mœurs du malade,
le climat sous lequel il vit ; et lorsque nous a vons
trouvé cette méthode, nous nous gardons bien
de nous en écarter, parce que, hors d’elle, on
retrouve les accidens qu’on était parvenu à dé-
truire ou à diminuer.
Il faut que le roi d’un pays soit légitime, de
même qu il importe qu’un médecin ait les qua-
lités requises pour diriger des malades : la légiti-
mité est , pour les souverains, ce qu’est le diplôme
pour le médecin ; la différence est que celui-ci
tient son titre d’autres hommes, et que les rois
légitimes reçoivent leurs lettres - patentes de
Dieu.
Mais de même qu’un médecin ne peut pas
toujours se passer des lumières de ses confrères,
de même, sentant le besoin d’auxiliaires, un
monarque vraiment grand, vraiment législateur,
institua en France le gouvernement constitu-
tionnel, pour l’aider à faire sortir sa patrie de
la position affreuse où les révolutions précé-
dentes l’avaient placée.
Mais cette constitution fut conçue et rédigée
à la hâte, comme cela arrive quelquefois aux
consultations médicales. Il s’en est suivi que la
maladie a résisté et fait d’alarmans progrès , c’est-
à-dire , que la France est encore agitée , souf-
frante, inquiète plus que jamais.
/
Que reste-t-il à faire ? il faut revoir la consul-
tation , la revoir avec attention, avec sang-froid;
*4g
lui appliquer les résultats de l’expérience, on
n’appelant que des médecins habiles, profonds,
de vrais amis de riiumanité.
i
Loin de nous l'intention de vouloir être com-
pris au nombre de ces derniers ; mais nous osons
émettre ici quelques idées qui pourront peut-être
en faire naître de plus avantageuses.
Ainsi, des lois qui s’occuperaient du mariage,
du régime et des égards dus aux femmes encein-
tes, d’un bon système d’éducation publique,
enfin d’une police médicale en harmonie avec
notre position sociale, sauveraient les généra-
tions futures des maladies les plus redoutables
pour les masses comme pour les individus.
Quanta la génération actuelle, il ne faut plus
penser à la rendre meilleure ; il faut l’user telle
qu’elle est , en opposant toutefois des digues so-
lides à ses débordemens.
Ces lois assureraient le repos et la gloire du
V #
100
«
gouvernement , en ajoutant aux titres déjà si
nombreux que les Bourbons ont acquis à la re-
connaissance de la France.
%
À. Mariages. Comment un gouvernement qui
a le sentiment de sa conservation et de l’intérêt
qu’il doit aux peuples qu’il régit, peut-il tolérer
des unions d’où ne peuvent provenir que des
avortons ou des idiots, des scrophuîeux ou des
rachitiques, etc. Qu’on examine les différentes
nations chez lesquelles les lois ont été et sont en-
core les plus sévères sur le mariage, et que I on
en compare les individus à ceux des états où l’on
est moins rigide sur l’union conjugale.
Eh quoi ! on a su établir que le défaut d’âge,
certains degrés de parenté, le défaut de con-
sentement et l’état de démence, seraient des mo-
tifs de prohibition du mariage, et on n aurait pas
le courage de déclarer, comme tels, l’épilepsie, les
dartres non curables, la syphilis invétérée, les
difformités graves, la phthisie pulmonaire, l’idio-
tisme, la manie, l’âge trop avancé, etc.
*i5i
Les Germains et les Spartiates attendaient l’âge
de trente ans pour marier les hommes , et celui
de vingt pour les femmes. Nous devrions suivre
l’exemple de ces peuples pour les dernières, surtout
quand elles sont délicates : les filles mariées trop
jeunes , en France, si elles ont des enfans aussitôt
après leur union, tombent dans l’épuisement et
n’élèvent que de faibles rejetons. Quant aux gar-
çons, nous croyons qu’on peut les marier plus tôt
afin d1 éviter les suites qu’entraînent quelques vi-
ces auxquels les garçons pubères se livrent en gé-
néral dans notre pays.
On devrait être aussi exigeant pour l’âge trop
avancé. 11 est prouvé que les vieillards ne peu-
vent avoir qu’une chétive postérité. Nous savons
qu’il est des exceptions , mais ici les êtres privilé-
giés ne doivent pas être pris pour exemples.
Les sciences, les arts , le commerce, les mœurs
gagneraient à ces additions faites à nos lois. Le
pays aurait des hommes vigoureux et capables de
l’illustrer ; des générations entières ne seraient plus
M •
102
infectées ; les demandes de nullité et de sépara-
tion retentiraient moins souvent dans nos tribu-
naux ^ puisque le lit nuptial ne serait plus le
théâtre ou le scandale et la honte se donnent si
souvent rendez-vous .
B . Régime des femmes enceintes et égards qui
leur sont dus. Un gouvernement civilisé doit ,
plus qu’on ne paraît le penser s’occuper de ces
objets. La première chose à faire serait d’établir
dans chaque chef-lieu de canton , au moins , un
médecin - accoucheur instruit, quand même il
faudrait que le trésor le rétribuât. Une popula-
tion saine et vigoureuse est la première fortune
d’un état.
Ce médecin serait spécialement chargé d’éclai-
rer l’autorité locale sur tout ce qui serait utile
à la salubrité publique , de surveiller les fem-
mes enceintes, les nouveaux-nés , en les visitant
fréquemment.
Pourquoi le législateur n’exigerait -il pas que
les femmes enceintes fussent aussi prudentes que
i53
Je demande leur état? ne lui appartiendrait- il
pas de leur défendre, par exemple, de se livrer
à un travail pénible et fatigant? de fréquenter
toutes les réunions où elles peuvent éprouver des
accidens divers, et se priver, par-là, de don-
ner à la patrie des soutiens qui auraient pu lui
rendre des services importans?
On nous dira que c'est à la nature, à la reli-
gion , à l’éducation , à ramener les femmes en-
ceintes à ces principes de conservation du fruit
qu'elles portent ; mais quand ces liens sacrés ne
suffisent pas , ne faut- il pas avoir recours à la
f r • r O
sevente r
La nature , la religion ne veulent pas non plus
qu’on assassine , qu’on empoisonne ; laisserez-
vous ces meurtres impunis ?
Le respect dû aux femmes enceintes a été aussi
un sujet de méditation pour les premiers mora-
listes. En parcourant l’histoire des plus anciens
peuples, nous avons vu que chez celui-ci le cri-
IÛ
mine] , trouvé chez une femme grosse, était mé-
nagé ; chez celui-là, contre les usages les plus
sévères , elle pouvait se nourrir de ce qui lui
convenait; chez l’autre , les femmes; supposées
enceintes, recevaient les mêmes égards que les
magistrats devant lesquels on devait s’arrêter.
L’Église catholique , enfin, a constamment dis-
pensé, des jeûnes, les femmes devenues grosses.
On nous reprochera, peut-être, de confondre
la société domestique avec la société civile, qui
effectivement ont des lois différentes et dont le
gouvernement n’est pas le même ; mais en amé-
liorant la première, ne perfectionne- t-on pas la
seconde ?
N’est-il pas honteux, pour un gouvernement
policé, de permettre à des mendians, diversement
mutilés ou simulant des infirmités hideuses , de
parcourir les rues, les promenades publiques, où ,
à l’aspect de ces malheureux , les femmes gros-
ses surtout sont exposées à des secousses terribles
v v
100
pour elles et leurs en fans ; que de maladies épi-
leptiformes doivent leur origine à cette cause !
Nous en dirons autant des tableaux qu’on ex-
pose aux regards du public, et des li vres, plus ou
moins obscènes, que des libraires avides vendent
ou louent aux femmes dont l’imagination est si
susceptible de s’exalter.
Nous demanderons encore : par quelle fatale in-
curie laisse-t-on (en Fiance seulement) errer les
buis dans les villes et les campagnes ? La dé-
mence, sans doute, n’est point un crime; mais
vous pouvez , sans cesser d’être humain , nous
préserver des fureurs auxquelles se livrent les
aliénés abandonnés à eux-mêmes.
C. Education physique ou corporelle . De notre
première éducation physique , datent la santé
dont nous jouirons ou les maux auxquels nous,
serons en proie; les mœurs, bonnes ou mauvaises,
que nous apporterons dans la société lorsque nous
serons appelés à y figurer.
JO.,
Ce sont surtout les maladies nerveuses qui se
développent plus facilement sous l’inlluence d’une
mauvaise éducation, d’abord physique et ensuite
morale , parce quelles engendrent les constitu-
tions faibles, l’excès de sensibilité, les imagina-
tions mobiles, les névroses enfin.
D. Nourrices. Notre principal gouvernement ,
dit Montaigne , est entre les mains des nourrices.
Les hommes , dit La Bruyère , se piquent d’é-
lever de beaux chevaux , d’avoir des chiens par-
faitement dressés , de posséder des troupeaux
nombreux d’animaux qu’ils ont perfectionnés.
Qu’on y prenne garde cependant, s’écrie un pen-
seur célèbre , de la manière dont sont élevés les
eafans dépend le sort des empires-, et si l’on* né-
glige de rendre les premiers d’abord sains et vi-
goureux et ensuite vertueux , les trônes s’écrou-
lent tôt ou tard, et entraînent dans leurs chutes
les souverains et les sujets.
Pourquoi le législateur n’imposerait-il pas aux
mères, qui jouissent d’une bonne santé, le devoir
île nourrir leurs enfans lorsque la voix de la na-
ture n’a pu les porter à remplir cette obligation
sacrée? L’intérêt de l’enfant, celui de la mère et
de la société tout entière, réclament à grands cris
une loi qui force les mères à allaiter elles-mêmes.
Les femelles des animaux cèdent-elles volontiers
ce soin précieux à d’autres ?
Il est cependant quelques circonstances où l'al-
laitement maternel doit être proscrit. Heureuse-
ment elles sont rares, à la honte de ces femmes qui
croient avoir atteint le terme de la maternité ,
parce qu’elles ont mis au jour l’enfant qu’elles
portaient.
Le législateur devrait être aussi sévère pour les
femmes qui veulent nourrir sans le pouvoir (mais,
il faut le dire , il n’aurait pas souvent occasion de
déployer sa rigueur) que pour celles qui s’obsti-
nent à ne pas être tout-à-fait mères, quoiqu’elles
aient toutes les qualités requises pour remplir
cette si douce et si consolante loi de la nature.
Enfin, lorsqu’on est contraint d’avoir recours
1 58
à clés nourrices étrangères, celles-cr devraient être
examinées et surveillées avec une scrupuleuse
attention, tant pour les indigens cpie pour les ri-
ches.
Serait- il bien difficile et très coûteux d’éta-
tablir des comités chargés d’une mission sembla-
ble et si honorable pour un gouvernement? L’État
ne devrait-il pas faire quelques sacrifices pour
atteindre un but si utile , l’amélioration de
l’espèce ?
L’éducation physique de 1 homme doit donc
commencer dès le moment de la grossesse, et
fixer toute l’attention d’un gouvernement sage et
éclairé. Mais il faut obliger les parens et auto-
riser des médecins instruits à s’occuper spéciale-
ment des maladies héréditaires en surveillant les
nouveaux-nés , sous le rapport de la nourriture ,
du sevrage , des dilformités qu’ils présentent, du
maillot, de l'air dans lequel ils vivent, de 1 ha-
billement, de la chaussure, etc. ; c’est ainsi qu’on
préviendrait la dégénération du genre humain ,
car ce serait un premier pas de son organisation
vers un degré de perfection raisonnable.
Lorsque les enfans de l’un et l’autre sexe sont
parvenus à l’age de puberté , ils doivent être sur-
veillés avec le même soin à cause de la révolution
qui s’opère à cette époque dans tout l’organisme.
L’exercice , à cét âge , doit être pris modéré-
ment. Les anciens législateurs sentaient, mieux
que nous, les avantages d’une constitution robuste
et d’une santé florissante ; aussi exigeaient-ils que
les parens obligeassent leurs enfans à des exer-
cices réguliers , à l’usage des alimens grossiers ,
etc. Qu’on lise Xénophon, qu’on parcoure même
jVlontaigne , qui partageait les vues de l’écri-
vain grec , si l’on veut faire de bonnes lois sur
l’éducation physique des peuples.
Les lois de la gymnastique préparent la jeu-
nesse à 1 ordre, à la règle, au travail et à la
?
tempérance. En faisant observer ces lois, on ne
verrait que rarement dans le peuple de ces mal-
i(io
heureux qui , après s’étre livrés à tous les vices'
attachés à la crapule , périssent de bonne heure
en ne laissant à la société que des rejetons in-
firmes. Que de crimes commis par l’ivrognerie?
Honneur aux conseils généraux des départemens
qui ont demandé, avec instance, une loi sur les
moyens de réduire le nombre des lieux publics,
où s’alimente ce vice aussi dangereux que dégra-
dant pour l’esprit humain.
La classe opulente de la société, dans notre
pays, n’offre aujourd’hui que de nombreux ama-
teurs de la gourmandise, qu’il serait difficile d’at-
teindre , à moins qu’on ne laissât point arriver aux
emplois publics ceux dont la sensualité égalerait
celle des Cassius et des Apicius. Le cerveau est
peu propre au travail lorsque l’estomac est dis-
tendu par la quantité énorme d’alimens solides
et liquides qu’il a reçus.
L’obésité est une des suites fréquentes de
l’intempérance. Le corps des personnes qui en
sont affectées, devient lourd, massif et perd toute
ifil
son activité. Los Lacédémoniens regardaient un
embonpoint excessif comme une chose infâme.
Nauclide, devenu trop gras, fut cité par Lysandre
devant les magistrats; ceux-ci lui firent de vives
réprimandes et le menacèrent même de l’exiler
s’il ne changeait pas de conduite. Chez les an-
ciens Gaulois , il y avait une loi qui condamnait
à une amende ceux dont l’embonpoint excédait
une certaine mesure. On ne pourrait être aussi
rigide de nos jours envers ces individus, mais
on devrait condamner les ivrognes aux memes
peines.
Plutarque rapporte qu’à Sparte on présentait
en spectacle , auxenfans , des esclaves ivres qui,
par leurs contorsions hideuses, leur inspiraient un
tel mépris pour ce vice , qu’ils ne s’enivraient ja-
mais. Cet usage devrait cire suivi chez quelques
peuples , surtou t chez nos superbes voisins d’ou-
tre-mer , buveurs intrépides qui s’exercent sou-
vent à qui boira le plus. Ce genre d’escrime, en
honneur parmi eux , était connu des anciens.
Alexandre, pour célébrer la mort de Calanus ,
proposa line récompense à celui qui sortirait
vainqueur d’un tel combat : celui qui gagna la
victoire la paya de sa vie.
Il fut un temps, en France, où l’ivrognerie
était pour ainsi dire à la mode dans toutes les
classes de la société. Ce fut particulièrement
vers la lin du règne de Louis XIV, pendant la
régence du duc d’Orléans, et au commencement
du règne de Louis XV. Les grands en donnaient
l’exemple, le peuple se plaisait à les imiter, et
c’est dans le relâchement de tons les liens mo-
t
raux de ces époques , que nous voyons les causes
éloignées des désastres affreux que le philoso-
phisme, habile à profiter de tout, fit éclater plus
tard sur notre malheureuse patrie.
Les mauvais philosophes , les écrivains per-
fides, peuvent, sans doute, préparer les révolu-
tions , mais dans la corruption morale se trou-
vent les moyens d’exécution. L’homme sobre et
moral a peu de besoins , et ne sert par conséquent
pas facilement d’instrument aux fauteurs de dis-
corde et de troubles.
1 63
Convenons qu’un gouvernement qui s’occupe-
rait des différons sujets que nous venons d’expo-
ser , mériterait bien plus du pays qu’en se mê-
lant d’influencer les élections, d’enchaîner la pu-
blicité, etc. Qu’avez-vous besoin de vous initier
dans ces droits civils , si vous ne présentez que
des lois utiles, et si vous n’agissez que dans l’in-
térêt des masses ! Le gouvernement anglais ,
nous répondrez-vous, pénètre jusque dans les
tavernes, parcourt les rues, etc., pour obtenir
les députés qu’il veut avoir. Imitez ces machia-
véliques dans ce qu’ils ont de bon, mais repoussez
ce qu’ils vous offrent d’odieux et de contraire à
la véritable liberté. Ils vous ont appris le régi-
cide...; vous ajouterez, il faut réprimer la li-
cence : d’accord ,• mais prévenez cette licence,
et vous n’aurez point à lutter contr’elle.
C. Ihducation morale. Nous arrêterons -nous
à cette opinion de quelques esprits qui ne veu-
lent pas croire à YJiojjio duplex , et qui ne voient
absolument que les propriétés vitales (i)? « Si
(i) Qualités inhérentes à nos organes, en vertu des-
l'homme n’est; qu’une machine toute physique,
dit l’iin cle nos plus brillans écrivains ,, il n’y a pas
de moral , et l’action d’une idée qui tue de cha-
grin une mère perdant son fds unique, est tout-à-
fait incompréhensible. »
« Comment un soufflet appliqué sur la joue
d'Epictèle ne produirait-il aucune émotion dans
cette stoïque cervelle , tandis que sur la joue du
moindre spadassin le même soufflet excitera une
fureur qui ne s’apaisera que par du sang répandu
dans un duel ; il y a donc en nous une force qui
peut combattre les impulsions des organes ; il
existe donc ici une loi dans les membres, et une
autre dans l’esprit. C’est par celle-ci que Régulus
retourne à Carthage, certain d’y mourir dans les
supplices ; » que tant d’hommes généreux se sont
présentés à la mort avec un front serein ; que le
quelles ces organes , disent les physiologistes, ont la
puissance d’exccutcr les actions vitales les plus simples
possibles et les plus généralement répandues dans les
êtres organisés et dans les diverses parties de chacun
de ces mêmes êtres.
fils de Saint-Louis est monté au ciel avec le
calme de la vertu et de l’innocence -, qu’un
Prince, que la France aura souvent occasion de
regretter, a pardonné, sur le lit de mort, à
l'homme qui nous l’a ravi.
« Comment une simple idée de gloire, qui
n’a rien de corporel , mais une vue de l’esprit ,
va-t-elle imprimer cette vigueur sublime au
corps d’un paysan pour l’élever subitement au
rang des héros, parmi les feux d’une bataille? »
« Qui peut ignorer combien d’idées viennent
assaillir, que dis-je, poignarder des êtres déli-
cats jusqu’au milieu de la couche la plus déli-
cieuse entre les coussins de la mollesse ; il faut
être criminel pour sentir toutes les tortures des
remords qui venaient bourreler l’âme atroce d’un
Tibère ; il était sur un trône et son âme aux ga-
lères , s’il faut en croire Tacite. Ainsi Néron était
épouvanté la nuit par des furies, au milieu de son
«
palais , après le meurtre de sa femme et de sa
mère. Cependant l’encens fumait sur les autels
en l’honneur de ces attentats. »
« C’est donc méconnaître absolument la na-
ture des corps vivans, ajoute M. \irey, que de
nier cet tvop/mov, cet ùnpelum faciens ; s’il n’est pas
une âme, il ne dirige pas moins l’organisme en
modifiant la contractilité et la sensibilité de nos
tissus , de nos systèmes organiques ; certes nous
sommes contractiles, mais un centre de gouver-
nement régit nos facultés. » C’est la bonne direc-
tion imprimée à cette première partie de l’homme
qui constitue l’éducation morale.
Abeunt sîudia in mores : il est certain que des
bonnes études dépendent, en grande partie , les
bonnes mœurs. Les seules lois capables d’amener
l’homme à une bonne éducation morale, sont les
préceptes de la religion catholique. On doit déjà
s’apercevoir que , pour nous, la première jéduca-s
lion est l’éducation religieuse ; d’où il suit que le
gouvernement qui fera le mieux observer ces pré-
ceptes, sera celui dont les mœurs seront les plus
pures , et par conséquent l’empire le plus floris-
sant. En effet , quel est le but d’une bonne édu-
cation ? n’est-ce pas de s’opposer aux passions
vers
>07 -
nuisibles, et de diriger le cœur humain
celles qui élèvent Famé en la rapprochant de sa
source véritable ?
Or, quels sont les instituteurs les plus propres
à nous inspirer la crainte de Dieu, l’amour du
prince et de la patrie , la charité , etc. ? Ce sont
les ministres de cette meme religion, et nous ne
balançons pas à l’avouer, à eux seuls doit être
confiée 1 instruction publique préliminaire , parce
que eux seuls jouissent du bonheur dont nous
gratifie la pratique de toutes les vertus, et que
ceux-là, qui jouissent pleinement de ce bon-
heur , peuvent en faire sentir le prix- et l’inspirer
aux autres.
On nous dira : « Passe pour les mœurs ; mais
les sciences?... » Ignore-t-on que les Flè chier ,
les Fénelon , les Séguier , les Montesquieu , les
Corneille > les Racine , les Molière , etc. , ont été
cle\es dans des etablissemens d’instruction diri-
ges pai des ordres religieux ou par des précep-
teurs ecclesiastiques. Le siècle tout entier de
i G8
Louis XIV, dit un publiciste estimé , est sorti
de la main des prêtres.
Les mathématiques n’ont-elles pas eu les de-
vins, les Grégoire de Saint-Vincent , les La Bou-
hère j les Deschalles , les Pardies, etc. La philoso-
phie, les Pères , les Sylvestre Maure, les TCirker ,
les Schot y les Lana, etc. La littérature, surtout,
ne présente-t-êlle pas un nombre considérable
d’auteurs ecclésiastiques, tels que les Vavasseur ,
les Bapin , les. Jouvency, les Lame , les Brumoy ,
les Sanadon , les Vanière , les P orée, les B an-
do ry , etc. ? Mânes du grand Corneille, levez-
vous, et répondez aux ennemis de ceux qui s’a-
perçurent de votre génie et surent le développer
pour la gloire de la France.
Briet , Petau , Tournemine , Souciel , Lac-
i
cary, etc.; c’est en vain que vous avez répandu
la véritable lumière sur le chaos des temps. Il
existe encore des aveugles.
• Scheiner , Hardouin, Seignery , Chemin ay ,
Bourdaloue , etc. , vous n’avez rien fait pour
l’histoire naturelle et pour l’éloquence. Est-il
bien prouvé que le père Fabri (Honoré) n’ait pas
contribué à découvrir la circulation du sang ? 11
nous faudrait des volumes pour énumérer les
services rendus par le clergé à tous les genres de
science. Oui , les prêtres sont les premiers qui
aient travaillé, avec fruit, à la culture de l’esprit
humain. Oui, la physique, l’astronomie, l’ar-
chéologie , etc., doivent une partie de l’éclat
dont elles ont brillé, à ces hommes paisibles et
innocens contre lesquels les partisans de l’éduca-
tion révolutionnaire s’élèvent aujourd’hui avec
plus de force qu’au 16e siècle.
» On ne peut s’empêcher de regretter, dit un
homme qui se connaît en véritable instruction,
ces grands corps enseignans entièrement occupés
de recherches littéraires et de l’éducation de la
jeunesse. Après une révolution qui a relâché les
liens de la morale , et interrompu le cours des
études, des sociétés, à-la-fois religieuses et sa-
vantes , porteraient un remède assuré à la source
de nos maux. Dans les autres formes d’institut,
170
il ne peut y avoir ce travail régulier , cette labo-
rieuse application au même sujet, qui régnent
parmi des solitaires, et qui, continués sans in-
terruption pendant plusieurs siècles, finissent par
enfanter des miracles.
» L’Europe savante a fait une perle irrépa-
rable dans les corporations religieuses ensei-
gnantes. L’éducation ne s’est pas bien relevée
depuis leur chute. Elles étaient singulièrement
agréables à la jeunesse ; leurs manières polies
ôtaient à leurs leçons ce ton pédantesque qui re-
bute l’enfance. Us avaient su établir, entre leurs
écoliers de différentes fortunes, une sorte de pa-
tronage qui tournait au profit des sciences. Ces
liens , formés dans l’âge où le cœur s’ouvre aux
sentimens généreux, ne se brisaient plus dans la
suite, et établissaient entre le prince et l’homme
de lettres , ces antiques et nobles amitiés qui vi-
vaient entre les Scipion et les Lœlius Un Vol-
taire, dédiant sa M érope à un père Porée, et l’ap-
pelant son cher maître , est une des choses aima-
bles que l’éducation moderne ne présente plus.
*7*
» Pesez la masse du bien que ces corpora-
tions ont fait! Rappelez -vous les écrivains cé-
lèbres qu’ils ont donnés à la France , ou qui se
sont formés dans leur sein ; les royaumes entiers
conquis à notre commerce par leur habileté ,
leurs secours et leur sang $ les miracles de leurs
prédications au Canada , au Paraguay , à la
Chine, et vous verrez que le peu de mal dont
vous les accusez ne balance pas un moment les
services qu’ils ont rendus à la société. » Que
d’autres chantent les conquêtes désastreuses, les
invasions meurtrières , les révolutions, etc. , nous
aimons mieux la gloire qui agrandit la vie que
la gloire qui tue!
Nous ne craignons pas de le dire, un gouver-
nement qui veut préparer le bonheur des géné-
rations à venir, et cicatriser les plaies faites à
1 état social actuel, doit ordonner que l’éduca-
tion première passe en entier dans les mains du
clergé. « J’ai toujours pensé, dit Leibnitz, qu’on
réformerait le genre humain, si l’on réformait
l’éducation de la jeunesse. » On croirait, à ces
1 1 ..
172
mots, que ce philosophe allemand ait vécu de nos
jours.
U11 homme qui se voue à renseignement doit
lui consacrer tous ses instans, et n’être suscep-
tible d aucune autre préoccupation : c’est aussi
par les exemples que l’on forme le cœur et l’es-
prit de la jeunesse, et nous aurons toujours de
la peine à croire que le maître, encore rouge des
excès auxquels il vient de se livrer, puisse don-
ner une bonne leçon de morale à son élève, dis-
serter avantageusement et avec calme sur un su-
jet quelconque. Non, le professeur qui néglige
ses enfans, n’apprendra pas à son auditoire com-
ment on est bon père , celui qui maltraite sa
femme, comment on est bon époux ; celui qui
laisse son père dans les horreurs du besoin, com-
ment on est fils sensible et reconnaissant ; celui ,
enfin, qui plaisante sur la religion, laissera igno-
rer à ses élèves les devoirs d’un chrétien , etc.
Voilà cependant les instituteurs que l’on trouve
quelquefois hors de l’Église. Il reste donc prou-
vé, pour nous du moins, que l’éducation re-
i73
ligieuse, celle qui en même temps dirige bien
le cœur et éclaire l’esprit, est le seul moyen de
prévenir les passions, sources uniques de tant
de névroses , de forfaits et d’attentats. Nous
osons le dire , il y a de la faiblesse et du danger
à ne point établir légalement les corporations de
première utilité, en promulguant, toutefois, le
principe de leur soumission aux lois de l’État.
Lne bonne éducation morale exige encore que
tout ce qui peut donner l’idée d’un vice quel-
conque soit soigneusement écarté des regards des
enl’ans. La mendicité en action est un exemple
affreux pour la jeunesse oisive.
L’age et les infirmités sont des causes qui ne
permettent pas aux indigens de travailler : l’État
doit pourvoir à l’existence de ceux-ci • mais ceux
qui prêtèrent la dégradation à une occupation
qui doit les nourrir, ne méritent aucun égard ,
la rigueur des lois doit les poursuivre partout.
Une nation essentiellement agricole ne peut to-
lérer que la mendicité foule son sol. Pourquoi
ne chargerait-on pas chaque commune de nour-
rir et d’entretenir les mendians qui seraient liés
dans son sein?
i
Le problème de rendre les forçats à la société ,
se rattache, plus qu’on ne le croit, à son éduca-
tion morale.
\
Les criminels condamnés aux travaux forcés à
perpétuité, sont des individus perdus pour leurs
r
familles et pour l’Etat, auxquels cependant quel-
ques-uns d’entr’eux auraient pu être utiles, parce
qu’il en est qui sont encore susceptibles de reve-
nir à des sentimens d’honneur. Sans doute, et
malheureusement, la plupart croupiront dans le
vice, comme il est des aliénés sur lesquels on ne
doit plus compter; mais le besoin, l’exemple de
la corruption, sont les causes les plus fréquentes
qui conduisent ces malheureux aux bagnes pour
y finir leur existence. Il faut, sans contredit,
que ceux-là soient également punis; mais dis-
tinguez-les de ces êtres familiers avec les mau-
vaises actions, qui ne connaissent quelles, et ne
' savent vivre que par elles. C’est dans les bagnes
que beaucoup de forçats sont devenus tout-à-
fait dépravés , au lieu d’y perdre l’idée du crime.
Quels seraient donc les moyens les plus con-
venables pour faire rentrer dans le peuple, sans
danger pour la société, les forçats corrigibles,
et d’en éloigner les incurables.
Déjà plusieurs écrivains distingués ont abordé
ces questions importantes sur la demande una-
nime des conseils généraux ,• mais on trouve tou-
jours à glaner dans un champ si. vaste, et nous
osons y faire un pas.
Nous croyons qu’il conviendrait de distinguer
les forçats en deux classes : ceux qui, auteurs
d’un premier crime, n’auraient donné lieu anté-
rieurement à aucun reproche grave; ceux qui,
repris de justice, seraient condamnés pour ré-
cidive.
Les criminels de la première classe seraient
formés en compagnies de cinquante hommes au
176
plus, et disséminés pendant cinq, dix ou seize
ans, dans les départemens, où des canaux peu-
vent être creusés , où les places fortes demandent
des réparations, les ports de mer des travaux in-
dispensables, les terres des défrichcmens, les
marais des dessècliemens, etc.
Dans chaque lieu où se trouverait cantonnée
une compagnie de forçats, il y aurait aussi une
ou deux compagnies d’infanterie toujours prêtes
à sévir contre la rébellion dont ces malheureux
pourraient se rendre coupables. L’horreur qu’ils
inspireraient à nos soldats tendrait à préserver
ces derniers des excès qui conduisent souvent
aux galères.
Les propriétaires , sur les terres desquels ces
compagnies de forçats travailleraient, payeraient
une rétribution proportionnelle, et le départe-
ment ou la commune fournirait le local néces-
saire pour les recevoir.
Les produits des travaux formeraient une
i77
masse qu’on confierait au forçat qui serait reconnu
le moins mauvais sujet. Celte niasse servirait à
fournir des secours aux forçats qui, par leur
bonne conduite, auraient mérité de rentrer dans
la société, mais jamais dans le département où
ils auraient reçu le jour.
Les forçats qui montreraient le plus de re-
pentir par la régularité de leur manière d’être,
seraient les surveillans de leurs camarades , et
jouiraient de quelques avantages qui seraient des
stimulans salutaires pour les moins sages.
Deux , et même trois missionnaires , ayant une
connaissance parfaite du cœur humain , seraient
attachés à ces malheureux comme aumôniers.
Ces respectables apôtres acquerraient, par-là, un
nouveau titre à l’admiration générale. Ce n’est
pas au milieu des habitans , que dirigent si bien
nos dignes curés et vicaires, soit par leurs pré-
dications persuasives, soit par leurs exemples,
que les missionnaires sont indispensables. Si ,
comme ces derniers, nous avions reçu du Ciel
le don d’éclairer les hommes égarés , nous vou-
drions descendre jusque dans les demeures des
forçats , cl y habiter, pour mieux réussir à con-
vertirces malheureux, en leur adressant sans cesse
des paroles capables de faire renaître dans leur
cœur la foi et l’espérance, en leur prêchant enfin ,
chaque jour, la sublime morale de l’Évangile.
Les forçats de la deuxième classe, ceux qu’on
ne pourrait espérer de ramener, qui se seraient
mis dans le cas des galères à perpétuité, seraient
envoyés dans celles de nos colonies qui ont le
plus besoin de bras, et où les mêmes précau-
tions, pour les rendre meilleurs, seraient égale-
ment prises. Mais, a-t-on dit, pourquoi exposer
à succomber, sous un climat meurtrier, ceux que
nos lois n’ont pas condamnés à mourir? Eh
quoi ! vous ordonnez à de jeunes militaires
de se rendre aux colonies pour y conserver
quelques possessions vermoulues, et vous répu-
gneriez à y établir des scélérats que la société re-
pousse , et qui menacent plus que vos biens ter-
restres?
J79
Honte à vous, législateurs , si vous ne parve-
nez à purger la mère-patrie de celte nuée d'hom-
mes héréditairement et moralement viciés, qui
épuisent inutilement vos finances, corrompent
la masse quand ils y rentrent, et seraient, à la
première occasion , les instrumens les plus ter-
ribles qui poseraient sur vos têtes! Vous suppri-
meriez ainsi vos maisons de détention , propre-
ment dites , ou la mortalité est plus grande que
dans les hôpitaux les plus considérables et les
moins sains.
Vous combattriez victorieusement Finfluence
du vice; vous préviendriez un plus grand nom-
bre de crimes ; vous occuperiez utilement vos
soldats; vous élèveriez, à peu de frais, sur vos
frontières , aujourd’hui si peu éloignées de la
capitale, des remparts redoutables; vous assai-
niriez certaines contrées où les maladies mois-
sonnent , chaque année et sans obstacle , une
infinité d’individus ; ainsi , vous seriez phi-
lantropes tout-de-bon, et non dans vos dis-
cours seulement. Honneur au ministre de la ma-
i8o
rine et à son digne prédécesseur, pour les nobles
exemples qu’ils vous ont donnés !
Il importe aussi que vous proscriviez à jamais
les loteries, les lieux de prostitution et les tripots.
Si vous voulez des mœurs pures , éloignez tout
ce qui peut flétrir l’espèce humaine. Vous auriez
beau nous dire que ces vices sont des maux né-
cessaires, en ce qu’ils en évitent de plus grands.
Faut-il donc laisser voler dans les maisons pour
qu’on ne vole pas sur les grands chemins ? lais-
ser empoisonner secrètement pour qu’on ne soit
pas tenté d’égorger en public?... Encore une
fois, osez anéantir tous ces lieux infâmes, sour-
ces inépuisables de tous les crimes j et si la fu-
reur du jeu s’établit clandestinement , si les fem-
mes sont insultées, établissez une législation pro-
portionnée à ces délits. Rappelez-vous les Athé-
niens !
La même sévérité devrait éclater contre un
vice honteux qu’il nous répugne de nommer,
parce qu’il outrage à-la-fois la nature et les élé-
mens de la société.
1 8 1
Sî vous regrettez les sommes prélevées sur les
immondices , établissez des impôts sur les bil-
lards et les cabarets, beaucoup trop multipliés
en France; sur les voitures de luxe, qui nous
écrasent ; sur les chiens inutiles, qui nous expo-
sent, surtout dans certaines saisons, aux acci-
dens les plus terribles. On aura de la peine à
croire que la seule ville de Versailles renferme
plus de six cents de ces animaux, qui ne sont
bons qu’à dévorer la substance du pauvre.
Ministres du Roi ! législateurs ! regardez la po-
pulation , descendez dans les prisons , entrez dans
les hôpitaux , et dites-nous franchement s'il ne
serait pas nécessaire de porter votre attention,
votre vigilance sur les vices que nous vous si-
gnalons?
F. Police médicale. La science médicale est
une , et par cela seul que tout être souffrant a les
memes droits aux bienfaits de cette science , il
ne peut et il ne doit y avoir qu’un ordre de mé-
decins, c est-à-dire , des médecins éclairés, of-
182
frant toutes les garanties que peut désirer la so-
ciété , pauvre ou riche, noble ou roturière. En
effet, faut-il moins de savoir et d’expérience pour
traiter hne maladie chez un paysan que chez un
marquis?... Notre opinion va même plus avant.
Les médecins les plus capables doivent, de pré-
férence, être placés à portée des cultivateurs,
qui, plus précieux que beaucoup de citadins, et
moins au fait des lois hygiéniques, ont , par con-
séquent, besoin de plus de lumières médicales,
et méritent plus d’intérêt, à moins qu’on ne
■veuille, comme dans les premiers âges, laisser
les habitans des campagnes exposés aux excès de
la jonglerie la plus effrontée.
Ainsi on ne devrait pas balancer à établir des
médecins dans les communes les plus considé-
rables, en rétribuant ces docteurs d’une manière
convenable, comme cela a lieu pour les desser-
vans des paroisses. En conservant les individus
on sauve les États, et, encore une fois, la véri-
table économie n’est pas celle qui détruit.
L’humanité et l’ordre social gagneraient, plus
1 83
qu’on ne Fa pensé jusqu’à ce jour, à un code mé-
dical qui s’attacherait à trois points principaux,
ainsi que le désire le respectable et savant pro-
fesseur Fodéré.
Enseignement. La voie du concours, pour le
choix des professeurs , n’est pas toujours la plus
sûre. En efïVfc, combien de médecins, tics éru-
dits, de beaucoup de jugement, d’une expé-
rience consommée , ne pourraient peut être avoir
l’avantage, dans une lutte académique, sur des
jeunes gens qui paraîtraient, par une élocution
plus facile et une mémoire plus fraîche, méri-
ter la préférence sur les vétérans de la science,
dont la longue pratique, et les ouvrages devenus
classiques , sont des titres à la reconnaissance
générale.
Le talent, ensuite, n’est pas tout ce qu’il faut
au professeur de médecine. Il importe aussi à
1 Etat et aux familles que ce professeur possède
des qualités sociales qui leur servent de garan-
ties.
1 84
Une seule Faculté de Médecine ne peut ensei-
gner également bien les nombreuses branches de
cette science, qui embrasse toutes les connais-
sances humaines.
Il serait donc de la première nécessité (et nous
le déclarons sans craindre l’application de cet
aphorisme d’Hippocrate , et si quid mutare vo-
les, paulatlm debes assuefaceref de conser-
ver, pour nos provinces méridionales, la célèbre
école de Montpellier.
i
D’en établir une à Rennes, pour les départe-
mens du nord-ouest.
Celle de Strasbourg, pour les parties orien-
tales.
Enfin, Paris serait la Faculté de perfectionne-
ment , celle ou le complément des études médi-
cales aurait lieu , la seule où il serait permis de
donner les diplômes.
Le grand nombre des établissemens de la ca-
i85
pi laie, le goût général pour tons les genres de
science qui y a été répandu par la fondation des
académies , les professeurs de premier ordre qui
s’y sont établis , la grande population de cette
étonnante cité, tout a contribué à faire de Paris
ce que fut Athènes pour la Grèce. Depuis Char-
lemagne, cette ville a toujours conservé la su-
prématie, c’est la métropole des sciences.
•
s
Pour bien faire saisir notre plan , nous allons
prendre un jeune homme sortant du collège, et
se destinant à l’étude de la médecine. Il débute-
rait par fournir des preuves incontestables sur
ses moyens intellectuels, ses qualités morales et
ses ressources pécuniaires ; subirait., pendant cinq
ou six heures chaque fois, des examens sérieux
sur l’histoire universelle, la littérature, la philo-
sophie, l’idéologie, la géographie, les mathémati-
ques, et sur les élémens de la physique, de la chi-
mie , de l’histoire naturelle , c’est-à-dire , la bota-
nique, la minéralogie et la zoologie. On sent déjà
qu il serait indispensable que les élémens de ces
sciences fussent donnés dans les collèges royaux.
12
1 8G
Les examens de baccalauréat es -lettres et
sciences, tels qu’ils ont heu aujourd’hui, ne
peuvent suffire pour être reconnu apte à l’étude
de l’art de guérir.
Apres avoir satisfait publiquement à ces épreu-
ves, muni d’une autorisation, l’étudiant irait à
Montpellier, où il suivrait, pendant deux ans,
des cours de méthodologie, de littérature et de
statistique médicales- d’histoire naturelle, de
physique, de chimie, de pharmacie théorique et
pratique.
Après ce temps, après avoir subi des examens
sur ces différentes sciences, y avoir satisfait long-
temps et toujours en public, l’élève se rendrait
à l’école de Rennes, où il étudierait, pendant
deux années encore, l’anatomie descriptive, l’a-
natomie générale, la physiologie, 1 anatomie com-
parée, en se livrant fréquemment à l’art si im-
portant de la dissection.
Sortant de Rennes , et après y avoir rempli les
mêmes obligations, le jeune homme passerait
deux autres années à Strasbourg, où la patho-
logie générale, la pathologie cl la nosologie mé-
dicales et chirurgicales, la nosologie comparée,
l’hygiène, la médecine légale, la théorie des ac-
coucliemens, lui seraient enseignées.
Enfin leleve viendrait à Paris ou il suivrait ,
pendant les deux dernières années, des cours sur
la matière medicale et l’art de formuler, des
cours de clinique pour toutes les maladies des
femmes, des enfuis, des vieillards, chroniques,
aiguës, etc. , de clinique comparée. Il se livrerait
aux operations chirurgicales sur le cadavre, en-
suite sur le vivant • à la pratique des accouche-
mens, à la confection et à l’application des dif-
férons appareils (i).
(1) Nous voudrions que les cliniques se fissent comme
j! suit : Le professeur, accompagné de scs élèves, énon-
cei ait lentement et a liaute voix , les causes , les signes ,
les accidens , le terme de la maladie, les changemens
survenus depuis la dernière visite, les remèdes em-
ployés, leurs effets.
Enfin, comme nous l’avons vu à Levdc et dans des
i88
On voit combien d’abus seraient corrigés par
ce seul arrangement. Les plus grands avantages
qui en résulteraient, seraient un plan d’études
plus régulier et plus méthodique, qui assurerait
les progrès des jeunes médecins; la fréquenta-
tion de toutes les Facultés; enfin, on ne verrait
dans la capitale que des étudians paisibles, en-
écoles non moins célèbres cle l’Allemagne , le profes-
seur viendrait au pronostic , mais ne le ferait qu’en la-
tin dans les maladies dangereuses.
La visite terminée , le professeur réunirait les élèves
et les instruirait plus au long sur les maladies qu’ils
viendraient d’examiner tous ensemble, en leur faisant
part de ses réflexions, en écoutant les leurs, en les
questionnant et leur exposant brièvement les principes
d’après lesquels il se conduit.
Cette instruction familière ne durerait pas moins
d’une heure matin et soir. Ces espèces de conférences
médicales produiraient un bien immense. On ne peut
nier que l’argumentation ne développe et ne fortifie le
jugement; que le syllogisme est serré et pressant;
qu’ainsi une dispute réglée est propre à exercer la jeu-
nesse.
i»9
t
tièrement occupés de terminer leurs études, afin
d’entrer dans le monde avec un titre honorable,
et qui, par conséquent, seraient inaccessibles à
l’influence des passions et des partis. L’étudiant
ardent ne serait plus exposé à sacrifier telles le-
çons à telles autres, à entreprendre tous les maî-
tres. Trop de travail diminue le fruit de l’étude,
et en hâtant l’acquisition des connaissances, on
les rend imparfaites et confuses.
On nous objectera que ce serait exposer les
élèves en médecine à beaucoup de dépenses.
Tant pis pour ceux qui n’auraient pas une for-
tune qui les mît à même d’étudier l’art de quérir.
Mais, ajoutera-t-on, 11e s’est-il pas élevé du
sein de la médiocrité des médecins distingués
par leurs talens et leurs écrits? Que le gouver-
nement se chargealors, après les a voir fait concou-
rir, de payer pour les élèves qui montrent d’heu-
reuses dispositions. N’envoie-t-il pas, à ses frais,
des jeunes gens à l’école de peinture de Rome?
Quelques mauvais plaisans ont prétendu que
faire promener ainsi les étudians en médecine ,
ce serait les comparer à des commis-voyageurs.
Nous voulons bien répondre à celte objection
(quoiqu’elle sente furieusement la drogue), que
l’on voyage aujourd’hui en France à très peu de
frais; que les jeunes gens gagnent toujours à se
déplacer, tant sous le rapport de la santé que
sous celui des mœurs ; que les distractions du
voyage, l’aspect d’une nouvelle cité, donnent
lieu à d’autres réflexions; qu’on rompt de fâ-
cheuses habitudes, et qu’enfin l’idée du devoir
renaît souvent avec tout le charme de sa puis-
sance.
Nous avons de la peine à concevoir qu’on n’ait
pas eu l’idée d’astreindre les professeurs à faire
imprimer des livres classiques sur toutes les par-
ties de la médecine ; ces livres serviraient de base
aux leçons des maîtres : chaque jour les disciples
prépareraient chez eux la leçon qu’ils devraient en-
tendre le lendemain. On aurait de cette manière
des cours instructifs; les élèves ne perdraient plus
les choses essentielles et un temps précieux.
Nous concevons plus difficilement qu’on n’ait
pas pensé à extirper l’abus des doctrines médica-
les. Devrait-on permettre que telle ou telle mé-
thode prévalut sans avoir été soumise au creuset
de l’expérience , et sanctionnée par l’Académie
Royale et les Facultés de médecine?... Il n’en est
pas de l’art de guérir comme de l’architecture
par exemple : un monument est assis sur de mau-
vaises bases, il s’écroule, il n’en coûte que quel-
ques écusj mais une doctrine médicale qui vient
de naître et qu’on adopte aveuglément , quand
l’esprit d’innovation prédomine , peut ébranler
l’ordre social jusque dans ses fondemens.
« Les Egyptiens, dit feu Bosquillon, furent
les premiers qui crurent avoir un assez grand
nombre d’observations pour former une espèce
de code , nommé le Livre sacré , que les médecins
devaient suivre dans le traitement des maladies,
sous peine d’être condamnés comme homicides,
si les malades mouraient quand ils s’en étaient
écartés. » Jamais la France n’a eu plus de besoin
de faire revivre l’idée de ces peuples anciens.
ICJ>
Nous ne voudrions pas comprimer l’élan du gé-
nie , mais bien ses écarts.
Réceptions. Pendant la dernière année, l’étu-
diant se préparerait , sans cesser de suivre les cours
([ue nous avons déjà indiqués, à se faire recevoir
docteur à Paris. Là, seulement, il recevrait son
diplôme, mais après avoir publiquement soutenu
cinq examens , dont deux en latin et une thèse
imprimée ; le sujet lui en serait fourni par le sort ,
et le candidat le traiterait sans aucune espèce de
secours et sous clef.
C’est ici le cas de se livrer à des réflexions éga-
lement pénibles. Pourquoi le gouvernement ne se
chargerait-il pas des honoraires des professeurs %
et des examinateurs surtout? Les professeurs pu-
blics, ne tirant de leurs emplois que des rétribu-
tions modiques, peuvent se négliger dans leurs de-
voirs en se livrant à des leçons particulières ou à
d’autres occupations qui leur rapportent davan-
tage.
Les plus graves désordres, pour la médecine
et la société, peuvent résulter de la facilité lais-
sée aux professeurs de médecine de disposer des
sommes payées pour l’admission au doctorat.
]N ayez que de bons maîtres, trailez-les convena-
blement afin qu’ils n’aient pas besoin de sortir
de leurs obligations pour pourvoir à l’existence
de leurs familles j exigez même qu’ils ne se livrent
à d’autres fonctions qu’à l’enseignement qui leur
est confié ; assurez-leur d’honorables retraites
après qu’ils ont vieilli dans le professorat, au lieu
de les frapper d’ignominieuses destitutions sur
de simples soupçons ; mais, au nom de l’huma-
nité, ne les exposez pas à recevoir des méde-
cins incapables. Sommes -nous donc encore au
temps de Pline, où la santé et la vie des ci-
toyens étaient mises au hasard entre les mains du
premier venu qui se disait médecin ?
Pourquoi les examens, comme les thèses, ne
seraient-ils pas subi publiquement et en présence
de deux ou trois conseillers de l’université? car
il ne faut pas non plus que la faveur puisse se
glisser clans les réceptions.
Pourquoi ces examens ne dureraient-ils pas
de deux ou trois heures le matin , autant le soir ,
et pendant cinq ou six jours, suivant leur impor-
tance ? Pourquoi enfin des affiches n’annonce-
raient-elles pas les jours et heures où ces exa-
mens auraient lieu? Le jugement des examina-
teurs devrait être prononcé également en public,,
tribunal redoutable , mais intéressé ?
Vous auriez beau nous dire, comme "Virgile ,
que l’art de guérir est muet en comparaison des
talens sensibles des autres enfans d’Apollon ; l’em-
barras du récipiendaire , le prononcé des exami-
nateurs, suffiraient pour que ie public ne courût
aucun risque dans son jugement.
\
Nous pensons de même pour la pharmacie ,
parce que la potion destinée à une ravaudeuse
doit être préparée avec autant d’art et de fidelité
que celle que doit prendre l’épouse d’un ban-
Ainsi un seul ordre de pharmaciens, reçus par
i95
les Ecoles tic pharmacie ou les Facultés de méde-
cine. Il est bien entendu qu’on ne doit pas exi-
ger de ces derniers le même temps d’étude que
pour les médecins, ni le même nombre d’examens,
etc. Nous repoussons les herboristes.
Les sages-femmes devraient être reçues parles
trois docteurs les plus anciens de diplôme, pris
dans le chef-lieu du département le plus voisin
de celui ou. ces femmes voudraient exercer l’art
des accouchemens.
Nous profiterons de l’occasion pour déclarer
franchement qu’il devrait exister une grande sé-
vérité pour l’admission des médecins , comme
membres de l’Académie Rovale de médecine ,
instituée pour récompenser ceux des docteurs qui
se sont distingués dans les travaux les plus pro-
chainement utiles à la conservation des hommes,
i '
principalement dans l’ouvrage où seront rassem-
blées, en un corps, toutes les connaissances qui
concernent l’art de guérir.
Or, nous demandons si ce noble but de nos
igG
Rois a été rempli dans ces derniers temps ? L’in-
terdit mis depuis peu sur les nominations , sufli-
rait pour trouver le contraire, si nous ne rencon-
trions parfois des académiciens assez compiaisans
pour nous attester que les réceptions ont été vrai-
ment trop faciles.
N’est-il pas ridicule, en effet, qu’un académi-
cien outrage la syntaxe , et qu’un académicien
médecin ignore jusqu’aux premiers élémens de
son art ?
Serait-il donc difficile de soumettre tout as-
pirant à l’Académie Royale de médecine , à des
épreuves orales ou écrites? Ce corps, où brillent
du reste les plus fortes têtes médicales de l’Eu-
rope , devrait-il ouvrir ses portes à l’aveugle
routine ?
>
Chambres de discipline. L’institution des con-
seils de discipline, pour les médecins, serait à nos
yeux le projet le mieux conçu que l’on pût pré-
senter à une nation comme la notre. Plusieurs
*97
professions de la société ont leurs chambres de
discipline. Les médecins sont privés de cet avan-
tage, tellement précieux, qu’il tend à conserver
Tordre , la décence et le respect que se doivent
mutuellement des hommes bien élevés et chargés
des intérêts les plus chers de la société. Il est
temps d’étouffer des divisions qui nuisent à la
science en affaiblissant la considération et la con-
fiance, qui ne seraient jamais altérées s’il existait
des conseils de discipline médicaux.
Les conseils poursuivraient le charlatanisme par-
tout où il se trouverait, sous quelque forme qu’il
4
se présentât. Le charlatanisme est une épidémie
meurtrière. La peste même n’ est que passagère,
elle n’exerce ses ravages que de loin en loin , et
ne laisse après elle que les traces d’une dépopula-
tion plus ou moins étendue, selon les bornes dans
lesquelles elle est renfermée. Le charlatanisme a
des retours, si fréquens et si universels, qu’il pour-
rait être considéré comme une calamité perma-
nente. 11 détériore ce qu’il ne touche pas, et parmi
les victimes incalculables qu’ii immole chaque
jour, on voit celles qu’il semble avoir le plus
épargnées , porter les stigmates ineffaçables de sa
cruauté, ou gémir à jamais en proie aux infirmités
de toute espèce par lesquelles il marque son pas-
sage.
Les conseils de discipline feraient enfin justice
de ces prétendus oculistes, faiseurs de grandes
opérations chirurgicales, jugeurs d’eau , etc. Tous
ces jongleurs disparaîtraient pour jamais de notre
belle France , qui a bien assez de ses rebouteurs
abrutis, mais titrés. Les exploits de ces derniers
s’aperçoivent principalement dans l’examen qui
se fait chaque année des jeunes gens appelés au
service militaire.
La diversité des doctrines médicales a divisé
les hommes qui exercent l’art de guérir; les con-
seils de discipline anéantiraient cos divisions. C'est
dans cette réunion de famille que l’esprit brouil-
lon serait étouffé, que les passions médicales re-
cevraient un frein, d’autant plus convenable, qu’il
leur serait opposé par les médecins eux-mêmes.
I
*99
On ne verrait entre ceux-ci qu’une heureuse har-
monie. Il n’existerait , parmi eux, d’autre envie
que celle d’illustrer le premier des arts, puisqu’il
tend à conserver le premier des biens. Avance-
ment et expansion de la science, rapports fréquens
et bientôt intimes entre les médecins, utilité gé-
nérale ; voilà, en peu de mots, les avantages des
conseils de discipline médicaux.
lisse composeraient des neuf médecins les plus
anciens de diplôme paé département 3 le doyen
d’àge présiderait 5 le plus jeune serait secrétaire.
On n’aliouerait aucun traitement à ces conseils 3
ils couvriraient leurs dépenses parles produits des
réceptions des sages-femmes, et ceux des visites
qu’ils feraient chaque année chez les pharma-
/ ciens, les droguistes, etc. Mais alors les profes-
seurs des Facultés se borneraient aux visites de
leurs départemens respectifs 3 mieux vaudrait
qu’ils ne s’en mêlassent pas du tout. Ils auraient
bien assez de l’enseignement et des examens aux-
quels ils seraient plus sévèrement tenus.
200
Tels sont nos vœux les plus ardents , tels doivent
être ceux des vrais amis de lTiumanité.
Nous allons examiner maintenant les moyens
de combattre les affections nerveuses, lorsqu’une
bonne éducation et des lois sages n’ont pu pré-
venir l’invasion de ces maladies.
2. Traitement curatif. — A. Moyens tires du
règne animal. Sans nous attacher aux règles pres-
crites par la matière médicale y nous ferons con-
naître successivement les substances que nous
avons le plus souvent eu occasion d’employer, et
les circonstances où ces substances nous ont paru
convenir davantage.
Il n’existe pas de maladies pour lesquelles on
ait inventé plus de méthodes de traitement que
pour les névroses. Les trois règnes de la nature
ont tour-à-tour été mis à contribution ; et, il
faut le dire, avec bien peu de succès, du moins
pour plusieurs de ces affections contre lesquelles
l’arsenal de la thérapeutique a été souvent inu-
201
tile, et a même produit des effets fâcheux. Que
pourraient, eu effet, toutes les substances indi-
gènes ou exotiques; animales, végétales ou miné-
rales; toutes les opérations de la chirurgie, con-
tre les vésanies ou maladies mentales, par exem-
ple ?
Cantharides. La seule manière d’user de ces
précieux insectes, dans le traitement des affec-
tions nerveuses, est en teinture alcoholique ou
en emplâtre.
On les emploie avec un succès merveilleux dans
les fièvres malignes, dans les névralgies métasti-
ques, ou qui proviennent du transport d’une hu-
meur sur un nerf ou une paire de nerfs ; mais c’est
dans les rhumatismes chroniques, et principale-
ment dans la sciatique, que nous avons eu à nous
louer, soit des frictions avec la solution alcoho-
lique de cantharides, soit des vésicatoires que
nous avons toujours la précaution de saupoudrer
de camphre.
Nous pouvons assurer que, constamment, on
i3
‘202.
vient about de la sciatique par l'application d’un
vésicatoire semblable sur le trajet du nerf du
même nom à l’endroit où il est le moins caché ,
comme le veut Cotugno , c’est-à-dire, sur la tête
du deuxième os de la jambe, le péroné.
On a à se plaindre de ces moyens dans les au-
tres névroses, même dans la paralysie, où ils pa-
raissent être indiqués de préférence à tout autre.
/
Sangsues. Les nerfs peuvent subir l’inflamma-
tion comme les autres tissus de l’économie ani-
male , et, dans ce cas, c’est le névrilème qui en est
le siège. C’est cette inflammation qui constitue
la névralgie proprement dite. Les bons effets que
l’on retire des émissions sanguines dans les dou-
leurs aiguës des nerfs , sont des preuves incontes-
tables de la disposition de ces parties à s’enflam-
mer.
Lorsque ce sont des personnes faibles, délicates,
ou déjà épuisées, qui se trouvent atteintes de né-
vralgie aiguë, les sangsues sont préférables à la
203
saignée générale; mais les émissions sanguines
doivent être abandonnées, si elles n’ont pas fait
cesser la douleur sur-le-champ.
Nous profitons de cette occasion pour blâmer
hautement l’application des sangsues sur le trajet
d’un nerf douloureux ; on a vu des accidens sur-
venir à la suite de cette pratique, la douleur sur-
tout devenir intolérable. Cela se conçoit d’autant
plus facilement, qu’on sait que le premier effet
de la succion opérée par ces annélides est d’attirer
le sang où elle a lieu. Tandis que si les sangsues
sont posées sur une région éloignée de celle où gît
l'irritation , on en retire un avantage réel; c’est
ce qui nous est arrivé mainte fois pour nous-
rnême, qui sommes sujet à différentes névralgies.
Nous déclarons n’avoir jamais vu céder une
gastralgie aux sangsues posées sur l’épigas-
tre, ou région de l’estomac, et nous pouvons
assurer avoir été souvent témoin de l’intensité
plus grande de cette névralgie après cette appli-
cation.
i3,«.
\
204
Castoreum. Cette matière, qui nous est fournie
par l’animal dont elle tire son nom , ne nous a
réussi complètement que dans l’hystérie des fem-
mes faibles. Voici à quelle dose et de quelle ma-
nière nous avons administré la teinture éthérée
de cette substance , que l’alcohol dissout beau-
coup moins bien : de trente gouttes à deux gros
dans une tasse d’infusion de fleurs de tilleul ;
d’un demi-gros à une demi-once, et plus, en lave-
ment , ou en injection dans l’utérus.
Musc. Le musc, dont la médecine est redeva-
ble au cKevrotin ou gazelle d’Asie , à plusieurs
animaux indigènes, à quelques végétaux, et meme
à quelques terres, est un des remèdes les plus hé-
roïques contre les maladies essentiellement ner-
veuses : on s’en sert avec un remarquable avan-
tage contre le tétanos sans complication j ce
qui nous arriva dernièrement à Versailles, sur
un enfant d’une famille très avantageusement
connue. Une sueur considérable s’établit, et le
malade fut sauvé. Le musc, dans cette circons-
tance, fut porté jusqu’à douze grains après en
avoir commencé l’usage par un quart de grain.
Huile animale de Dieppel. Celte liuile, qu’on
obtient de l’esprit de corne de cerf rectifié, ne
nous a réussi qu’une seule fois, contre une pa-
i
ralysic intestinale , à la dose de trente gouttes
dans une potion gommeuse. On aurait tort de
l’employer contre les affections nerveuses actives.
Nous avons vu de grands accidcns résulter de son
administration dans une névralgie faciale.
Ambre gris. Cette matière concrète, fournie
*
par le cachalot , d’après de nouvelles observa-
tions, nous a réussi une fois contre le tétanos sur
une demoiselle de Vienne (Autriche).
Gélatine. Ce principe immédiat des subs-
tances animales est à-la-fois utile, comme aliment
et comme médicament, dans les maladies nerveu-
ses. Outre l’avantage de nourrir, sous un petit
volume , la gélatine a une vertu émolliente qu’on
apprécie en général dans le traitement des affec-
tions spasmodiques des voies digestives ; aussi les-
bouillons de veau, de poulet, de grenouille , de
limaçons, etc., réussissent-ils à tempérer les pro-
priétés vitales de l’estomac, si exaltées pendant
l’irritation de ce viscère.
Lait. Ce fluide animal a été de tout temps em-
ployé contre certaines maladies du système ner-
veux avec épuisement. Galien, Forestus, Fa-
brice de Hilden , ont donné celui de femme ; ce-
lui d’ânesse a été administré avec avantage par
Ancatus, Hoffmann; celui de chèvre, par Hel-
wiigius, Fischer, etc.; celui de vache, parZacu-
tus, etc.
Nous avons obtenu des succès étonnans de la
diète lactée dans le traitement de la fièvre hec-
tique nerveuse : nous ne prescrivîmes d’abord
qu’une petite quantité de ce liquide , nous en
augmentâmes ensuite progressivement la dose,
jusqu’à ce que le malade fut parvenu à ne prendre
que du lait.
Nous avons également été très satisfait du ré-
207
gime lacté dans les convulsions, les sciatiques,
les rhumatismes, et spécialement la goutte, quia
été guérie par l’usage exclusif du lait sur un ma-
re chal-de-camp qui nous honore de son intimité.
Plusieurs personnes de Versailles connaissent la
cure obtenue, par la diète blanche, sur le spas-
modique chevalier que nous avons déjà eu occa-
sion de citer.
Nous ne dirons rien de la ràpure des os du
crâne des personnes mortes subitement, des sup-
pliciés, ou des suicides de préférence ; de la râ-
pure du pied d’élan, de celle de la dent de chè-
vre ; du cerveau desséché et en poudre de quel-
ques animaux, notamment du vautour, du cygne;
de la bile d’ours ; du sang humain que Celsc pré-
conise , etc., etc.; substances plus dégoûtantes
les unes que les autres, et que nous craindrions
d’exhumer de l’abandon ou elles sont si justement
ensevelies, en leur accordant un mot de plus.
b. Moyens tirés du régne végétal. Le nombre
de substances que nous fournit le règne végétal ,
2o8
contre les affections nerveuses, est si considéra-
ble , que nous nous contenterons d’énoncer les
principales.
Térébenthine. Ce suc résineux, que nous de-
vons aux familles des térébentliacées et des coni-
fères, est très utile dans le traitement de quelques
névroses. Son huile essentielle ou volatile a sou-
vent réussi à l’habile praticien, M. Récamier, que
l’on entendra toujours nommer quand il s’agira
de victoires remportées sur la nombreuse cohorte
de maladies qui assiègent l’espèce humaine. Il
faut prescrire cette huile, soigneusement rectifiée
et distillée, à l’alcohol ou à l’éther. Nous n’avons
eu qu’à nous louer de ses effets, dans une enté-
ralgie chronique , et dans plusieurs sciatiques ,
donnée à la dose d’un gros délayé avec un jaune
d’œuf et étendu dans un liquide sucré et aro-
matisé.
Naplite ou pétrole. Distillée à feu nu, cette
substance donne une huile empyreumatique, dont
vingt-quatre gouttes, étendues dans une potion
Qor)
anti-spasmodique simple, ont suffi pour apaiser
une entéralgie chronique et une paralysie de la
vessie, pour laquelle le bas-ventre était également
frictionné avec une demi-once de cette huile.
Au reste, presque toutes les huiles empyreuma-
tiques ont été employées, avec plus ou moins de
succès, dans le traitement des aflèctions spasmo-
diques non aiguës.
Poix et goudron. Ces produits des sapins et
des mélcses sont également utiles dans les ma-
ladies du système nerveux ■ la première , comme
rubéfiante , et en cela elle est préférable aux can-
tharides, parce qu’elle ne cause pas de vésicules et
na point, comme ces dernières, une action di-
recte sur la vessie.
Le goudron , qui ne difière de la poix que par
sa liquidité , nous a été d’un grand secours dans
1 asthme, que nous considérons comme une affec-
tion convulsive des voies aériennes. Nous don-
nons 1 eau de goudron à la dose de deux cuille-
rées dans autant de lait.
210
Roseaux. De tous les roseaux connus, le sue
de Varundo-phragmites, est le seul qui nous ait
réussi à la dose d’une demi-once dans une tasse
d’eau tiède. Nous sommes parvenu, avec ce suc,
à guérir une demoiselle de vingt - cinq ans,
qui présentait une paralysie du membre supé-
rieur droit, et des douleurs convulsives dans le
membre inférieur du même coté.
Baumes. Quelques-uns de ces médicamens ont
été d’une grande utilité dans les maladies ner-
veuses , avec débilité marquée , à cause de leur
vertu fortifiante du système nerveux. On les em-
ploie en vapeurs que l’on inspire à l’aide d’un fla-
con à deux tubulures , dont une est recourbée en
forme de bec, et dirigée dans la bouche, tandis
que le malade facilite l’évaporation du liquide par
l’application de ses mains ou de linges très chauds
sur le flacon ; on peut encore verser une certaine
quantité d’éther sur celle du baume contenu dans
le flacon j la vapeur qui résulte de cette solution
est préférable à la précédente.
Nous nous servons habituellement du baume
21 I
de Tolu, que nous prescrivons aussi intérieure-
ment sous forme de sirop ; voilà pour les baumes
simples : quant aux composés pharmaceutiques,
si improprement nommés baumes, le baume lier -
val , le baume tranquille , le baume apoplectique ,
le baume de vie d’Hoffmann , etc. , ont été sou-
vent utiles dans les rhumatismes chroniques ,
soit intérieurement, soit à l’extérieur, comme
le baume spiritueux de Fioraventi , qui, en fric-
tions, convient si bien dans la paralysie.
Opium. L’opium agit primitivement par son
stimulus ; il produit une excitation , mais qui ne
tarde pas à être suivie de relâchement et de fai-
blesse indirecte; il attaque enfin la vitalité, si on
en fait un trop long tirage. On ne peut cepen-
dant s’empêcher de reconnaître dans celte subs-
tance un des puissans agcns de la médecine anti-
spasmodique. Quand l’opium n’aurait que la
propriété d’appaiser le tourment de la douleur,
il serait encore , sans contredit , une des subs-
tances les plus précieuses de l’art de guérir.
b ne sciatique avait résisté, pendant dix-huit
•1 12
mois, aux traitemens les mieux combinés par les
médecins les plus éclairés de Varsovie. L’officier
polonais, qui souffrait depuis long-temps de cette
affection , s’adressa à un chirurgien-major fran-
çais qui le mit à l’usage des pilules d’opium.
Le malade débuta par en prendre une d’un
grain , et parvint successivement à en avaler
soixante par jour.
Beaucoup de migraines, essentiellement ner-
veuses, ont cédé aux emplâtres opiacés appli-
qués sur les tempes ou derrière les oreilles.
Que l’opium nous vienne de l’Égypte, de la
Perse, de l’Arabie , de l’Anatolie, ou des autres
pays chauds de l’Asie, cela est indifférent, pourvu
qu’il soit dense, amer, et, comme on le dit à
Florence , pourvu qu’en le flairant il fasse venir
le sommeil et se dissolve dans l’eau. Il n’est pas
de notre sujet de nous occuper de ses différentes
préparations ; mais l’opium , nous en sommes
convaincu, donnera lieu à des découvertes ul-
térieures sur sa miraculeuse vertu.
2l3
Digitale pourprée . Celle plante, de la ditly-
narnie angiospermie de Linnée, se rapproche
beaucoup de la précédente, du moins pour sa
manière d’agir. Nous dirons ce que nous avons
remarqué sur les effets de ce végétal, quoique sa
vertu , comme celle de presque tous les médica-
mens, soit encore un mystère.
C’est sous la forme de teinture éthérée prépa-
rée avec les feuilles fraîches, que nous l’avons
employée à la dose de dix goulles, en l’augmen-
tant graduellement jusqu’à soixante, pour le
lombago , X asthme, la toux convulsive, l’épilep-
sie sympathique et une manie dont la cause était
une affection des viscères de l’abdomen.
Nous avons surtout vu guérir plusieurs mélan-
colies (qui portaient un caractère asthénique)
avec l’extrait de digitale pourprée.
Les céphalalgies sus-orbitaires essentielles, et
les spasmes du cœur, ne résistent jamais à l’em-
ploi de la teinture éthérée de digitale, portée
gradathn à haute dose.
Pivoine. Celte plante , de la famille des ellé-
boracées , a réussi quelquefois dans l’épilepsie
sympathique. Il faut donner sa racine en poudre,
depuis dix grains jusqu’à deux gros.
Camphre. Ce produit du laurus camphora de
Linnée (que l’on retire aussi d’un assez grand
nombre de plantes), convient dans les paralysies,
à cause de sa grande vertu stimulante. Plu-
sieurs rhumatismes chroniques, douleurs scia-
tiques, etc., ont cédé au camphre donné en pou-
dre, en le mêlant avec du sucre, en frictions et
en lavemens. Nous l’avons vu agir très efficace-
ment contre une angine de poitrine purement
nerveuse. Il fut donné à la dose d’un gros dis-
sous dans un peu d’éther, et étendu ensuite dans
une potion gommeuse; mais la maladie ayant
résisté, le médecin lit appliquer un large vési-
catoire camphré au milieu des épaules. Il était
pansé deux fois par jour avec du cérat couvert
de camphre en poudre. Le malade, qui aupara-
vant avait été soumis en vain à différentes appli-
cations de sangsues ou saignées générales , fut
totalement rétabli.
I
2
Belladone. A trop a belladona de Linnée; ce vé-
gétal agitcomme l’opium; mais il est évidemment
supérieur à celui-ci contre la coqueluche, qui n'est
qu’une toux convulsive. Il faut donner la bella-
done à la dose d’un demi-grain de sa racine en
poudre dans une tasse de lait, en augmcntantsuc-
cessivement jusqu’à trois grains pour les enfans,
et quelquefois jusqu’à vingt pour les adultes.
Morelle à fruits noirs. Solanum nigrum de
Linnée. On est parvenu à calmer entièrement un
tic douloureux de la face avec des cataplasmes de
ce végétal. Cette affection avait résisté à tous les
autres moyens connus.
Douce amère. Nous avons vu retirer les mêmes
avantages de ce solanum dulcamara de Linnée ,
administré de la même manière, dans le traite-
ment d’une névralgie sus-orbitaire.
Galbanum. Nous avons été témoin du succès
de ce produit végétal dans le traitement de plu-
sieurs hystéries et entéralgies ; le suc de ce bubon
galbanum de Linnée était employé en fumiga-
tions; dans une autre circonstance ce suc fut
donné en pilules , et avec avantage, contre l’hypo-
condrie, à la dose de dix grains par jour.
Assa fœtida. Cette gomme résine que nous
fournit le ferula assa fœtida de Linnée, réussit
presque constamment dans les névroses utérines
et dans l’asthme; mais il faut la donner en injec-
tions ou en lavemens dans les premières , et en fu-
migations dans le dernier.
Valérianes. L’action de ces plantes sur le sys-
tème nerveux, leur a acquis une réputation mé-
ritée.
C’est surtout dans l’épilepsie sympathique
qu elles ont réussi. Elles ont également eu quel-
ques succès dans la plupart des affections nerveu-
ses; mais il fautles donnera très hautes doses, après
avoir commencé par la plus faible. Nous avons
fait prendre jusqu’à deux onces de racine de va-
lériane en poudre (en vingt-quatre heures), dans
la catalepsie.
2i7
Quinquina . Ce végétal e^t préconisé , à juste
titre, comme anti-périodique, mais il réussit
rarement dans les névroses qui affectent même ce
caractère. S’il vient à bout de quelques unes de
ces maladies, c’est qu’elles sont entièrement as-
théniques, puisque cette substance tient ie pre-
mier rang, parmi les toniques, à cause deson éner-
gie permanente.
*
Jusquiame noire . Hyoscjamus niger , de Lin-
née. Ce poison narcotique a eu des succès contre
quelques névroses, notamment contre l’hypocon-
drie. On peut le donner en extrait à la dose d’un
gros, dissous dans une once d’eau de fleurs de
camomille; on en prend dix gouttes par heure , en
augmentant de quatre gouttes chaque fois, comme
le conseille un médecin allemand, M. Breiting.
Stj amoine. B) atui'a stramonium , de Linnée; de
la famille des solanées. Nous avons vu donner ,
avec avantage, l’extrait de ce funeste poison à la
dose d’un graiq dans l’épilepsie sympathique et
la mélancolie. La fumée de la racine de cette
ê
218
plante réussit souvent contre l’asthme; nous
avons été témoin de son efficacité , dans ce
cas, mais il faut y avoir recours au moment de
accès.
Acide prussique ou hj dro-cy unique . Cet acide,
dont nos chimistes les plus habiles ont constaté le
siège dans certains végétaux, est peut-être le poi-
son le plus subtil que l’on connaisse, mais aussi
un des plus puissans agens de la médecine anti-
spasmodique.
Nous l’employons souvent dans l’épilepsie idio-
pathique , et voici comment : nous commençons
par une goutte de cet acide dans une cuiller à
bouche d’eau fraîche. Nous augmentons chaque
jour d’une goutte d’acide et d’autant d’eau ,
jusqu’à ce que le malade se plaigne de vertige ,
d’étourdissement, de constrictions à la poitrine,
d’envie de vomir, d’oppression, de céphalalgie
ou de défaillance. L’un de ces phénomènes suffit
pour nous faire rétrograder ; nous recommençons
ensuite par une goutte.
2I9
Les accidens nouvellement produits par le
Datur a stramonium et l’acide prussique, prouve-
raient encore, s’il était nécessaire, qu’une bonne
loi sur la police médicale est indispensable. Les
quiproquo des apothicaires, et le zèle trop ardent
de quelques docteurs, ont besoin d’un frein.
Le Codex lui -même n’est point exempt de
reproche, et peut-être que, sans lui, un médecin
de la plus haute espérance, et que recommandent
oyé
le toxique Je plus délétère avec autant de con-
fiance. *
Arnique. Nous n’avons euoccasion d’employer,
qu’une seule fois, l’infusion de fleurs d’ Arnica
montana, deLinnée. C’était contre l’astlime; elle
parvint à en éloigner les accès. Celte plante est
très énergique; mais nous ne pensons pas qu’elle
ait de grandes vertus anti-spasmodiques. On
1 emploie souvent dans les paralysies; c’est bien
là où elle peut-être utile.
(juî de chêne . Le gui est en général une des
toutes les qualités sociales, n’eût point empl
Qi>0
plantes parasites de la Diœcie té tan ch -i e, de Linnée;
elle a réellement réussi contre quelques épilep-
sies. L’écorce de ce végétal en poudre, à la dose
de deux gros dans une tasse d’infusion de fleurs
d’oranger , est parvenue à guérir radicalement un
enfant de six ans, d’une épilepsie sympathique.
\
Moutardes. Ces plantes, de la Tétradjnamie
siliculeuse , de Linnée, sont des stimulans du
premier ordre, et c’est sous ce rapport quelles
conviennent dans quelques paralysies ou névrosés
asthéniques , contre celle de la langue , par
exemple, pour laquelle on fait mâcher, avec un
succès vraiment extraordinaire, la semence de
ce végétal stimulant. Quelques médecins anglais
font aujourd’hui une panacée universelle de la
graine de moutarde blanche ; nous sommes porté
à croire que cette substance n’a pas les vertus que
ces enthousiastes lui attribuent.
9
Dictante. Les médecins et les poètes de l’anti-
quité ont tour-à- tour chanté cet Origanum Dicta- -
mus, de Linnée. Il modère, par l’infusion aqueuse
V.2I
de scs feuilles , l’irritation nerveuse, sans laisser
après son action aucun des effets de l’opium, du
camphre, etc.
Bue. Cette plante de la Dècandrie monogjrnie,
de Linnée, réussit quelquefois dans l’hystérie ,
sous forme de poudre de ses feuilles à la dose
d’un scrupule à un gros, et en cataplasme sur le
bas~\ entre.
Narcisse. Ce végétal de l' Ile ocandrie mono -
g y nie j de Linnée , est souvent utile dans les
névroses. C’est surtout l’infusion des feuilles du
narcisse sauvage qui a réussi dans la coqueluche.
Succin ou Ambre jaune. C’est une substance
résineuse que les anciens faisaient provenir du
suc des pins, sapins, etc., et que les modernes
regardent comme un bitume qui découle du sein
de la terre dans la mer. Cette matière, que nous
nous sommes souvent plu à pécher dans la
Baltique, est d’une grande utilité dans certaines
névroses ; on la donne en teinture élhérée , de-
9.22
puis un scrupule jusqu’à un gros. Une hystérie,,
d’une intensité rare, a cédé à l’emploi de ce
médicament, porté à deux gros.
Ellier suif urique. Il est éminemment utile
dans l’asthme, et dans toutes les affections con-
vulsives. Nous préférons l’employer en le faisant
respirer au moyen du petit appareil dont nous
avons déjà parlé. Introduit dans l’estomac, cet
éther peut facilement irriter la membrane mu-
queuse de ce viscère.
Éther acétique. Les lavemens et les bains de
siège, contenant une certaine quantité de cette
combinaison de l’alcohol avec l’acide acétique,
ont parfaitement éteint des coliques spasmodi-
ques contre lesquelles tous les autres caïmans
avaient échoué. Mais c’est à l’extérieur qu’on
est plus satisfait de cet éther, et qu’on est moins
inquiet sur son action. Nous l’avons employé
jusqu’à la dose de deux pintes pour un bain
général, il faut verser l’éther lorsque le malade
est dans l’eau, et ne laisser séjourner celui-ci,
dans le bain, qu’un quart-d’heure ou une demi-
heure au plus.
Jalap. Le convolvuhis jalapade la penlandrie
mono g y nie, de Linnée, est comme tous les au-
tres purgatifs drastiques (violens) qui combat-
tent avec efficacité les paralysies, l’idiotisme, etc.
Nous pouvons assurer avoir vu disparaître en-
tièrement celle dernière affection chez une jeune
personne, en réitérant, pendant un an, tous les
deux jours, la résine de jalap à dose appropriée
à 1 âge et au tempérament de la malade.
11 est rare que ces moyens ne réussissent pas
dans les rhumatismes chroniques. Le vomi-pur-
gatif Leroy doit à cette vertu drastique la vogue
qu’il s’est acquise dans les classes même les plus
élevées de la société. L’Académie Royale de
Médecine n’en a pas moins agi très sagement en
défendant le débit de ce poison tel qu’il avait,
lieu -, ce corps , vraiment savant et phiJantrope ,
aurait du en faire autant pour détruire l’abus que
l’on fait d’une méthode , non moins meurtrière ,
puisqu'elle tend à diminuer , souvent sans raison 7
la propre substance de la vie.
Nous pensons, avec un médecin du premier
mérite, que les doctrines médicales ne peuvent
ctre bonnes qu’autant qu’elles sont basées sur
des faits incontestables, et expérimentées avec
franchise et loyauté.
Il serait inutile d’entrer plus avant dans la vaste
série des moyens qu’offre le règne végétal à la
curation des névroses. Plusieurs produits de ce
règne sont ou dans l’oubli, ou jouissent de trop
peu d’importance pour figurer ici.
c. Moyens tirés du règne minéral. Ammo-
niaque. L’ammoniaque liquide ou alcali volatil
que l’on retire ordinairement du muriate d am-
moniaque ou sel ammoniacal, est un puissant
remède contre plusieurs névroses. Une amaurose
et de violentes palpitations nerveuses du cœur
ont cédé, au bout de huit jours, à six gouttes
d’ammoniaque liquide, prises dans un verre d’eau
fraicho chaque matin à jeun.
2 9.3
Soufre. Nous avons vu ce corps simple et si
répandu dans la nature , guérir quelques affec-
tions asthmatiques, goutteuses et même hystéri-
ques anciennes. Il faut le prendre par cuillerée ,
une fois par jour , et pendant six mois au
moins.
r
Emétique. L émétique ou tartrite antimonié
de potasse, parce qu’il est composé de tartrate
d’antimoine et de tartrate de potasse, est sou-
vent efficace dans le traitement de l’épilepsie.
Stoll, Tissot, Tourtelle, ont guéri cette affection
par ce moyen. Il est rare que la migraine ne soit
pas enlevée par l’action de l’émétique. Ce sel est
également puissant, dans certains rhumatismes,
par la diaphorèse générale qu’il provoque , et
dans 1 amaurose , par la secousse qu’il imprime
au système nerveux, secousse qui ranime les nerfs
optiques.
Le célèbre Desault, dans les dernières années
de sa vie, avait abandonné le trépan en faveur
de F émétique, dans le traitement des plaies de
tète.
Fer. Nous avons vu guérir, par cet agent, une
jeune dame hystérique qui éprouvait des trem-
blemens ,des membres. On n’a employé dans
cette circonstance , que le chocolat ferré, qui se
prépare en introduisant un gros de limaille de
fer porphyrisée dans une livre de chocolat.
Aimant. C’est par sa vertu magnétique que
cette mine de fer agit sur le système nerveux.
Nous avons donné la pierre d’aimant, à la dose
d’un demi-gros dans une tasse d’infusion de feuil-
les d’oranger, répétée pendant six mois, et nous
sommes parvenu à arrêter un vertige ténébreux
qui existait depuis deux ans.
*• i
Zinc. C’est l’oxyde de ce métal, ou (leurs de
zinc , que l’on emploie particulièrement pour
combattre les convulsions des enfans. L’oxyde de
zinc agit d’une manière étonnante sur le cerveau.
Nous avons vu guérir deux jeunes hiles, lune
327 /
hystérique, et l’autre affectée de la danse de Sairrt
Guy , en portant l’usage des fleurs de zinc jusqu’à
cent grains par jour, et toujours gradatim.
Un épileptique a été soulagé, en saupoudrant de
cet oxyde , la surface d’une large plaie produite
au bras gauche par un vésicatoire.
Cuivre . Si cette substance métallique est un
poison violent, elle est aussi, à doses réfractées,
un puissant excitant du système nerveux. INous
avons obtenu quelques succès de la solution du
sulfate acide de cuivre, chez des hypocondriaques
et des épileptiques, mais il faut l’employer avec
une grande circonspection. Une épilepsie idiopa-
thique a cédé au sulfate de cuivre ammoniacal.
On doit en commencer l’usage par un huitième
de grain, et aller successivement jusqu’à dix
grains, pour ne point éprouver d’accident.
Plomb. Ce métal, dont la mine est si répandue,
ne nous a réussi que dans les névroses utérines.
C’est le sel de saturne ou l’acétate de plomb des
chimistes , que nous avons mis en usage, en
228
commençant par une goutte jusqu’à dix, dans
une potion anti-spasmodique simple.
Argent. La seule préparation de ce métal,
recommandée dans les névroses , est le nitrate
d'argent fondu ou pierre infernale. Nous l’avons
souvent employé contre l’épilepsie, et non-seu-
lement il n’a produit aucun bien, mais il a
donné lieu à des phénomènes étranges, ou à des
accidens terribles. Plusieurs personnes atteintes
de cette maladie, après avoir pris assez long-
temps des pilules de deux grains de ce sel, ont
aperçu sur-le-champ, et conservé pendant quel-
ques jours, une teinte bleuâtre du visage. Nous
sommes même si habitué à ce phénomène, que
le dernier épileptique qui fut soumis à notre
examen, présentait cette singulière circonstance.
Nous lui demandâmes aussitôt s’il avait pris de la
pierre infernale, il nous répondit : « beaucoup. »
Un autre malade avait éprouvé une telle inflam-
mation des organes digestifs, qu’a près un an de
traitement, il se trouvait encore dans 1 impossi-
bilité de prendre autre chose que du lait. Presque
229
constamment les accès d’épilepsie se rappro-
chaient par i’elFet du nitrate d’argent fondu.
Or. Une névralgie frontale , très rebelle , a
cédé à l’action du muriate d’or, donné en pilules,
depuis un grain jusqu’à six. Ce sel n’est autre
chose que la combinaison de l’or avec l’acide
muriatique 5 combinaison qui porte aujourd’hui
le nom de chlorure d’or.
Phosphore. Ce corps, que l’on trouve dans les
trois règnes de la nature, est souvent utile dans
les névroses. Sa solution éthérée à la dose de
vingt gouttes sur un morceau de sucre, réussit
quelquefois dans la mélancolie; mais il faut ré-
péter celte dose deux fois par jour, et pendant
plusieurs mois.
Eaux minérales prises en boisson. Ces eaux
n’agissent pas souvent avec avantage sur les af-
fections du système nerveux. On ne peut cepen-
dant contester l’efficacité de plusieurs d’entr’el-
les, qu’elles doivent peut-être à l’influence du
ü3o
changement d’air et de son extrême pureté ;
du voyage, delà distraction, de la beauté du
ciel, de la variété pittoresque des sites ; mais c’est
surtout sous forme de bains et de douches , que
ces eaux sont utiles dans les maux dont il
s’agit.
d . Moyens curatifs appliqués à la surface exté-
rieure du corps. Bains tièdes. Ils conviennent in-
finiment aux affections des nerfs des enfans et des
femmes dont ces organes sont très délicats et très
sensibles. Ces bains suffisent pour calmer des
névralgies qu’on a vainement attaquées par des
substances très actives. Nous donnons depuis
long-temps des soins à une demoiselle vivement
tourmentée par une névralgie de la cuisse gauche,
qui a résisté à tout, excepté aux bains tièdes pris
pendant trois ou quatre heures par jour * aujour-
d’hui les vaisseaux extérieurs du membre se gon-
flent peu à peu, la jambe se détend, le pouls
est plus plein, il bat régulièrement ; le visage se
colore, on y remarque une légère moiteur , et le
sommeil commence à s’emparer de la malade.
Bains chauds, il est rare que les bains chauds
généraux conviennent dans le traitement des
névralgies, puisqu’ils produisent eux-mêmes des
syncopes, des migraines, des vertiges, des car-
dialgies (spasmes douloureux de l’orifice supé-
rieur de l’estomac), le hoquet, des convulsions.
Manuluves et pédduves. Ces bains opèrent des
effets merveilleux quand on y a recours pour les
douleurs spasmodiques de la tête, pour l’asthme,
les palpitations du cœur, les fièvres nerveuses ,
etc. ; mais il faut avoir la précaution de se tenir
debout dans les pédiluves très chauds. Voici ce
qui nous est arrivé à ce sujet. Une dame, tour-
mentée depuis long-temps par une liémi-cranie ,
n’obtenait rien des bains de pieds , très animés,
qu’elle prenait étant assise. Vous lui conseillâmes
de les prendre debout; elle fut aussitôt soulagée.
Cette manière tendrait-elle à faire circuler plus
facilement le fluide nerveux, ou le pédiluve se-
rait-il enfin dérivatif de ce fluide qui affluait vers
la tête, comme cela arrive fréquemment au sang?
Nous sommes d’autant plus porté à penser ainsi,
a 32
que la malade est très pçu sanguine ; qu’au mo-
ment de ses plus grandes douleurs la figure reste
pâle, et que les pulsations des artères sont natu-
relles. Cette dame a eu d’ailleurs des sangsues à
foison, subi plusieurs saignées, et n’en a été que
plus souffrante.
Nous pensons que les manuluves doivent être
préférés aux bains de pieds pour les névroses de
la poitrine, tandis que pour celles de l’encéphale,
ces derniers sont bien supérieurs ; une violente
angine de poitrine a cédé promptement à l’usage,
long-temps continué, des manuluves, après avoir
résisté aux bains de pieds, aux larges saignées, etc.
Fomentations. Elles sont sèches ou humides.
Les premières, qui se composent de sel, de cen-
dres , de sarment, de laine ou de linge, etc. ,
convenablement échauffés, réussissent dans pres-
que toutes les névralgies des articulations.
Les fomentations humides , que l’on prépare
avec des substances émollientes, s’emploient avec
assez Je succès dans les rhumatismes chroniques,
c’est un bain tiède dont la continuité est inap-
préciable.
Bains de sable. Il nous ont été d’un grand
secours dans la sciatique. Un de nos malades ,
aussi heureux que l’empereur Auguste , a été
radicalement guéri de cette maladie par ces bains.
Il faut que le sable soit échauffé par les rayons du
soleil , sur le bord de la mer ou d’une rivière. On
peut remplacer le sable par le son, les feuilles
de l’aune, ou des cendres, que l’on emploie de
préférence aujourd’hui pour rappeler les noyés
à la vie.
Bains de vapeurs. Ces bains, moins efficaces
dans les affections nerveuses que dans celles de la
peau, sont néanmoins très avantageux dans les
névralgies articulaires. Les roideurs de ces par-
ties ne résistent guère à l’usage de ces bains. Nous
avons vu, en Russie et en Suède, les bains de va-
peurs être un des besoins du peuple. On en trouve
dans presque chaque village. Cette précaution
i5
234
parait être appropriée au climat, qui tient la libre
musculaire dans un état de rigidité permanente.
Que ces bains soient artificiels ou naturels, sim-
ples ou composés, ils n’en agissent pas moins de
même pour les maladies nerveuses.
Bains de gélatine. De tous les bains composés
que la médecine emploie, contre les névralgies,
nous n’en connaissons pas de plus essentiellement
utiles que ceux de gélatine. Le meilleur moyen
de les préparer est de se servir d’une certaine
quantité de tripes (viscères de bêles à cornes),
que l’on fait bouillir. Ces bains conservent long-
temps leur chaleur , et ramollissent d’une ma-
nière particulière les parties soumises à leur ac-
tion. C’est par ces. moyens que plusieurs enté-
ralgies ont été apaisées.
I
Bains froids. Nous ne reconnaissons Futilité
de ceux-ci que pour les maladies nerveuses qui
affectent particulièrement le cerveau ou ses en-
veloppes. Le froid est en général ennemi des nerfs,
comme le disait Hippocrate; aussi est-d rare
qu’une autre affection nerveuse, que celle de l’en-
céphale, se trouve bien de l’application du froid.
Il diminue, par son influence, le stimulus de la
chaleur, faction des vaisseaux, l’énergie des
sensations de l’organe cérébral, et chasse , pour
ainsi dire, les fluides qui se sont portés vers ce
viscère par l’eflèt de l’incitation. On ne se trouve
jamais mieux du bain froid que lorsqu’on y entre
la tète la première. ÏNous avons vu guérir un
maniaque et une mélancolique, par le seul usage
de ce moyen. On connaît le bon effet de la glace
sur la tête dans les lièvres ataxiques (malignes).
Il nous fut prescrit en Autriche, pendant la
campagne de 1809, de combattre par les bains
froids les nombreuses affections tétaniques qui
se manifestèrent parmi les blessés ; plusieurs en
obtinrent d’heureux résultats.
Les bains d’eau de mer nous ont souvent
réussi dans l’hypocondrie et l’hystérie; ils agis-
sent plutôt par le mouvement que l’on s’y donne
et leur vertu réfrigérante, que par le sel qu’iL
236
contiennent , qui cependant peut augmenter la
propriété excitante.
Bains de surprise. On les a recommandés
contre quelques vésanies, l’épilepsie, etc., quoi-
qu’on ait vu des accidens affreux résulter de
leur emploi. Faudrait-il, parce qu’un fou se sera
guéri en se jetant par la fenêtre, avoir recours
à des moyens semblables pour d’autres aliénés?
Bains d’eaux minérales. Les eaux minérales,
employées sous forme de bains, n’ont d’autre
action que celle des bains ordinaires. Cepen-
dant les bains salins, tels que ceux de Balaruc ,
de Bourbonne-les-Bains, etc., méritent quelque
préférence comme plus excitans.
Douches. Les douches, qu’elles soient com-
posées d’eau acidulé, ferrugineuse, sulfureuse, etc.,
n’agissent que par la percussion continuellement
renouvelée quelles exercent à la surface de la
peau, à moins que les substances dissoutes n’aug-
mentent la' force de cette percussion. Nous avons
l’expérience que les douches d’eau chaude ont
dissipé des douleurs articulaires invétérées , des
sciatiques, des rhumatismes chroniques, etc.
Des paralysies ont cédé à l’usage des douches sa-
lines, après avoir résisté aux vésicatoires, aux
moxa. Nous sommes certain que la douche as-
cendante , introduite par l’ouverture vaginale ,
a remédié à des hystéries très anciennes.
Il est des rhumatismes qui ne résistent guère
aux douches froides ; ce sont les rhumatismes
aigus, à cause de la soustraction du calorique
qu’ils opèrent promptement, soustraction qui
diminue la force de la puissance incitante.
Boues. Les boues conviennent également dans
quelques cas de paralysie des membres, et dans
les rhumatismes chroniques. Celles de Saint-
Amand ont combattu , avec le résultat le pi us
satisfaisant, une sciatique que rien n’avait pu
détruire. Celles de Bagnères-de-Luchon ont mis
lin à une hystérie jusqu’alors très opiniâtre.
Les boues ferrugineuses , comme celles de
1
238
Saint-Àmand, et les sulfureuses, comme celles
de Barèges, sont les plus fructueuses dans le
traitement des névroses.
Frictions 3 Massage et Tractions. Si les per-
sonnes rliumatisées pouvaient s’imaginer de
quelle utilité sont ces moyens dans le traite-
ment de ces alfections chroniques, surtout lors-
qu’elles sont fixées sur les articulations ; si ces
personnes avaient la patience nécessaire pour
employer assez long-temps ces agens vraiment
puissans , elles auraient rarement besoin d’avoir
recours à d’autres procédés. Nous avons vu beau-
coup de névralgies articulaires disparaître par
des frictions faites seulement avec de la flanelle
ou une brosse douce.
Le massage, si usité chez les peuples de l’O-
rient, est une des armes les plus propres à com-
battre beaucoup de névralgies. Un médecin a
guéri un tétanique, en le faisant pétrir vivement
au sortir d’un bain de gélatine où il était resté
quatre heures. Le massage est encore d’une
5.3g
grande ressource dans les rhumatismes articu-
laires chroniques. La traction des articulations,
dans les rhumatismes, est un moyen inappré-
ciable.
Un général polonais, atteint de paralysie des
extrémités inférieures, nous consulta apres la
bataille de F riedland. Nous reconnûmes que cette
affection n’avait pas sa source dans une lésion du
cerveau j les articulations étaient roides et pres-
qu’ankylosées; un domestique vigoureux et très
attaché à son maître , saisissait matin et soir les
articulations du malade avec les mains graissées
de moelle de bœuf, les massait et les faisait cra-
quer chaque fois cinq minutes de plus. Cette
manœuvre dura près de six mois, au bout des-
quels le général commença à marcher avec des
béquilles, et plus tard sans aucune espèce de se-
cours. Pendant le jour deux espèces d’attelles ar-
ticulées entretenaient ou plutôt forçaient les
articulations des genoux et des pieds à quelques
mouvemens d’extension et de flexion.
Flagellations. Cette pratique , si usitée en
.Russie, a aussi son mérite. C’est particuliére-
ment dans les paralysies des membres, que ces
moyens sont vraiment curatifs, en réveillant la
sensibilité animale, d’abord de la peau , et par
suite des parties sous-jacentes.
Il est une mélancolie dont il est inutile de faire
connaître la source à tous nos lecteurs , et que
les médecins ont déjà devinée, contre laquelle
la flagellation est d’une utilité reconnue.
L’observation suivante donnera une idée pré-
cise de l’importance de la flagellation dans beau-
coup de maux de nerfs, surtout dans les va-
peurs hystériques.
Une jeune femme de Berlin éprouvait assez
fréquemment des spasmes violens accompagnés
de perte de connaissance, de soupirs, de gémis-
semens, etc . Logé chez cette dame, nous fûmes ap-
pelé pourla secourir. Peuexpérimenté encore dans
l’art de bien distinguer les causes et d’apprécier
les véritables moyens dérivatifs de ces affections
du genre nerveux , nous eûmes tout bonnement
recours aux potions anti-spasmodiques les plus
promptement agissantes, mais sans résultat sa-
tisfaisant. Enfin, nous commencions à nous af-
fliger sur le sort de la malade, lorsque son mari
arriva ; et s’armant d’un paquet de roseaux, il nous
dit en langage tudesque : « Éloignez-vous, lais-
sez-moi faire. » Fustigeant aussitôt la figure, les
mains, les pieds de sa pauvre moitié, il la fit
revenir en quelques minutes, ce que nous n’avions
pu faire depuis près de quatre heures. Beaucoup
de dames françaises sont disposées d’avance à
blâmer ce procédé ; mais nous leur dirons que la
flagellation est un moyen thérapeutique comme
un autre, et que ce mari était un chimiste dis-
tingué de la capitale de la Prusse.
Ventouses. Les ventouses sèches, qui ser-
vent seulement à rubifier la peau ou à exciter
les vaisseaux capillaires, sont très utiles pour com~
battre les rhumatismes musculaires.
Les ventouses scarifiées opèrent des prodiges
dans le lombago , les névralgies des hanches, de
l’épine. Nous avons constamment employé ces
ventouses, avec plus ou moins de réussite, en
les appliquant sur l’épigastre pour les gastral-
gies , et sur le ventre pour les entéralgies.
Cautères et sétons. Les cautères conviennent
clans beaucoup de maladies nerveuses ; mais il
faut les poser loin de l’endroit de la douleur ou
de l’organe qui est le siège de la névrose. Nous
avons vu guérir, par des cautères établis aux
cuisses , des asthmatiques qui ne comptaient
guère sur leur rétablissement.
LTne céphalalgie très intense a cédé miracu-
leusement à l’application d’un cautère au bras
gauche : cet exutoire, précédemment établi à la
nuque, n’avait rien changé à l’état du malade.
Pour les affections des nerfs, ces moyens doi-
vent être préférés aux vésicatoires.
Le cautère est potentiel , quand il n’agit que
quelque temps après son application. On dit
»
a43
que le cautère est actuel , lorsque son action
est instantanée; l’action du feu, par exemple,
soit par un métal rougi à blanc, ou tout autre
corps igné.
Quant aux sétons, ils ne sont pas préférables
aux cautères dans le traitement des névroses.
Mooca. Les Japonais elles Chinois, à qui nous
devons ce puissant moyen de guérison de beau-
t
coup de névralgies , le préparaient avec des
feuilles d’armoises réduites à une espèce de du-
vet. On a perfectionné le 1 noxa : que n’a-t-on
pas perfectionné ?
Sans énumérer les différentes substances em-
ployées; abandonnées et reprises, nous dirons
que le mooca est héroïque dans les maladies arti-
culaires compliquées de névralgie.
Un officier de la garde royale, jeune homme
d une constitution robuste, reçoit plusieurs coups
de pied de cheval sur le genou droit. Peu de
î>44
temps après la dernière percussion , douleurs
sourdes dans l’articulation , augmentant bientôt
d’intensité. Le malade marche avec peine; une
année se passe dans cet état de choses qui semble
en stagnation. Au bout de ce temps , une chute
sur ce genou renouvelle et rend les douleurs plus
vives. Le blessé en éprouve une qu'il dit s’é-
tendre dans toute la longueur du membre.
Le médecin traitant reconnaît plus positive-
ment un gonflement énorme de l’articulation,
qui n’avait point encore fixé son altention. Des
sangsues, des onguens, etc. , sont les moyens
préférés. Les mouvemens deviennent si difficiles
et les douleurs si fortes, que ce malheureux offi-
cier est contraint de garder le lit.
Un autre médecin est appelé : il examine at-
tentivement la partie affectée, qui lui offre un
engorgement considérable dans tout le pourtour
de l’articulation , et des douleurs atroces, même
pendant le repos le plus absolu.
Le moxa est proposé sur-le-champ, et, sans
\
245
désemparer , une pyramide de coton est brûlée
sur le genou même. La névralgie disparaît aus-
sitôt. Tous les jours nouveau moxa. Le malade
en a eu jusqu’à trente-six. Au deuxième, il al-
lait de son lit à la salle à manger. Il est bien au-
jourd’hui ; mais le moxa n’ayant pu faire dispa-
raître le gonflement osseux , le malade boite ,
toutefois sans douleur et sans béquilles.
/
Ce fait, et mille autres que nous pourrions
citer, doivent suffire pour constater l’efficacité
du moxa dans les névralgies articulaires, et,
qu’avec moins de science, plus de jugement,
et point de système exclusif, on guérit souvent,
quoi qu’en disent quelques novateurs dangereux.
Electricité. Nous voilà arrivé à la pratique la
plus salutaire dans le traitement des névroses.
Les espèces de tic, les crampes, les tétanos,
les différens tremblemens, la danse de Saint-
Guy , 1 asthme , les paralysies , la goutte sereine ,
la surdité, le mutisme, etc., trouvent, dans
l’électricité , un moyen aussi prompt que cer-.
lain ; mais il ne faut y avoir recours, dans les
rhumatismes aigus surtout, que lorsque la fièvre
a cessé. On isole alors le malade, et on le met
en communication avec le conducteur de la ma-
chine électrique par la partie alléctée de rhu-
matisme, puis on présente une pointe au côté
opposé de cette partie. Par ce moyen on oblige
la masse du lluide électrique à la traverser.
Cette méthode convient lorsque les personnes
sont faibles; si elles sont fortes, il faut préférer
le bain électrique, les étincelles, les commo-
tions , dont on augmente progressivement l’é-
nergie.
Nous avons vu guérir une odontalgie , en ti-
rant le lluide électrique de la dent malade, au
moyen d’une pointe ; et le vertige, en frappant de
commotions alternatives les deux tempes et le
sommet de la tête. Nous reviendrons au bien-
fait du fluide électrique, dans les maladies ner-
veuses , lorsqu’il sera question de l’épilepsie.
Magnétisme animal. Le magnétisme animal
(levait naturellement trouver ici sa place; car ce
n’est que dans le traitement de quelques né-
vroses que cet agent est certainement avanta-
geux. On ne peut pas plus nier ses effets, qu’il
n’est permis de mettre en doute l’existence du
galvanisme. Le magnétisme animal n’est autre
chose que la faculté de réduire un phénomène
électrique qui se développe, dans l’économie ani-
male, par l’action exclusive des nerfs.
Ce phénomène a plus ou moins lieu dans
chaque individu. Les tempéramens nerveux y
sont plus particulièrement exposés. On doit donc
pouvoir (et l’expérience l’a démontré) diminuer
son exubérance, comme on rend moins a bon-
dans, par les moyens connus, la bile, le sang,
la lymphe, etc.
Mais pourquoi faut-il tant agir sur l’imagi-
nation pour magnétiser avec succès? Nous ré-
pondrons : Quel est le malade qui n’exige pas
que son médecin lui inspire de la confiance?
Quel est celui qui se décidera à prendre un nié-
248
dicament pour lequel il aura conçu de l’aver-
sion? Eh! bien , si le magnétisme animal a un
plus grand besoin d’être secondé par la foi de la
personne qui réclame ses secours , c’est que le
trouble de l’imagination est un des principaux
symptômes des affections produites par la sur-
abondance du fluide nerveux. Ainsi le magné-
tisme animal agit aussi efficacement dans le trai-
tement de certaines maladies nerveuses, que la
saignée dans celui des inflammations aiguës ,
l’émétique dans les embarras gastriques, les to-
niques dans les affections lymphatiques, etc.
Mais, nous dira-t-on encore, on peut abuser
du magnétisme animal , et cet abus deviendrait
plus funestement contraire aux mœurs. De quoi
ne peut-on pas abuser? La superstition nous
fcra-t-elle renoncer à la religion ? le philoso-
phisme à la philosophie ? le physiologisme à la
physiologie? Persuadons-nous bien qu’il n’existe
pas de panacée universelle; mais ne repoussons
aucun moyen de soulager nos semblables, sur-
tout lorsque des faits, tels que le suivant , attes-
tent que rien n’est à dédaigner en médecine.
249
Une dame de beaucoup d’esprit, regrettant
trop amèrement d’autres avantages, est tout-à-
coup frappée de monomanie . ElJe passe deux an-
nées à consulter un nombre considérable de mé-
decins, et à suivre leurs conseils. N’en obtenant
aucun soulagement, elle a recours au magné-
tisme animal, il lui est administré par un mon-
sieur avec lequel elle n’est nullement en rapport;
aussi n’en éprouve-t-elle que peu ou point de
bien. Une dame pleine de douceur, de charité,
de volonté, autant que d’autres qualités dignes
d’une destinée plus heureuse, est proposée à la
malade pour en recevoir l’influence magnétique.
Aussitôt il s’établit, entre ces deux êtres éga-
lement intéressans , une sympathie tellement
étroite, qu’à la première séance la malade se
trouva calmée au point de ne pouvoir plus se sé-
parer de sa bienfaitrice; mais celle-ci ayant été
trop fatiguée, il lui fut recommandé de renon-
cer à la pratique du magnétisme.
Cette décision fut annoncée à la malade, qui
en fut sensiblement affectée. Elle continua à faire
16
25 O
de fréquentes visites à celle auprès de laquelle elle
trouvait encore un baume à ses souffrances. Sym-
pathie , antipathie, dira-t-on : soit, mais niera-
t-on l’évidence ? Encore une fois, que le ma-
gnétisme animal agisse mécaniquement ou mo-
ralement, il n’en est pas moins prouvé , pour
nous (et rien ne changera notre opinion à cet
égard), que cet agent fait circuler ou sortir le
fluide nerveux. Nous citerions d’autres observa-
tions plus concluantes que celle-ci , si nous ne
nous étions imposé le devoir d’être concis.
Phlébotomie. La phlébotomie est sans doute
l’anti-spasmodique par excellence chez les sujets
nervoso-sanguins. Certaines névralgies sympto-
matiques cèdent également à cette opération.
Par exemple, les convulsions qui dépendent d’une
irritation cérébrale, les spasmes qui accompa-
gnent quelquefois les fièvres d’accès malignes, etc.
Acupuncture. On aurait tort d’abandonner
cette opération , si salutaire dans beaucoup de
névroses. 11 est rare que la paralysie d’un mem-
Lre, la sciatique, le torticolis, le lombago, etc.,
ne soient pas toujours soulagés, et souvent gué-
ris, par i’eflet de cette piqûre. Nous avons re-
marqué que l’aiguille aimantée réussit à mer-
veille dans le rhumatisme aigu : serait-ce en sou-
tirant une partie du fer qui existe dans le sang
en assez grande quantité? Nous serions tenté de
le croire ; car plus nous avons .de fer dans ce
liquide, plus nous sommes forts et vigoureux:
cela est assez prouvé par Faction des martiaux
sur l’économie animale.
Trépanation. Nous sommes convaincu, plus
que jamais, que par l’application du trépan, on
peut faire cesser une grande partie des névroses
cérébrales. Mais, nous dira-t-on, le lieu d’élec-
tion est le plus souvent obscur pour l’application
de cet instrument. Nous répondrons que l’expé-
rience seule peut nous apprendre à bien distin-
guer les signes qui indiquent le siège d’un épan-
chement ou la présence d’un corps étranger dans
le cerveau.
Des discussions se sont élevées , dans ces der-
2Ô 2
niers temps , sur la paralysie de tout un côté du
corps qui accompagne souvent un épanchement
dans le crâne; quelques médecins prétendent
que ce symptôme n’existe pas toujours du côté
opposé à l’épanchement. Nous voulons bien sup-
poser qu’il en soit quelquefois ainsi ; mais parce
qu’un enfant sera venu au monde avec deux ou
quatre dents, devra-t-on en conclure que la den-
tition n’a pas des époques déterminées?
Nous ne balançons pas à nous prononcer en
faveur de la trépanation pratiquée sur la partie
du crâne opposée à celle du corps où la paralysie
s’est manifestée. Si l’on ne rencontrait pas le li-
quide épanché, quel mal y aurait-il à poser
une couronne de trépan sur un autre point? et si
la paralysie n’existe pas, nous dirons qu’il faut
appliquer le trépan sur l’endroit même du crâne
qui a été frappé , parce qu’il est assez probable
que l’épanchement se sera établi du coté pei —
cuté. N’existe-t-il pas , d’ailleurs , d’autres signes
pour indiquer le lieu de l’epanchement, lels
que l’habitude de se coucher sur un côté de la
^53
tête plutôt que sur un autre ; de porter la main ,
de préférence , sur une partie du crâne ; enfin ,
les indices de la fracture , comme la douleur,
l’empâtement de la peau, etc. ?... C’est aussi
dans beaucoup d’affections mentales que nous
■voudrions voir les médecins recourir à la tré-
panation.
Une femme âgée de trente-trois ans , atteinle
de manie furieuse, avait des momens lucides de
longue durée. Elle profite d’un de ces relâches
pour parcourir un livre de chirurgie, qui lui ap-
prend que le trépan tend à débarrasser le cer-
veau des corps qui le compriment et gênent ses
fonctions. Aussitôt elle s’imagine que cette opé-
ration peut lui être utile. Elle se présente à
nous, et nous demande, avec instance, de lui
faire l’application du trépan. « Calmez- vous ,
plus tard nous examinerons si la trépanation
peut vous convenir ; telle fut notre réponse. »
La malade n’est point satisfaite. Rentrée chez
elle, elle se perfore le côté droit du crâne avec
un vilebrequin; après celte opération elle tombe
sans connaissance , et sa chute avertit ses pareils
qui accourent réclamer notre secours. Nous arri-
vons à l’instant; la malheureuse était encore sans
connaissance et blottie sur elle-même. Un léger
écoulement séreux et sanguinolent avait lieu par
l’ouverture que cette femme s’était laite. Nous ap-
pliquons une couronne de trépan qui laisse sortir
une quantité considérable de ce liquide. La ma-
lade sort de son anéantissement, et nous accuse
de l’avoir mise dans l’état où elle est. Tous les
soins lui sont prodigués , et , au bout de deux
mois, elle est rétablie des suites de l’opération et
de la maladie qu’elle éprouvait. Elle ne parle de
son ancien état, que comme d’une chute pour
laquelle on l’a trépanée.
Un idiot, qu’on avait forcé de servir dans un
régiment, reçut, à la bataille de Wagram , un
éclat d’obus qui lui enleva une portion de l’os
pariétal gauche : cette portion osseuse , qui te-
nait encore un peu par des parties de peau, fut
détachée et recueillie avec beaucoup de soin.
w
2JJ
Nous trouvâmes, à sa lace interne, une tubéro-
sité de forme olivaire , que nous conservâmes.
Le blessé éprouva plusieurs accidens annonçant
la commotion cérébrale. Ses facultés se réta-
blirent insensiblement, son corps prit de la force
et de Faccroissement. Ce militaire lit les cam-
pagnes suivantes, devint sous-officier et officier,*
il est aujourd’hui receveur des contributions di-
rectes dans une ville du midi , oit il se fa il re-
marquer par son exactitude et son intelligence.
Nous ne craignons pas de le répéter, la trépa-
nation diminuerait de beaucoup le nombre des
malheureux qui encombrent les maisons d’alié-
nés, malgré les soins bien dirigés de nos habiles
médecins, MM. Pariset, Esquirol , etc.
Les habitans de quelques-unes de nos cirés
seraient moins exposés à voir circuler dans les
rues les insensés qui y excitent la pitié et l’effroi.
Il est incontestable, que les maisons propres à re-
cevoir les aliénés, ne sont pas suffisantes en
France.
Section complète des Nerfs. Galien, Nuck,
Maréchal , Louis, Sabatier, Pouteau, Guérin,
\alsalva, Marc-Antoine, Petit, etc., ont prati-
qué > avec plus ou moins de succès, cette opé-
ration dans le traitement de quelques névral-
gies.
Un grenadier russe est frappé d’un coup de
crosse de fusil au-dessus de l’orbite du coté droit.
Les marques de la contusion furent bien vite ef-
facées par le seul moyen des applications d’eau
froide,* mais une quinzaine de jours après, au
moment où le blessé se croyait guéri, la par-
tie contuse devient sensible , la vue s’affai-
blit dans l’œil droit , bientôt elle est nulle. Le
soldat nous déclare qu’il est prêt à tout suppor-
ter pour guérir. Nous pratiquâmes sur-le-champ
une incision sur l’endroit même où la contusion
avait eu lieu; nous fîmes suppurer la plaie pen-
dant près de vingt jours, et le malade recouvra
insensiblement la vue.
i
Un officier danois, atteint de tétanos à la
suite d’une plaie d’arme à feu , avec déchire-
menl de toutes les parties charnues et fracture
des os de la jambe droite , allait succomber iné-
vitablement à ces accidens. L’amputation de la
cuisse fut faite , et cet officier guérit parfai-
tement.
Une demoiselle , auteur d’un roman où res-
pire la plus vive sensibilité, éprouvait depuis
dix-huit mois un tic douloureux de la face, le-
quel avait épuisé les forces de la malade, altéré
ses facultés morales, et résisté à toutes les tenta-
tives.
Nous parlâmes à cette demoiselle de la sec-
tion du nerf sous-orbitaire, auquel nous attri-
buions la cause de ses longues souffrances : elle
s’y soumit sans balancer. Ce rameau fut complè-
tement incisé à sa sortie du trou du même nom,
et elle marcha de jour en jour vers une guérison
qui ne se fit attendre que deux mois.
E. Traitement moral .
Ici les secours religieux, proprement dits.
sont les grands ressorts que la Providence a mis
à la disposition des ministres de la religion ,
pour calmer le désordre moral dans lequel sont
tombés plusieurs individus , surtout depuis quel-
ques années. Nous ne balançons pas à le décla-
rer, le jour où le sacerdoce et la médecine se
donneront franchement la main, nous verrons
les plus redoutables de nos maux fuira jamais de
«
notre pays ; nous verrons les maladies de l’es-
prit disparaître devant cet accord , comme les
affections physiques s’effacent par l’effet des sai-
gnées et autres moyens sagement administrés.
Est-ce par des substances ingérées ou appli-
quées à l’extérieur? est-ce par des opérations,
qu’on peut espérer de combattre l’hypocondrie,
la mélancolie , la monomanie , la démonoma-
nie, etc., qui dépendent d’erreurs, d’incon-
duite , d’abandon de la vertu, de revers de for-
tune , d’ambition, etc.? Non, le traitement mo-
ral est, ici, seul capable de triompher. Et qui,
mieux qu’un ministre de la religion, mais un
ministre bien pénétré de ses saints devoirs, zélé
2%
et éclairé , sage, prudent, adroit, peut em-
ployer, avec succès, les consolations, les encou-
ragemens, les conversations rassurantes? Qui,
mieux que lui , peut nous faire entrevoir la vé-
ritable félicité? Qui, mieux qu’un ministre de
l’Evangile, peut inspirer la crainte de Dieu et
démontrer sa miséricorde infinie ; calmer la ter-
reur que fait naître l’oubli des devoirs envers
l’Auteur du monde?
Un médecin por tugais renditla santé à un démo-
nomaniaque, en introduisant dans sa chambre,
pendant la nuit, un individu sous la forme d’un
ange , qui annonça au malade que Dieu lui avait
pardonné. Nous avons rendu le calme à un malade
semblable, en nous entendant avec son confes-
seur. Qui , mieux qu’un bon prêtre , enfin , peut
donner aux esprits bourrelés de remords, l’opi-
nion que le Ciel se déclarera en leur faveur ,
doubler leur espérance, raffermir leur cœur, et
guérir des affections que la médecine pharma-
ceutique attaquera toujours en vain?
Lorsqu’un gouvernement n’a pu, par un bon
système d'éducation et par des lois basées sur l'hy-
giène publique, prévenir les crimes , autres mala-
dies sociales, effets des passions , il doit sans doute
s’occuper de les punir , afin d’en diminuer le
nombre.
Une législation criminelle, bien conçue, est
donc le dernier moyen qui lui reste ; car, comme
le dit Montesquieu : « Ce n’est point le peuple
naissant qui dégénère ; il ne se perd que lorsque
les hommes faits sont déjà corrompus. »
On ne doit donc pas être étonné de nous voir
aborder une question comme celle-ci : les lion-
nes lois et leur action. Nous les considérons
comme des moyens extrêmes d’arriver au but
que nous nous sommes proposé, l’extinction des
maladies sociales (les névroses), si on peut s’ex-
primer ainsi j rar elles seules conduisent aux dé-
lires les plus affreux, tels que le suicide, le par-
ricide , le régicide. Ce sont elles qui ont fait pas-
ser sous nos yeux les atrocités des Léger , des
Papavoine, des Gorniet* , etc. , que les siècles \e&
plus barbares avaient à peine connus.
2&I
Les lois , faites d’après les caractères des
peuples, et basées sur celles de l’Église, sont
donc des moyens de modifier les mœurs, et,
par conséquent, de rendre moins fréquentes. les
maladies qui nous occupent, et les crimes inouïs
qui en sont si souvent les suites.
Pour ne pas nous exposer au reproche d’avoir
parcouru trop longuement un sujet qu’il ne nous
appartient pas de traiter d’une manière particu-
lière, qu’il nous suffise d’exprimer nos désirs sur
les lois qui seraient les plus propres à extirper le
suicide, le duel, etc.
io Punir sévèrement les auteurs d’ouvrages
qui vantent les avantages de la mort volontaire,
autres que ceux qui résultent du sacrifice de la
vie pour son Dieu , son roi , son pays ou son pro-
chain.
20 Défendre positivement de jouer, sur les
théâtres, des pièces où sont représentées les in-
firmités auxquelles l’homme est sujet, comme
2Ô2
celles qui font naître on entretiennent certaines
passions.
3o S’opposer à l’annonce (dans les feuilles pu-
bliques) des suicides 7 des meurtres, surtout des
circonstances qui les ont précédés ou suivis.
« Ces récits fréquens , dit M. Esquirol , familia-
risent avec l’idée de la mort , avec le crime ,
éveillent certaines passions , remuent les sens, et
font regarder avec indifférence la mort volon-
taire. » Les exemples fournis tous les jours à
l’imitation sont contagieux et funestes , et tel
individu poursuivi par les revers ou par quelque
chagrin , ne se serait pas tué s’il n’eût lu dans
son journal l’histoire du suicide d’un ami , d’une
connaissance. La liberté d’écrire ne saurait pré-
valoir contre les vrais intérêts de l’humanité.
« Je finirai comme lui, » nous disait un mo-
nomaniaque confié à nos soins , en lisant , dans
une gazette, les détails de la mort que s’était
donnée un anglais affecté de spleen, et, quelques
jours après , ce malheureux imitateur n’était plus.
263
Une très respectable mère de famille rapprend,
en lisant une feuille publique, que son fils aîné,
officier dans un régiment, a été tué en duel:
elle tombe aussitôt dans un délire qui ne tarde
pas à la priver de la vie. Une annonce moins
brusque n’eût point amené une semblable fin.
« Quelques individus, dit M. Laplace , dans
son ouvrage sur les Probabilités, tiennent de
leur organisation ou de pernicieux exemples,
des pencbans funestes qu’excite vivement le ré-
cit d’une action criminelle devenue l’objet de
l’attention publique. Sous ce rapport, la publi-
cité des crimes n’est pas sans danger. »
4° Ordonner que les corps des suicides les plus
mutilés fussent exposés aux regards du public,
et ensuite livrés aux amphithéâtres de dissec-
tion , comme cela a lieu en Saxe depuis peu de
temps. Il faudrait toutefois empêcher que les
femmes enceintes et les nourrices ne pussent ap-
procher des lieux où ces corps seraient déposés.
5° Ne serait-il pas temps que la France, si
elle veut rester à la tête de la civilisation , s'oc-
cupât sérieusement d’atteindre les pareils qui
abandonnent leur fruit?
« Quoi qu’on fasse, nous dira-t-on, vous au-
rez toujours des enfans délaissés , et si vous
voulez vous opposer à cet abandonnement , vous
multiplierez les crimes d’infanticide. » Sans blâ-
mer l’une des institutions qui honorent le plus
le cœur humain , sans prétendre mettre un frein
à la pitié, qui, jusqu’ici, a recueilli ces êtres si
inhumainement repoussés , nous répondrons que
ce délaissement est lui-même l’attentat que nous
voulons éviter , et qu’il est possible de dimi-
nuer au moins le nombre d’enfans trouvés, dont
l’accroissement progressif est vraiment effrayant
sous tous les rapports.
« l
L’avortement , l’exposition de part et l’in-
fanticide, sont, suivant notre manière de voir,
trois monstres qui n’en font qu’un , et que les
lois doivent punir avec une égale rigueur. Faut-il
que ce soit chez des Barbares que nous rencon-
a65
trions un concile (celui de Constantinople en
(>99.) qui assimile l'avortement à l’homicide?
Homo est , qui futurus est , dit saint- Augustin ;
cet axiome est clair et doit être décisif. En effet ,
l’infanticide, proprement dit , n’entraîne pas de
conséquences plus funestes pour la société , que
Favortement ; il peut se faire même que les inté-
rêts de celle-ci soient moins compromis dans le
premier que dans le second de ces forfaits dont
l’atrocité, nous le répétons, 11e diffère en rien.
Ainsi, sans avoir recours au bûclier, à la sub-
mersion , à l’empâlement , au hart ou au glaive ,
on peut trouver des moyens capables d’empê-
cher la célation de grossesse.
Poursuivre, par exemple, avec persévérance ,
les séducteurs, dont les excès seraient moins à
déplorer, s’ils étaient contraints de subvenir
aux besoins de leurs victimes.
Recevoir, dans des établissemens de mater-
nité (en observant discrétion et décence), les
filles enceintes qui viendraient elles-mêmes an-
noncer leur défaite et leur honte.
Sévir, avec rigueur, contre les païens et les
maîtres qui maltraiteraient ces malheureuses ,
négligeraient de prévenir un accouchement se-
cret , ou ne communiqueraient pas leurs soup-
çons à l’autorité.
Enfin , se montrer moins indifférent sur les re-
mèdes abortifs , et plus redoutable aux personnes
qui les administrent ou les conseillent.
« Quant aux peines, c’est un grand mal parmi
nous , dit Montesquieu , de faire subir la même
peine à celui qui vole sur un grand chemin , et
à celui qui vole et assassine. Il est visible que,
pour la sûreté publique, il faudrait mettre quelque
différence dans la peine. A la Chine, les voleurs
sont coupés en morceaux ; les autres non : cette
différence fait que l’on y vole , mais que l’on n’y
assassine pas. »
Autrefois les peines étaient plus fortes : on
pendait pour le vol , et l’on comptait un voleur
sur mille qu’il y a à présent; et le nombre va en
croissant clans la progression la plus effrayante.
Lorsque la société tuait un homme dans ce
temps-là , elle le faisait d’après un droit divin;
Dieu était la source de toute justice. Maintenant
qu’on a rejeté Dieu de la société , on recule
contre la peine de mort, et l’on a raison; car un
homme, comme homme, n’a et ne peut avoir
aucun droit sur la vie d’un autre. De là ce peuple
de voleurs et d’assassins qui se multiplie au mi-
lieu d’un autre peuple, et qui l’envahit de toutes
parts. Nous délions qu’on s’en tire, si l’on ne
revient à la peine de mort , et par conséquent
à Dieu. Le législateur, qui fait des lois sous son
inspiration , peut appliquer consciencieusement
la peine de mort à tout délit que cette peine lui
semblera propre à réprimer; c’est même son de-
voir. Hors de Dieu, notre législation athée sera
toujours funeste à la société, sous ce rapport.
Que signifie la loi qui vient de paraître sur le
duel? Quel est son but moral?... Encore une
fois, si vous ne condamnez le duel au nom de
Dieu ? vous n’avez aucun droit de vous y oppo-
ser , pas plus qu’au suicide. On peut prouver cela
sans réplique. Enfin , si vous ne voulez pas
considérer Dieu comme la source de toute jus-
tice, rappelez-vous que la mort prompte, sur-
tout, est ce que le Français craint le moins. Ce
qu’il ne supporte pas, c’est le remords, la dou-
leur et l’exil. Transportez donc les duellistes dans
les colonies ; faites-les traîner sur la claie, comme
sous le règne d’un roi qui se connaissait en véri-
table honneur. Obligez- les à passer vingt-quatre
heures, ou plus, avec leurs victimes; privez-les
pour jamais des emplois auxquels ils pouvaient
prétendre ; vous ne verrez bientôt plus couler le
sang français que dans les combats légitimes. Ce
préjugé barbare, cette action par laquelle on ar-
rache froidement la vie à son semblable, sera
détruit pour toujours. Mais encore attachez-
vous à rendre le peuple vertueux, et il vous fau-
dra rarement recourir aux peines, toujours si
difficiles à appliquer.
Au moment où nous sommes occupé à trans-
erire le paragraphe ci-dessus de cet opuscule ,
pour le livrer à l'impression, on vient nous en-
gager à nous rendre chez un père de famille
qu’on nous annonce être en danger de perdre la
raison. Nous croyons devoir suspendre un ins-
tant le cours naturel de notre travail , pour faire
connaître la cause à laquelle nous n’avons pu
nous dispenser d’attribuer l’état vraiment alar-
mant du malade.
Cet homme, connu par son zèle pour la reli-
gion, venait de lire le dernier ouvrage de l'abbé
Martial Mar cet de la Roche Arnaud (mul-
tiplicité de noms, dans laquelle on trouve ab-
dallah , mécréant , traître , mouchard ), lorsqu’il
est tout-à-coup saisi d’un emportement violent
suivi d’égarement de l’esprit. Cette nouvelle vic-
time des tristes et affhgeans effets des lectures de
mauvais livres, s’exhale en propos, en menaces,
contre celui qu il nomme « lâche apostat. »
Nous administrons les premiers secours, tels
que fréquentes et larges saignées du pied , bains
généraux , applications réfrigérantes sur la tête,,
et demandons une consultation.
Un médecin distingué de Paris est appelé.
Après avoir conseillé de continuer les mêmes
moyens , ce docteur déclare aux pnrens qu’il
prévoit la démence. En effet 7 rien ne peut apai-
ser le malade ; la fureur est épouvantable, le dé-
lire est presque perpétuel ; nous avons même
craint un moment que la mort ne terminât
promptement l’existence de ce malheureux.
Aidé toujours des lumières de notre confrère ,
nous persistons dans le traitement débilitant, et
parvenons enfin à obtenir une journée de calme,
de laquelle nous profitons pour faire venir au-
près du malade un de ces prêtres qui apportent
avec eux ce calme que donne la religion , ce
baume si salutaire , et qu’ils savent si bien faire
pénétrer dans notre âme.
Ce vénérable ecclésiastique parvient à faire
croire au malade que fauteur qu’il accable de
son indignation et de sa colère est aliéné • qu’il
faut avoir pitié de lui, et adresser de ferventes
prières au ciel pour sa guérison. Le père de fa-
mille dont nous venons de tracer la courte, mais
cruelle histoire , ne se ressent plus que d’un peu
de faiblesse , et prie sans cesse pour Fauteur
de la plus horrible production qui ait souillé les
marches du sanctuaire.
Nous recevons, à l’instant même, des nou-
velles du malade, qui paraît être entièrement dé-
barrassé du désordre intellectuel qu’il éprou-
vait, et que ni lui, ni aucun des siens n’avait
jamais offert. Il est néanmoins convenablement
surveillé , et on ne lui permet aucune lecture
capable de renouveler son exaltation.
Nous pourrions , sans trop d’efforts , citer
d autres faits à l’appui de notre opinion sur le
danger des mauvais livres.
Ce ne sont Là, toutefois, que des maux par-
tiels. La perle d un homme de bien est peu sen-
sible clans un royaume; sa famille seule en sent
tout le prix. Mais si l’on s’arrête aux coups mor-
tels que préparent à la société des productions
telles cpie celle de l’abbé Martial , si la croyance
religieuse s’altère dans le peuple , à quels hor-
ribles événemens ne doit-on pas s’attendre ! Des
considérations plus fortes que la crainte des sup-
plices retiennent les hommes dans l’observation
des lois et des devoirs qui leur sont imposés.
Laissez ces considérations s’affaiblir, et vous
verrez.
Marcel , ministre d’un Dieu pauvre, ministre
de la Croix , ministre d’un Dieu de paix , con-
templez d’avance votre ouvrage ; voyez le mal
que vous, surtout, pouvez faire à votre pays,
et soyez seul comptable des orages que vous seul
aurez soulevés! Mais tremblez à votre tour,
Martial , car une révolution est comme un spec-
tacle : tous les acteurs , quelque rôle qu ils aient
joué , sont égaux , au mérite près .
f. Terminaison des Névroses.
Il est sans doute des névroses qui sont incu-
râbles , et ce sont particulièrement celles aux -
quelles nous avons donné le nom de congéniales,
parce qu’étant toujours dues à une cause incon-
nue , on ne peut espérer de faire cesser l’action
de celle-ci.
Il en est de même des affections nerveuses qui
tiennent à des lésions organiques de l’encéphale,
ou d’une branche du système nerveux, ce qui
est plus rare • mais toutes ces névroses sont sus-
ceptibles de durer un temps infini , et de ne point
se terminer d une manière fâcheuse.
•
Plusieurs névroses peuvent néanmoins causer
promptement la mort; ce sont celles qui se com-
pliquent tout-à-coup avec d’autres maladies dan-
gereuses, telles qu’une inflammation intense, une
fièvre de mauvais caractère, une goutte vague
et violente , etc.
Il paraît qu’en général les autres affections
des nerfs tendent presque toujours à la guérison,
parce qu’on peut faire cesser les causes qui les
274
ont produites; ainsi les névroses sympathiques et
symptomatiques peuvent se terminer favorable-
ment par un traitement bien ordonné, et même
spontanément, ou par une crise, comme une
éruption à la peau, un abcès, une hémorra-
gie, etc. Il existe enfin des névroses qui, sans
amener l’extinction de la vie, font perdre l’usage
d’un ou de plusieurs membres, d’une ou de plu-
sieurs fonctions ; parmi celles-ci , la plus grave
est X amaurose ou goutte sereine , que plusieurs
praticiens considèrent comme tout-à-fait au-des-
sus des ressources de l’art. Nous en avons ce-
pendant vu guérir par les purgatifs violens. En-
fin les névroses, la folie même, se terminent,
comme les autres maladies, par induration ou
par suppuration, par la mort, ou par une guéri-
son plus ou moins solide.
G. Résultat des Nêciopsies (i).
Nous avons vu qu’on meurt de névrose , par
(1) Nous préférons ce mot à celui d’autopsie; il ex-
prime plus positivement l’action de celui qui fouille la
mort.
$ -i
♦ •
\
complication d’inflammation ou de toute autre
maladie grave, \ oici, en peu de mots, ce que
1 inspection cadavérique a laissé apercevoir dans
ce cas.
Les parties où siège la maladie sont phlogo-
sées et tuméfiées* les os du crâne sont souvent
épaissis ou amincis; on remarque quelquefois
ries enfoncemens à sa surface extérieure , et
des tubérosités à sa surface interne. Les émi-
nences du crâne sont parfois effacées; d’autres
fois elles affectent une direction contre nature.
Les membranes du cerveau sont adhérentes aux
os ou à cet organe ; d’autres fois elles sont injec-
tées et ont perdu de leur transparence. Le cer-
veau est tantôt considérable et ramolli; d’autres
fois il est petit et ferme.
Tantôt ce sont des épanchemens séreux , san-
guinolens ou purulens dans les ventricules ; tantôt
c est à la base du crâne , d’autres fois entre les
membranes elles-mêmes ; tantôt tout le système
vasculaire cérébral est considérablement injecté;
d’autres fois il est infiniment réduit et même os-
sifié ; tantôt on remarque des excroissances char-
nues à la faux du cerveau ; d’autres fois des gra-
nulations dans le ventricule du cervelet.
Tantôt les plexus choroïdes présentent un
grand nombre de tumeurs enkystées ; d’autres
fois des liydatides viscérales.
Tantôt les couches des nerfs optiques sont très
volumineuses ; d’autres fois elles sont à peine per-
ceptibles et desséchées ; tantôt le canal rachidien
est aussi envahi par beaucoup de sérosité ; d'au-
tres fois il est singulièrement rétréci et laisse a
peine entrevoir la moelle qu’il contient ; tantôt
la glande pinéale est presqu’ invisible ; d’autres
fois elle est grosse et pierreuse ; enfin on trouve
des lésions de différente nature , suivant le lieu
où siégeait la névrose. Ainsi , tantôt c’est une tu-
méfaction d’un nerf; d’autres lois c’est un en-
gorgement œdémateux, une dilatation variqueuse
des vaisseaux ; d’autres fois le nerf est en sup-
puration, atteint de gangrène, infiltré, ou pré-
sentant des altérations organiques , telles que des
ganglions très gros, qui, situés sur un ou plu-
sieurs nerfs, peuvent causer des névroses très
graves. Cette circonstance est difficile à rencon-
trer; car dans le grand nombre de nécropsies
que nous avons pratiquées dans les hôpitaux ou
dans des maisons particulières, nous n’avons eu
occasion de l’observer qu’une seule fois.
Nous avons surtout remarqué , à la suite des
plaies d’armes à feu, des déchiremens, des rup-
tures de branches ou de rameaux nerveux , avec
augmentation ou diminution de volume des
troncs principaux.
Nous aurions pu nous étendre davantage sur
les nécropsies faites à la suite des morts occasion-
nées par des affections du système nerveux; mais
nous nous réservons pour la dernière partie de
cet essai , qui traite spécialement d’une névrose
dont les suites sont plus souvent mortelles.
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- :
»
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JfHêîStë
mmmmmmm
TROISIÈME PARTIE.
DE L’ÉPILEPSIE EN PARTICULIER.
Une maladie, dès l’invasion de laquelle celui
qui en est atteint pousse un cri , tombe , perd la
connaissance et Ja sensibilité ; pendant laquelle il
écume , fait craquer les dents , contourne les
membres , et après laquelle il paraît être dans
l’idiotisme le plus* complet , offrant aux per-
sonnes qui l’entourent des contusions, des dé-
chiremens, des fractures, et souvent des hé-
morragies abondantes : voilà, en peu de mots,
comment on a défini l’épilepsie, maladie (plutôt
infernale que sacrée ) que le législateur devrait
se hâter de soustraire aux regards du public,
lorsque la médecine est assez malheureuse pour
ne pas la guérir promptement.
Il nous serait très facile de tracer un tableau
plus fidèle, et surtout plus hideux, de cette né-
vrose ; mais ce serait tomber dans les inconvé-
niens que nous reprochons à notre législation ,
avec d’autant plus de force, que nous sommes
moralement certain que cette maladie nerveuse
\
est souvent curable.
C’est en 1806 que nous est venue l’idée de
nous occuper sérieusement du traitement de l’e-
pilepsie. Nous nous trouvions alors en Prusse ,
logé chez un médecin de ce pays, qui jouissait
d’une grande réputation pour la cure de cette
maladie. Ce docteur combattait en effet l’épi-
lepsie sympathique avec un succès étonnant. Il
employait l’eau distillée de laurier-cerise, la
poudre de racine d’armoise, et le prussiate de
fer (bleu de Prusse). Un régime convenable était
prescrit pour seconder l’elfet de ces substances.
Nous avons attendu d’être entièrement livré
à nous-même, et débarrassé des occupations sans
nombre que suscite le service de santé militaire,
pour réunir nos observations anciennes et nouvel-
les, et les livrer au public. Ce qui nous a principa-
lement décidé à poursuivre nos recherches sur
F épilepsie, c’est le fait suivant.
Une dame octogénaire, à laquelle nous don-
nions nos soins, en i8i4j avait un petit chien de-
venu l’objet de ses plus tendres affections ; mais
il était épileptique. La bonne dame n’avait rien
négligé pour guérir le cher compagnon de sa
vieillesse. 11 avala un jour un noyau de laurier-
cerise dans le jardin de sa maîtresse , et depuis, il
n’a éprouvé aucune de ces convulsions qui , au-
paravant, se reproduisaient tous ies jours.
Il est inutile de présenter ici l’exposé de tout
ce qui a rapport à la nature , à la marche et aux
symptômes de l’épilepsie. Le profond et bien vé-
nérable baron Portai, a satisfait tous les méde-
cins sur ces points divers, et cette maladie étant
du nombre de celles qui frappent le système ner-
veux , il a été question , dans la deuxième par-
tie de ce livre , de tout ce qui tend à éclairer
18
le diagnostic des névroses., que nous nommerons
encore les maladies de la civilisation , ou plutôt
de ses excès , dussions-nous déplaire à plus d’un
novateur. Ensuite , comme il faut adopter au-
tant d’épilepsies qu’elles reconnaissent de causes
déterminantes (car les causes éloignées ou prédis-
posantes sont celles qui sont également propres
à toutes les maladies nerveuses , et que nous
avons énumérées ailleurs), nous leur donnerons,
autant que possible, des noms tirés de ces causes
ou des parties sur lesquelles ces maladies se se-
ront fixées, et nous passerons immédiatement au
traitement le plus approprié à chacune d’elles ,
en citant une ou plusieurs observations à l’appui.
On a prétendu , jusqu’à ce jour, que l’épilep-
sie avait constamment son siège dans le cerveau ;
il n’en est pas ainsi : point d’attaque complète
d’épilepsie, il est vrai , sans trouble cérébral plus
ou moins considérable ; ce désordre, sans contre-
dit , est le sine quâ non de la maladie , surtout
d’après le nom qu’on lui a assigné. Mais l’épi-
lepsie peut débuter dans un autre organe ; la
s83
preuve, c’est que si vous arrêtez à temps celte
vapeur ( aura epileptica ) qui part souvent d’un
point éloigné de l’encéphale , l’accès épileptique
n’aura pas lieu complètement , c’est-à-dire , que
le cerveau ne sera point atteint.
Tous les organes reçoivent des nerfs ; or l’épi-
lepsie se déclare soudain dans l’un comme dans
l’autre de ces organes, suivant les causes agis-
santes. L’épilepsie a donc son siège primitif dans
le système nerveux.
v
Il est sans doute des épilepsies dont le siège
immédiat est dans le cerveau, puisque ce viscère
est l’origine de tous les nerfs, quoi qu’en aient
ditBichat, Legallois, etc.... Ces épilepsies sont
les plus funestes et les plus difficiles à guérir; car
la scène se passant primitivement, et presque tou-
jours entièrement, dans un organe si essentiel à
la vie et à l’exercice de nos facultés intellectuel-
les , la perte de ces facultés, ou la mort de
l’individu, en sont presque toujours les suites.
Il est bien d’autres maladies qui donnent lieu
18..
a«4
4 des symptômes aussi effraya ns que ceux que
nous offrent les épileptiques. Par exemple, toutes
les affections graves du poumon, du cœur, de
l’estomac, du foie , etc. , sont souvent et promp-
tement suivies de délire, d’assoupissement, ou
de soubresauts des tendons. Dira-t-on, pour cela,
que ces affections n’avaient pas eu lieu d’abord
dans les organes que nous venons de nommer?
D’apres ces questions, il serait impossible, ce
nous semble, de ne point admettre autant d’é-
pilepsies qu’il existe d’organes susceptibles d’être
affectés par ces maladies , ou de causes capables
de les produire. Ces causes et ces organes étant
différens, les traitemens doivent l’être aussi, et
nous osons soutenir qu’on aurait guéri un plus
grand nombre d’épilepsies, si on se fût plus at-
taché aux causes qui peuvent leur donner nais-
sance.
Isous définirons donc l’épilepsie, une névrose
avec ou sans symptômes cérébraux , et nous la
diviserons en idiopathique ou essentielle , en
sympathique et symptomatique.
!
CHAPITRE PREMIER.
/épilepsies idiopathiques ou essentielles.
• J
Les épilepsies essentielles sont celles qui se
déclarent immédiatement sur le cerveau ou sur
l’une de ses dépendances. ,
A. Epilepsies sans causes connues .
L’épilepsie que nous apportons en venant au
monde , est excessivement obscure. En effet ,
comment s’assurer si elle tient à un vice de la
conformation intérieure du crâne, à une lésion
de la substance cérébrale ou des membranes qui
l’enveloppent, à une commotion imprimée à l’en-
fant par sa mère , pendant quelle en était en-
ceinte? Comment déterminer la nature de
cette commotion ? Cependant point d’espoir
de guérison , si la véritable cause est ignorée ;
aussi a-t-on toujours considéré l’épilepsie congé-
^86
niaie comme rebelle aux ressources de la mé-
decine.
Toutefois les pères de famille doivent se ras-
surer, s’ils ont le courage de celui dont l’enfant
fait le sujet de l’observation suivante.
Premier Fait. Un colonel d’infanterie se
marie immédiatement après la campagne de
i8i4; avec une veuve éminemment nerveuse,
qui, au bout de trois mois, s’aperçoit quelle est
grosse. Au sixième mois de sa grossesse elle
éprouve une frayeur à la suite de laquelle elle
est deux heures sans connaissance. Elle n’en ac-
couche pas moins à terme d’un garçon bien
constitué, mais qui, deux mois après sa nais-
sance, est frappé d’épilepsie. Il est confié à une
nourrice lymphatique , saine et d’une douceur
remarquable.
Le nourrisson continue d’éprouver des accès
d’épilepsie qui se renouvellent tous les quinze
jours. On a recours à divers traitemens. L’en-
aSy
faut arrive à l’âge de huit ans saris qu’on s’aper-
çoive du plus petit changement dans son étal de
maladie; au contraire, les attaques périodiques
sont plus violentes. Le père est persuadé que son
fils a c le l’eau dans la tête , et que la trépanation
peut le sauver. 11 ajoute : « J aime mieux le voir
succomber à cette opération , que de le conser- •
ver dans une position si cruelle. » Une couronne
de trépan est, appliquée sur le pariétal droit ;
une once, environ, d’un liquide jaune et teint
de sang s’échappe, et fin trépide père conserve
celui qu’il nomme tout son avenir. Cet enfant
est aujourd’hui âgé de près de quinze ans , et ne
ressent plus rien. Seulement on le ménage beau-
coup , à cause de son extrême sensibilité.
Comme nous l’avons déjà fait observer, le lieu
d’élection n’est pas toujours parfaitement indi-
qué pour se livrer à cette opération , mais il faut
tenter, et dans ce cas, meliits anceps , quàm nul -
him , etc. Nous examinerons, plus loin, à quels
signes on peut reconnaître l’endroit du cerveau
où l’épanchement s’est effectué.
288
Deuxième Fait. Une demoiselle de vingt-
sept ans, orpheline, riche, jolie et épilep-
tique, n’avait jamais voulu déclarer sa mala-
die, dans la crainte de ne pouvoir se marier. Les
accès ne se manifestaient cpie la nuit, circons-
tance qui dérobait, aux nombreux prétendans,
l’affection qui, trois fois par mois, venait de-
j
ranger le sommeil de la malade , et la plonger
dans le désordre le plus complet. Un notaire en-
fin est préféré , et l’ union conjugale a lieu. Cette
fois, du moins, la rédaction du contrat ne
donna lieu à aucune réclamation , et ne parut pas
coûter trop cher.
Dix-huit mois se sont à peine écoulés, que la
malade donne le jour à deux garçons, au milieu
même de tous les symptômes de la maladie dont
le mariage ne l’a point délivrée. Le mari paraît
d’abord satisfait j mais il s’effraie bientôt sur le
sort de scs jumeaux , quoique sa femme ne lui
ait présenté la maladie dont elle est affectée,
que comme le résultat d’une grande susceptibi-
lité nerveuse. En effet, ces pauvres en fa 11s sont
289
pris , presqu’en même temps , d’épilepsie. Un
médecin éclairé est consulté , et prend les pré-
cautions les plus sages pour préserver ces êtres
innocens de secousses nouvelles. Efforts super-
flus ! l’épilepsie leur a été transmise héréditaire-
ment, et désormais rien ne pourra les débarras-
ser de ce fléau , si la Providence ne vient à leur
secours.
Ces deux enfans se promenaient un jour en ca-
lèche découverte (ils avaient alors trois ans), sous
la seule surveillance d’une femme de chambre.
Les chevaux s’emportent , la calèche est renver-
sée : l’un de ces infortunés n’a que le bras droit
démis, mais l’antre reçoit un coup de pied de
cheval qui fracture l’os occipital. Les soins les
mieux dirigés lui sont prodigués. Une portion
de cet os qui était enfoncée , est enlevée avec
adresse , la plaie pansée avec méthode , et le ma-
lade, après trois mois de traitement, se trouve
guéri de tous ses maux. Son hère succomba , un
an apres, dans des convulsions affreuses. Nous
sommes parvenu à rendre une épilepsie hérédi-
taire moins fréquente et beaucoup moins vive,
en soumettant la demoiselle de dix-huit ans, qui
en était atteinte , à un régime qui axait presque
changé son tempérament essentiellement ner-
veux.
Troisième Fait. Une demoiselle âgée de dix-
sept ans, très maigre, fort pâle et bien réglée,
issue de parens nerveux, ayant été nourrie par
une femme très irritable, est affectée d’épilepsie
au moment où l’on devait le moins s’y attendre.
Des médecins sont aussitôt appelés. Rien n’est
négligé; tous les traitemcns sont successivement
mis en usage, abandonnés, repris, et toujours
sans succès. Les parens espèrent que nous serons
plus heureux, et viennent nous consulter. Nous
proposâmes plusieurs moyens, qui tous avaient
déjà échoué. Gomment trouver la véritable cause
d’un désordre si opiniâtre ? Cependant les pa-
rens insistent, et la jeune personne ajoute, avec
l’accent de la résolution la plus forte : « Mon-
sieur , je veux guérir ou mourir. » C’était bien là
le langage du désespoir, c’était bien là aussi une
29 1
épilepsie constitutionnelle , si on peut s’exprimer
ainsi. Les païens nous laissèrent également carte
blanche. En conséquence , la malade fut sou-
mise au traitement suivant.
Régime. Des alimens très substantiels , mais
sous un petit volume, tels que les gelées de
viande , le chocolat ferré, les consommés con-
tenant des jaunes d’œufs* de l’eau très aérée pour
unique boisson ; un lit composé d’une paillasse
remplie de fleurs de tilleul et de feuilles d’oranger
desséchées ; l’air de la campagne ; les bains de
gélatine, dans lesquels on jetait deux pintes d’é-
ther acétique au moment d’y entrer; le repos de
l’âme, des distractions agréables ; des lectures
amusantes (car une application convenable à l’é-
tude est salutaire pour prévenir les passions qui,
suivant l’ingénieuse idée de Billion , ouvrent la
porte par laquelle il sort le plus d’individus de
ce monde); tel fut le régime recommandé.
.Traitement. Des pilules de musc et d’assa-
fœtida. Ces substances furent d’abord données à
292
la dose d’un grain, et portées progressivement à
vingt grains par jour ; des lavemens contenant
jusqu’à deux onces de teinture éthérée de casto-
reum ; des vésicatoires volans , saupoudrés de
camphre et d’aimant, et promenés sur le bas-
ventre ; quelques commotions électriques impri-
mées à cette partie ; tels sont les moyens curatifs
que nous avons mis en usage le Ier mars 1826
et qui ont été suivis avec une persévérance uni-
que. Aujourd’hui, 3 septembre 1827, la malade
n’éprouve plus rien. Tout fait espérer qu’aucun
accident ne se reproduira. O11 est dans l’inten-
tion de profiter de cet heureux changement pour
marier cette demoiselle.
CHAPITRE II.
ÉPILEPSIES IDIOPATHIQUES PRODUITES PAR DES
CAUSES PHYSIQUES.
B . Épilepsie idiopathique cérébrale.
Premier Fait. Un élève en droit , âgé de
vingt - trois ans , d’un tempérament très irri-
table, d’une cornplexion grêle, reçoit un vio-
lent coup de poing sur la tempe droite; il tombe,
et devient épileptique. Il n’avait jamais éprouvé
aucune atteinte de cette maladie; ses père et mère
avaient toujours joui d’une santé parfaite. Ce
malheureux jeune homme succombe à la sixième
attaque épileptique. La nécropsie est pratiquée;
on découvre un épanchement séreux dans le
ventricule droit. Le trépan pouvait être utile ici,
en enlevant la cause qui comprimait le cerveau.
Deuxième Fait. Lu ouvrier maçon, âgé de
2o4
/
quarante ans, d’une constitution pléthorique,
11’ayant jamais éprouvé que des indispositions
légères , est tout - à - coup frappé d’épiiep-
sie. Le médecin consulté reconnaît que cette ma-
ladie est Telle t de l’action du soleil. En effet, le
malade avait travaillé , exposé aux rayons ardens
de cet astre et la tête découverte, pendant une
journée du mois de juillet 1816. Des applica-
tions froides sont faites sur la tête, plusieurs sai-
gnées du pied sont pratiquées successivement. Le
malade se rétablit lentement. Il s’est toujours
bien porté depuis.
Troisième Fait. Un clerc de notaire, âgé
de vingt ans, épileptique depuis l’âge de dix-
huit mois, meurt dans un accès violent de
cette maladie. La nécropsie est faite. On ne
trouve d’autre cause qu’une épaisseur considé-
rable des os du crâne, dont les sutures avaient
disparu. Les os pariétaux, surtout , présentaient
une épaisseur d’un demi-pouce. On conçoit qu ici
l’art ne peut être d’aucun secours.
Quatrième Fait. Un Suisse, âge de dix-
huit ans j reçoit un coup de bâton sur le sommet
de la tête, qui le rend épileptique. Six mois
après, dans un accès de cette névrose, il tombe
d’un deuxième étage dans la ri;e, et sur les pieds.
Un sang jaunâtre jaillit aussitôt par les narines
et les oreilles; des voniissemens bilieux se suc-
cèdent d’une manière e (Trayante. On crut un ins-
tant que ce jeune homme ne résisterait pas à la
commotion cérébrale. Plusieurs lois les veines
des pieds sont ouvertes ; un émétique en lavage
est donné , et le malade , au bout de deux mois,
est entièrement rétabli. Il y a quatre ans que cet
événement est arrivé ; aucun accident épilep-
tique n'est encore venu renouveler les inquiétudes
des parens.
Cinquième Fait. Un pharmacien, âgé de
quarante ans, dune constitution robuste, de-
vient tout -à -coup épileptique. Le médecin,
consulté, a subitement recours aux anti-spasmo-
diques , d’abord les plus simples, ensuite les plus
énergiques. Les accès se rapprochent au point de
se reproduire six fois par jour. Leur durée était
■xfi
d’une demi-heure. Un autre médecin est appelé,
et reconnaît que la pléthore sanguine est la seule
\
cause de la maladie, li saigne à outrance tous les
huit, quinze et trente jours; prescrit une diète
sévère, et, plus tard, un régime atténuant. Le
malade ne tarde pas à être débarrassé entière-
ment de l’épilepsie cérébrale qui faisait le déses-
poir de sa famille.
Sixième Fait. Un boucher, jeune encore,
de Rouen, reste, pendant trois ans, un des
épileptiques les plus malheureux que nous ayons
vus. Les accès ne lui laissaient pas une heure de
répit. 11 finit par succombera un hydrotorax sur-
venu en peu de temps. Nous rencontrâmes des
concrétions osseuses sur la dure-mère.
. *
Septième Fait. Louis de S...., âgé de trente-
deux ans , était depuis long - temps entre
les mains de deux médecins fameux de Paris,
pour une épilepsie dont les attaques étaient aussi
très fréquentes. Il nous fut présenté le i3 août
1 8 1 ; nous crûmes reconnaître la présence d un
997
corps particulier exerçant une pression sur le
cerveau , voici à quels signes : le malade, dans
l’intervalle des accès , éprouvait constamment le
besoin de porter la main sur le pariétal gauche,
qui, disait-il, lui semblait beaucoup plus gros
(même sans y toucher) que celui du côté op-
posé. En efïèt, cet os nous parut plus élevé à la
vue. Immédiatement après les attaques , la tête
était penchée de préférence sur l’épaule gauche *
il y avait ambfyopie , et la pupille du côté droit
était contractée, tandis que l’autre présentait
un état de dilatation extrême.
Nous fîmes raser la tête, et avec un cylindre
métallique creux, nous Ja percutâmes dans tous
les sens. Le malade nous dit : « Il me semble que
ce côté ( en portant la main sur la bosse parié-
tale droite) résonne plus clairement que l’autre. »
Nous ne balançâmes pas à déclarée que , sous le
pariétal indiqué , existait la cause de la com-
pression cérébrale qui avait déterminé l’épilepsie.
En conséquence, nous proposâmes une cou-
J9
ronne de trépan. Les parens s’y refusèrent. Nos
confrères ne dirent ni oui, ni non. Huit jours
après notre proposition, le malade mourut.
Nécropsie. Nous trouvâmes à la face externe
de la dure-mère, sous l’os pariétal gauche, un
kyste adhérent à celte membrane, et rempli
d’une matière de consistance de suif. Ce kyste
aA ait la forme et la grosseur d’une pomme d’apis.
La bosse pariétale était presque usée. Combien
de fois, depuis cet événement , les parens ne
nous ont-ils pas témoigné, et verbalement et
par écrit, leurs regrets de ne s’être pas rendus
à notre opinion ! Nous transcririons ici leurs let-
tres s’ils nous y avaient autorisé. Ce n’est pas la
première fois que nous avons eu occasion de re-
courir à ces moyens d’exploration pour nous as-
surer du lieu d’un épanchement, ou de toute au-
tre cause de compression cérébrale. Déjà, dans
une brochure que nous publiâmes sur les épan-
chemens en général (en Poméranie suédoise) ,
nous avons fait mention de la percussion du
crâne. Nous aurons occasion d’y revenir.
Huitième Fait. Un chirurgien;, sous-aide-ma-
jor, employé dans Fliôpital dont le service nous
était confié , en Pologne , fut pris d’épilepsie.
11 n’était âgé que de dix-neuf ans. Son tempé-
rament, nerveux, l’avait souvent exposé à des
aifections spasmodiques graves. Toutes les pré-
cautions furent prises pour mettre ce jeune
homme à l’abri de nouveaux accidens épilepti-
ques. Il n’en fut pas moins, quinze jours après,
frappé d’un nouvel accès, auquel il succomba.
Nècropsie. Les vaisseaux des membranes du
cerveau étaient variqueux, et d’une grosseur à
laquelle nous aurions de la peine à croire, si
nous 11e nous en étions assuré nous-même.
Neuvième Fait. François de B...., homme de
lettres , âgé de quarante-sept ans , nerveux et
lymphatique , tomba tout-à-coup, en 1816,
dans une attaque d’épilepsie presque foudroyante ;
le lendemain il mourut dans un deuxième
accès.
Nècropsie. Le crâne offrait une épaisseur cou-
/
3oo
sidérable. Le tiers antérieur clu lobe droit du
cerveau, plus affaissé, était dans un état de ra-
mollissement extraordinaire. Un épanchement
séreux avait commencé à se former à la base du.
crâne. Les couches des nerfs opticpies du même
coté ( droit), ressemblaient assez à de la bouillie
brunâtre.
♦
Dixième Fait. Madame Marie de M , âgée
de 29 ans, épileptique depuis l époque de la pu-
berté, perdit la vie après une chute dans laquelle
elle s’était fracturé les jambes.
JSécropsie. Le crâne offrait un volume et une
épaisseur considérables. La dure-mère adhérait
à toute la face interne de l’occipital ; substance
du cerveau calleuse ; très peu de sérosité dans
les ventricules latéraux.
Onzième Fait. Louise La 13...., âge de 3 2 ans,
ouvrière en robes, d’un tempérament nerveux,
mourut d’épilepsie , dont elle était atteinte de-
puis quinze ans.
3oi
Nécropsie. Arachnoïde opaque et épaissie;
epanchement de sérosité sanguinolente dans l’in-
téricur de la dure-mère; ventricules du cerveau
d’une capacité peu commune. Plusieurs hyda-
tides dans ces cavités. Petits kystes séreux dans
le tissu des plexus choroïdes.
/
Douzième Fait . M. Adolphe de L , 0fïi-
cier supérieur d’artillerie, reçoit en duel , le len-
demain de la bataille de Friedland , un coup
d’épée qui pénètre, par la tempe gauche, dans-
le cerveau. Une portion de la lame reste dans cet
oigane. Lextiaction n en fut faite que 2/j. heures
après la blessure. Cet officier , qui avait perdu
1 usage de l’œil du côté blessé , fut peu de temps
<i se remettre de ce coup d’epee, quoique très
grave sans doute; mais ce rétablissement n’était
que simulé. Six mois après, un accès d’épilepsie
épouvantable se déclara : quatre hommes suffi-
rent à peine pour mettre le malade à l’abri des
accidens qu auraient pu produire les contrac-
tions et les efforts que faisait ce malheureux pour
se débarrasser, nous dit-il après l’attaque, du
pouls qu 'il portait sur la tête. Il éprouva vingt-
cinq accès de la même intensité que le premier ,
et succomba au vingt-sixième.
Nécropsie. Abcès considérable dans le tiers
antérieur du lobe gauche du cerveau; traces
nombreuses d’inflammation des membranes qui
enveloppent cet organe.
Ti 'eizième Fait. Mademoiselle Emma de P... ,
âgée de 20 ans, nerveuse à l’excès, devient épi-
leptique sans causes appréciables; seulement ses
facultés intellectuelles avaient paru dès long-
temps altérées, mais si légèrement, qu’on n’y
avait fait que très peu d’attention. Au sixième
accès , cette demoiselle fut enlevée à sa mère
désolée.
s
Nécropsie. Les os du crâne sont un peu plus
épais que dans l’état ordinaire. Les éminences
de la base du crâne , les moins apparentes, sont
entièrement effacées, ainsi que la plupart des
fosses ; les apophyses les plus saillantes présen-
3o3
tent, des directions contre nature; enfin toutes
les parties de l’intérieur de cette boîte osseuse
sont plus ou moins viciées.
Le cerveau avait dû nécessairement souffrir de
ce désordre des parties dures; aussi les circon-
volutions antérieures paraissent-elles fort peu.
Epanchement considérable d’un liquide aqueux
dans les ventricules latéraux, à la base du cer-
veau, et jusque dans le tiers supérieur de la co-
lonne cervicale ; dilatation excessive des troi-
sième et quatrième ventricules; vaisseaux injec-
tés et volumineux ; le cervelet est d’un tiers plus
développé qu’à l’ordinaire.
Quatorzième Fait. Pierre G..., sergent au dix-
neuvième régiment d’infanterie de ligne, nous
fut envoyé, en 1809, à l’hopilal de Schœnbrun
(Autriche). Ce militaire, âgé de 28 ans, d’une
constitution athlétique, portait une balle de
plomb dans la partie antérieure du cerveau.
L’extraction de ce corps fut faite aussitôt, et la
plaie ne fut pas long-temps à se cicatriser. Les
maux de tête, l’insomnie , les fourmillemens
des jambes nous engagèrent à retenir le malade,
quoiqu’il eut témoigné plusieurs fois l’intention
de sortir pour assister à la bataille de Wagram
qui se préparait. 11 ne tarda pas à tomber dans
des attaques d’épilepsie d’une force et d’une fré-
quence peu communes. La tête fut rasée et per-
cutée avec le cylindre métallique. Le malade
disait éprouver des sons bien plus obscurs aux
bosses coronales qu’aux autres parties du crâne.
Tout se réunissait donc pour nous indiquer le
lieu de l’épanchement que nous redoutions.
Deux couronnes de trépan furent appliquées sur
le coronal , réduit à une seule table par le coup
de feu. Deux onces de pus sanieux s’écoulèrent.
Le blessé fut pansé méthodiquement pendant
deux mois, qui suffirent pour le mettre dans le
cas de rejoindre son régiment, toutefois avec les
précautions qu’exigeait l’état de la cicatrice.
Quinzième Fait. Joseph-Louis L , sous-
officier du génie, entra à l’hôpital d’Onsolre-
deck , près La Haye (Hollande). Ce militaire >
3o5
dont les études avaient été sérieuses, et les oc-
cupations constantes , éprouvait des attaques
d’épilepsie, qui, heureusement, nous dit-il, ne
se renouvelaient que de mois en mois ,• mais la
céphalalgie qui lui était survenue depuis peu,
était si vive, qu’elle l’avait décidé à venir nous
demander du soulagement.
La tête fut percutée dans tous les sens. Le
malade nous fit observer que ce moyen d’explo-
ration ne produirait aucun diagnostic certain.
« Il me semble, ajouta-t-il, qu’un corps par-
ticulier flotte, dans la base du cerveau, lorsque
je retourne brusquement la tête sur l’oreiller. »
Cet intéressant jeune homme mourut subitement
le lendemain, dans des convulsions affreuses.
Nécropsie. La glande pinéale, seule, est vo-
lumineuse, squirrheuse et baignée dans quatre
onces, au moins, de sérosité.
r
C. Epilepsie idiopathique rachidienne.
Les parties contenues dans le rachis ( épine
3o 6
du dos) sont également sujettes à des altérations
qui engendrent l’épilepsie , quoiqu’on ait observé
ces altérations chez des individus non épilep-
tiques.
Premier Fait. M. Charles Le P , chef de
bataillon, reçut, à l’affaire de Polostb , en 1812,
plusieurs coups de crosse de fusil dans le dos,
apres avoir fait une chute de cheval sur le siège.
En donnant de l’argent, cet officier sortit des
mains des soldats russes qüi l’avaient si mal
traité. Jeune encore et robuste, il n’avait jamais
»
été malade, ni même incommodé. Porté à l’am-
bulance , on le fit saigner deux fois dans un jour,
et l'on couvrit la colonne épinière de ventouses
scarifiées, ensuite de vésicatoires volans. Des
douleurs atroces se fixèrent dans toute l’étendue
de cette partie , notamment dans les lombes.
t
Le lendemain , saignée copieuse du pied, fric-
tions éthérées sur les membres inférieurs.
Le soir il fallut partir. Chacun connaît les
motifs de la retraite précipitée que les armées
françaises furent contraintes d’effectuer à cette
époque.
Quelques jours après, nous rencontrâmes cet
officier à Wilna ; il souffrait plus que jamais, et
marchait courbé en avant. Nous eûmes à peine
le temps de lui parler. Enfin nous le revîmes à
Kœnisberg ; là, du moins, nous pûmes l’écou-
ter avec attention : il avait éprouvé plusieurs at-
taques d’épilepsie. 11 put encore prendre la poste,
4
et se rendre à Ma v en ce : nous arrivâmes ensem-
v *
blé dans cette ville. Le malheureux y succomba
J
le lendemain, dans un accès épileptique qui
dura près de deux heures.
*
Nécropsie. Le crâne et le cerveau , vus avec
la plus scrupuleuse attention , n’offrent rien de
remarquable. Nous voulions nous en tenir là ,
lorsque le chirurgien, ami du défunt, nous pro-
posa d’examiner, avec le même détail , le canal
rachidien j voici ce que nous y observâmes. Les
vaisseaux étaient très considérablement gorgés
de sang ; tout le rachis plein de sérosité rougeâtre.
3o8
Nous oublions de dire que le cânal vertébral
était comme rétréci vers les cinquième, sixième
et septième vertèbres dorsales.
Deuxieme Fait . La femme d’un pasteur lu-
thérien , jeune encore et d’une santé brillante ,
habitait le village de Rantzin , près Greisswald
( Poméranie suédoise). Poursuivie par des soldats
wurlembergeois , qu’elle avait rencontrés en se
promenant , cette dame arrive chez elle où elle ne
trouve personne. Elle court dans la chambre de son
mari , s’arme d’un fusil à deux coups, et parvient,
par une contenance peu familière à son sexe , à
mettre ses assaillans en fuite. Voulant replacer
l’arme dont elle s’était si courageusement servie ,
elle tombe sur un angle de table, qui pénètre
dans les parties molles du dos à un demi* pouce
de profondeur. Elle a la force de se relever mal-
gré ses douleurs déchirantes, et d’aller s’étendre
sur un sofa.
Son mari et un domestique arrivent et la
trouvent dans un état alarmant. Ou vient nous
3og
chercher à l’hôpital <1’ Anklam. Plusieurs sai-
gnées sont pratiquées , des ventouses scarifiées
appliquées sur l’épine , et des frictions faites avec
de l’eau de Cologne sur les cuisses et les jambes.
La plaie est convenablement pansée , et quinze
jours suffisent pour mettre fin aux souffrances
de cette intrépide Amazone. Ce ne fut qu’alors
qu’elle raconta les circonstances de son aventure.
Trois mois après elle fut prise d’épilepsie , mala-
die dont elle n’avait jamais éprouvé d’atteinte,
et mourut au cinquième accès.
Nécropsie. La tête ne nous laisse rien voir
qui puisse fixer notre attention ; mais le canal
rachidien est occupé par une grande quantité de
liquide brunâtre.
D. Epilepsie idiopathique dentaire.
Les dents ont aussi des nerfs qui leur sont
fournis par les maxillaires supérieur et inférieur,
et par le sous-orbitaire , tous venant de la cin-
quième paire , laquelle naît de la substance grise
du cerveau.
3io
Les nerfs dentaires peuvent être irrités , en—
flammés, etc. , et dès-lors donner lieu à l’épi—
lepsie.
Premier Fait. Une demoiselle de dix-sept ans,
saine , forte, n’ayant jamais été malade, et appar-
tenant à des parens également bien portans ,
souffrait d’une dent molaire à peine tachée. Cette
demoiselle voulut absolument se débarrasser de
la cause de la douleur.
Un dentiste habile se refuse à l’extraction, et
propose la cautérisation , la lime , le plombage ,
etc. La demoiselle se refuse à l’emploi de ces
moyens , les considérant comme au moins inu-
tiles. Enfin le dentiste fait retentir, aux oreilles
de notre jeune entêtée, les mots luxation , replan-
tation ; la demoiselle se fait rendre compte de
ces deux opérations et des suites qu’elles peuvent
avoir. Elle n’y trouve que, des avantages et s’y
soumet. La dent malade est luxée à demi et raf-
fermie de nouveau par les procédés et les précau-
tions connus.
Le lendemain des douleurs surviennent dans
tout le coté droit de la tête , plus tard des spas-
mes violons , et enfin une attaque d’épilepsie des
plus fortes. La malade ne voulut plus revoir le
dentiste. Un chirurgien est appelé et attribue les
accidens à la rupture incomplète du nerf de la
dent qu’on avait luxée. Tel fut également notre
avis. La dent fut extraite sur-le-champ -, la dou-
leur fut vive , mais aucun accident ne se renou-
vela .
i
Deuxieme Fait. Un avoué , âgé de trente ans,
d’un tempérament nerveux, n’ayant jamais été
sérieusement malade , appartenant à des parens
d’une santé parfaite, est contraint de se faire ex-
traire une dent canine très noire. Se croyant dé-
figuré par l’effet que produisait l’intervalle résul-
tant de l’absence de cette dent , il consulte un
dentiste , qui lui propose une dent étrangère.
L’avoué accepte \ nous ne savons si cette dent
provenait de la mâchoire d'un client mécontent ;
ce qu’il y a de certain , c’est que des douleurs
intenses se manifestent le lendemain dans tout le
3l 2
coté gauche de la tète, et surtout clans l’arcade
alvéolaire.
Le dentiste est appelé , et veut enlever la dent
intruse. Le malade, aimant mieux souffrir en-
core que d’être défiguré , repousse cette propo-
sition. Deux jours après , douleurs intolérables,
attaque d’épilepsie. La dent est enlevée et les ac-
cidens ne reparaissent plus.
E. Epilepsie idiopathique laryngée.
Pi ' emier Fait. Un musicien de l’ancien 4°e
régiment , s’etant mis mal avec ses chefs , et
craignant d’encourir leur disgrâce, prend le parti
de se détruire. Il s’arme d’un rasoir et se fait
une incision transversale à la partie antérieure
du col. Le chirurgien de service , appelé , panse
la plaie après en avoir réuni les lèvres. Quelques
heures après, une attaque d’épilepsie a lieu.
Le chirurgien-major , à sa visite , se fait rendre
compte de ce qui s’était passé, fait découvrir la
plaie , et incise complètement un rameau du nerf
laryngé, (pii n’avait été que légèrement intéressé.
3 1 3
La plaie esf repansée convenablement , et le
blessé guérit en peu de temps sans aucun autre
accident. •
Deuxieme Fait. M. Es,...., médecin ordi-
naire aux armées , reçoit un coup d'épée qui pé-
nètre dans le larynx. Ce docteur n’avait jamais
été malade et appartenait à une famille bien por-
tante. Les soins les plus éclairés , les plus assidus
lui sont prodigués. 11 devient épileptique le troi-
sième jour de sa blessure, et meurt au sixième
accès de l’affection nerveuse.
Nécropsie. Rien dans le cerveau ni dans la
moelle épinière. Le larynx , parcouru avec une
attention minutieuse, laisse apercevoir le rameau
v
interne du nerf laryngé ( entre le cartilage thy-
roïde et l’os hyoïde) présentant une tumeur occa-
sionnée par le fer qui avait pénétré dans cette
partie.
i < J • %
F. Epilepsie idiopathique pectorale .
/ ail unique. François T , officier de oui-
«o
9
3i4
rassiers , âgé Je trente-neuf ans , d’un tempéra-
ment sanguin-nerveux , ayant les muscles sail—
lans , lit une chute Je cheval , et eut la poitrine
foulée par les pieJs Je cet animal. Cet officier fut
saigné plusieurs fois , et n’en resta pas moins sujet
à des accès d’épilepsie. Il ne put résister à la
septième attaque de cette maladie.
/
Nécropsie. L’intérieur du rachis n’offre pas la
plus petite lésion. Les organes de la poitrine sont
sains , mais les nerfs principaux de cette cavité
présentent un développement qu’on ne rencontre
pas ordinairement.
G. Epilepsie idiopathique abdominale .
Ei ‘emier Fait. Madame Louise de C , âgée
de 4i ans ; d’un embonpoint médiocre , devient
épileptique à la suite d’une querelle avec son
mari ? qui la renverse et lui marche sur le ventre.
Cette malheureuse succombe au troisième accès.
Nécropsie. Aucune altération des organes
contenus clans la tête, le rachis , la poitrine et le
bas-ventre ; mais le système nerveux abdominal ,
les nerfs mésentériques, surtout, attestent , par
quelques lésions , qu’ils ont subi un ébranlement
considérable.
Deuxième Fait. Une blanchisseuse du iqe ré-
giment, âgée d’environ 30 ans, d’un tempéra-
ment nerveux , d un caractère petuient , apparte-
nant à une famille où l’épilepsie n’a jamais paru ,
et n ayant pas connu elle-même cette maladie ,
reçut, au siège de Dantzik , un coup de sabre
d’un soldat pris de boisson. La plaie pénétrait
dans l’intérieur du ventre. Les saignées fréquen-
tes , et les autres moyens employés en pareil cas ,
parvinrent à remettre cette femme, sinon corn-
ph tement , assez bien du moins pour qu’elle
put continuer son métier. Un mois après elle
tomba dans un accès d’épilepsie , qui se renouvela
douze fois en trois jours - enfin cette malheu-
reuse succombe.
JS écropsie. Toutes les cavités principales sont
Ltü..
3i6
examinées sans offrir la moindre altération orga-
nique. Nous trouvâmes cependant., en parcou-
rant l’abdomen , le plexus mésentérique supé-
rieur à moitié divisé.
Troisième Fait. Un tambour de l’ex-garde
impériale, âgé de ans, d’une petite stature,
d’un tempérament nervoso-sanguin , reçoit en
duel un coup d’épée qui pénètre dans le ventre
jusqu’à la deuxième vertèbre lombaire.
Ce militaire , couvert de blessures , quoique
jeune encore , n’avait cependant jamais ressenti
d’affection spasmodique. Il fut convenablement
soigné de son nouveau coup d’épée, et en guérit
en moins de deux mois, au bout desquels il fut
atteint d’un premier accès d’épilepsie. Les moyens
connus sont inutilement employés ; il meurt
à la sixième attaque de cette affection.
Nécropsie. Rien d’extraordinaire dans les trois
grandes cavités , ni dans le rachis ; mais la
première' paire de nerfs lombaires est fortement
développée. Elle présentait meme une grosseur
qui semblait annoncer que la pointe du fer l’avait
piquée.
//. Epilepsie idiopathique génitale.
Premier Fait. Etienne R... , officier au 1 8e ré-
giment de ligne, âgé de 07 ans, avait toujours
joui d’une bonne santé , quoique nerveux. Il
reçut, à l’affaire du 18 octobre 1 8 1 3 , devant
Leipsick , un coup de mitraille qui lui enleva
toutes les parties génitales extérieures. Deux
heures après , un violent accès d’épilepsie se
manifeste. La plaie est réduite autant que pos-
sible à l’état de plaie simple. Il guérit parfaite-
ment de cette blessure , mais il resta épileptique
pendant six mois, au bout desquels il succomba
dans une attaque plus forte que la première.
Nécropsie. La tête , le rachis , la poitrine ,
l’estomac , le ventre et tous les viscères qu’il
renferme , sont examinés avec soin , et ne pré-
sentent rien qui indique la cause de l’épilepsie ,
que nous nommerons traumatique , puisqu’elle
s’est déclarée immédiatement après la blessure,
qui dut imprimer un ébranlement considérable
au système nerveux.
Deuxième Fait. M!»e veuve V , âgée de
53 ans, se décide à se faire extirper un polype
utérin. Nous ignorons ce qui se passa pendant
l’opération , qui lit cruellement souffrir la ma-
lade , par les décbiremens quelle nous dit avoir
ressentis, mais nous savons positivement qu’elle
n’éprouva son premier accès épileptique que le
lendemain de l’opération qu’elle venait de subir.
Cette femme succomba au dix-huitième accès.
i
JYécropsie. Rien d’extraordinaire dans les
cavités principales. L’utérus seul présente des
ulcérations profondes, suite inévitable des solu-
tions de continuité produites dans cet organe,
par les tractions exercées sur sa surface mu-
queuse , au moyen des inslrumens ou des mains
du chirurgien qui avait opéré la malade.
Troisième Fait. Un comte russe , âgé de
3iq
47 ans , d’une constitution robuste , reçut un
coup de pied de clieval sur les parties génitales,
qui donna lieu à une vive inllammation de ces
parties , et par suite à un double sarcocèle
énorme. L’opération que l’on pratique en pareil
cas est proposée , le malade s’y décide et la sup-
porte avec courage. La cicatrisation de la plaie
est promptement amenée. Il restait cependant
quelques spasmes dans cette région, qui furent
combattus par les moyens connus. L’épilepsie
s’est enfin déclarée , et a été guérie au huitième
accès, par l’eau de laurier-cerise portée à deux
onces par jour.
I. Epilepsie idiopathique crurale.
Fait unique. Un grenadier à cheval de l’cx-
garde impériale , ayant toujours été bien portant,
reçoit , à la bataille de Lutzen , un coup de
lance qui ouvre l’artère crurale (du côté droit)
à sa partie supérieure.
Le chirurgien consulté fait la ligature de ce
3 20
vaisseau , et au moment même où il serre le lil ,
le blessé tombe clans une attaque d’épilepsie qui
se reproduit six lois en vingt-quatre heures.
Un autre chirurgien est appelé. Il présume que
le blet du nerf qui accompagne l’artère crurale
dans cette partie de la cuisse, a été compris dans
la ligature , et propose de revenir à l’opération,
pour tâcher de séparer , s’il est encore possible ,
le nerf de l’artère. Cet avis fut suivi , la sépara-
tion fut faite, la ligature de l’artère seule eut
lieu , et le malade cessa d’éprouver des attaques
d’épilepsie.
On ne manquera pas de nous dire que , d’a-
près notre manière de voir, il existe autant
d’épilepsies idiopathiques que nous avons de
troncs, et même de filets nerveux accessibles aux
agens extérieurs , et qu’alors nous aurions du
faire mention des épilepsies brachiale , cubitale ,
tibiale , etc., etc. Nous soutenons, en effet, la
première proposition ; mais n ayant jamais ob-
servé d’autres épilepsies idiopathiques que celles
que nous avons exposées dans cet essai , et vou-
lant ne pas nous écarter de la résolution que
nous avons prise de ne rapporter que ce que nous
avons vu, nous nous sommes renfermé stricte-
r
ment dans les faits qui se sont passés sous nos
yeux, afin qu’on ne puisse pas nous les contester.
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CHAPITRE III.
Épilepsies idiopathiques produites par des
causes morales.
i
Premier Fait. Deux officiers d’un régiment de
chasseurs à cheval se battent en duel, à la suite
d’une vive discussion sur un sujet excessivement
futile.
L’un d’eux (n’ayant jamais été sérieusement
indisposé, et appartenant à une famille saine),
ne pouvant atteindre son adversaire, jette son
épée , et éprouve un accès de colère qui déter-
mine soudain une attaque d’épilepsie.
Saignée considérable du pied gauche. Le len-
demain, nouvelle attaque $ le malade est encore
saigné des deux pieds.
Deux jours après, attaque moins intense. Sai-
gnée de la jugulaire. Cette attaque fut la der-
nière, et cet officier promit de se corriger. Nous
324
l’avons revu effectivement dans un état de santé
satisfaisant, dix ans après son aventure.
Deuxieme Fait. Un officier anglais se bat en
duel avec un élève en droit de l’école de Paris.
Le sort favorise ce dernier ; en conséquence il
fait feu sur l’officier; la balle passe à très peu
de distance de l’oreille droite. L’officier tombe
sur-le-champ dans une attaque d’épilepsie ef-
froyable.
Un élève en médecine, témoin de l’elève en
droit, ouvre la jugulaire droite de l’officier,
qui revient insensiblement , et remercie ces mes-
sieurs en les priant de lui raconter ce qui lui est
arrivé. Au récit qui lui est fait sur sa demande ,
il tombe de nouveau dans un accès épileptique,
se coupe la langue et se casse deux dents inci-
sives.
Saignée de la jugulaire et du pied. Le ma-
lade revient encore à mesure que le sang coule.
On le transporte chez lui , où il ne tarde pas
a se rétablir. Il déclara que jamais ni lui , ni
aucun des siens n’avait éprouvé de semblables
choses.
Ti 'oisième Fait. Une demoiselle , nommée
Victorine B , âgée de ans ; issue d’une
famille saine d’un caractère gai et doux 7 tra-
versant le Cliamp-de-Mars , est surprise par une
dét onna lion de plusieurs coups de canon qui
la fait tomber dans une violente attaque d’épi-
lepsie.
Le lendemain elle éprouve un second accès
de cette maladie et meurt.
Nécropsie. Un peu de sang épanché entre
l’arachnoïde et la dure-mère ; une quantité assez
considérable à la base du crâne.
Lés vaisseaux de la pie-mère sont fortement
injectés. Les ventricules latéraux sont remplis de
sang. La substance cérébrale est également très
injectée et ferme.
3 aG
i
Quatrième Fait . Une demoiselle , âgée de
ar ans , bien porlante , apprend qu’une de ses
amies est dans le malheur sans pouvoir la secou-
rir. Aussitôt elle s’affecte , devient triste , mo-
rose ; elle pâlit, maigrit , et finit par devenir
épileptique.
Un vénérable ecclesiastique , qui avait fait
germer dans ce jeune cœur les vertus les plus
touchantes , trouve le moyen de venir au secours
de l’amie de la malade. Cette dernière est pru-
demment instruite du changement avantageux
qui s’est opéré dans la position de son amie.
La gaîté renaît aussitôt , et quelques jours suffi-
sent pour rétablir entièrement la malade , qui
avait éprouvé déjà sept accès épileptiques en très
peu de jours.
Cinquième Fait. Un jeune colonel de dragons,
Prussien d’origine , appartenant à une famille
saine , et n’ayant lui-même jamais été atteint
d’aucune maladie sérieuse , conçoit un amour
passionné pour une jeune veuve polonaise.
3 27
Un jour il rencontre un lieutenant de hussards
français chez celle dont il sollicitait vivement la
main. Il sort sans dire mot, rentre chez lui, et
de vient rêveur au point de donner de l’inquié-
tude à ses parens.
Tout-à-coup on l’entend jurer contre les Fran-
çais , et tomber dans une attaque d’épilepsie
effrayante. Il éprouva plusieurs accès successifs
de cette maladie.
La jeune veuve en fut instruite et affectée.
L’officier français fut obligé de partir.
Le colonel se fit conduire auprès de la veuve.
Un entretien eut lieu, le mariage s’en suivit, et
la guérison fut complète.
Sixième Fait. Un négociant, qui avait joui
d’une fortune considérable, est plongé dans la
plus affreuse misère, et devient aussitôt épilep-
tique. La maladie paraît terrible, les accès se
rapprochent, et au bout de six mois d’horribles
souffrances , ce malheureux cesse d’exister.
Nécropsic. La dure-mère est injectée et adhé-
rente à plusieurs points des parois du crâne.
Epanchement considérable de sérosité entre
les membranes arachnoïde et pie-mère , à la base
du crâne et dans le canal rachidien. Les quatre
ventricules sont fortement distendus par une
sérosité légèrement sanguinolente. Tout était sain
dans la poitrine, l’estomac et l’abdomen.
Septième Fait. Un jeune homme sain et ro-
buste, issu d’une famille qui fut toujours bien
portante , conçoit une passion vive pour une
demoiselle qu’il ne peut obtenir en mariage. Il
tombe en épilepsie. A la mort du père de la
demoiselle , notre jeune homme conçoit un nou-
vel espoir, mais il éprouve toujours de fréquens
accès d’épilepsie. Enfin il obtient la main qu’il
recherchait depuis deux ans avec une persévé-
rence rare , aussitôt la maladie cesse , et aujour-
d’hui, cinquième année de son mariage, il jouit
d’une santé parfaite.
Huitième Fait. Une dame de 27 ans reçoit la
nouvelle que son mari vient de mourir dans une
bataille; elle devient tout-à-coup épileptique,
sans avoir jamais été atteinte de cette névrose.
La malade reste dans cet état pendant quinze
jours , au bout desquels on vient lui annoncer
qu’il y a eu erreur de nom et que son mari existe.
Elle n’en croit rien, et continue d’éprouver des
accès d’épilepsie. Enfin son mari arrive , et avec
lui la guérison complète de la malade.
Neuvième Fait. Un ofïicier du génie , âgé
de 32 ans , bien portant et l’ayant toujours été,
conçoit l’idée de composer un poème, intitulé
Austerlitz. Il avait lui-même assisté à cette af-
faire si glorieuse pour les armes françaises. Il
travaille , met et remet sans cesse sur le métier,
il n’est point satisfait.
Une attaque d epilepsie a lieu ; elle se renou-
velle vingt fois ; le malade succombe au vingL-
unième accès.
Necropsie. Adhérence des deux portions de
33o
l’arachnoïde qui recouvrent les deux hémisphè-
res , près de la grande scissure.
Quantité de sérosité épanchée à la base du
crâne. Pie-mère très rouge et très injectée.
\
*
Dixième Fait. Un marchand plombier, bien
portant, âgé de 47 ans, voit sa fortune s’ac-
croître considérablement par d’heureuses spécu-
lations. Il devient épileptique, et meurt au trei-
zième accès.
Néci'opsie. Adhérence des membranes du cer-
veau entr’eiles et à différées points du crâne et
du cerveau.
Épanchement considérable de sérosité dans
les ventricules latéraux et à la base du crâne.
Cerveau sain , ainsi que les viscères tliora-
c biques et abdominaux.
CHAPITRE IV.
È /,'ilepsies sjmpath iques.
On doit entendre par épilepsie sympathique ,
celle qui dépend de l’état de maladie d’un
organe ? ou d’un appareil d’organes quelconques.
Fidèle à la marche que nous avons adoptée ,
nous nous contenterons de citer des obser va-
lions recueillies par nous , ou par des médecins ,
dans la véracité desquels nous avons une con-
fiance entière. C’est dans cette espèce d’épilepsie
que nous avons eu des succès satisfaisans , et dont
quelques feuilles publiques ont déjà rendu compte.
Beaucoup de familles nous ont consulté depuis
deux ans. Plusieurs se sont bien trouvées des
moyens que nous employons , quoiqu’elles soient
très éloignées , et qu’elles ne nous aient fait con-
naître leurs épileptiques que par des mémoires
ou des notes plus ou moins infidèles. Nous nous
abstiendrons de faire imprimer ici les copies des
33a
lettres de remercîmens qui nous ont été adres-
sées. Celte espèce de vanité cadrerait peu avec
l’intention que nous avons déjà énoncée , de
n’écrire que pour être utile à l’humanité.
Si cependant on doutait des avantages que
nous avons obtenus sur une maladie jusqu’ici
rebelle à beaucoup de tentatives , nous offrons
de communiquer ces lettres.
Nous dirons avec la même franchise , que
d’autres personnes n’ont pas eu le même bon-
heur , et qu’en conséquence elles ont accusé
d’impuissance le traitement auquel nous les
avions soumises sans les voir.
Nous avons répondu à ces plaintes : i° Que
nous n’avons jamais prétendu réussir constam-
ment dans le traitement de l’épilepsie , même
sympathique.
0.0 Qu’autre chose est de voir un malade, ou
de lui envoyer un régime à suivre sur une simple
lettre, ce que nous n’avons jamais refusé.
333
3 o Que les médecins chargés de diriger noire
licitement, n’ont pas toujours suivi la méthode
indiquée, peut-être pour des raisons plausibles.
Ainsi les uns ont employé la feuille d’armoise au
lieu de la racine ; les autres ont prescrit l’eau
distillée de feuilles de laurier-cerise à haute
dose , tandis qu’il faut commencer par une quan-
tité très minime , et arriver progressivement à
une plus considérable.
D’autres enfin ont négligé de prescrire les im-
mersions de la tête dans l’eau froide , le bracelet
aimanté, les mooca , etc. , etc. , et à ce sujet
nous pourrions citer ce jeune homme du dépar-
tement du Morbihan , qu’un médecin venait de
soigner , sans succès , par les moyêns que nous
mettons en usage.
Sur les reproches que nous adressa notre con-
frère , nous lui proposâmes de nous confier son
malade. C’est à Paris que ce dernier fut établi ,•
il est au sixième mois de son traitement , il y en
a trois qu’il n’a rien éprouvé j tandis qu’aupara-
vaut il avait trois ou quatre accès clans les vingt-
quatre heures.
A . Epilepsie sympathique sanguine.
Pi 'entier Fait. Un chevalier de Saint-Louis, du
département de l’Orne , nous écrivit , il y a un an ,
pour nous demander un régime et un traitement
capables de le débarrasser de quelques attaques
de nerfs qui lui rendaient la vie insupportable.
Nous l’engageâmes à venir nous voir, ou à
faire parvenir un mémoire sur son âge , sa cons-
titution , les maladies auxquelles avaient pu être
sujets , son père , sa mère , sa nourrice ; celles
qu’il avait éprouvées lui-même dans son enfance
et depuis ; les médicamcns dont il avait fait
usage ; les excès auxquels il s’était livré , etc.
Le mémoire nous fut envoyé , et nous crûmes y
remarquer que l’épilepsie à laquelle le malade ne
donnait pas ce nom , mais que son médecin qua-
lifiait ainsi , tenait à la difficulté qu’on avait
depuis long-temps à entretenir le flux hémor-
roïdal.
335
Un régime doux et rafraîchissant, des dou-
ches ascendantes dirigées vers l’anus, quelques
sangsues appliquées tous les mois à cette partie ,
l’usage de la poudre de racine d'armoise et de
l’eau distillée de feuilles de laurier-cerise , sont
parvenus à rétablir presque périodiquement l’é-
coulement supprimé, et le malade n’a plus res-
senti d’attaques d’épilepsie.
L’eau distillée de laurier-cerise est diurétique,
narcotique, anti-spasmodique. C’est Thilénius ,
médecin allemand, qui, le premier, a employé
cette eau distillée dans les affections nerveuses.
Fontana, Va ter , Murray, Langrisch, Schaub,
John Spardow de Celiece, prétendent que l’eau
distillée des feuilles de cette plante n’est pas véné-
neuse ; nous ne pensons pas ainsi à ce sujet , ne
fùt-ce qu’eu égard à la susceptibilité individuelle,
qu’on ne considère pas assez dans l’administration
des remèdes dangereux.
\
Deuxieme Fait. Une demoiselle du départe-
336-
ment de l’Hérault , âgée de 29 ans > issue d'uue
famille saine , privée , depuis un an , du flux
menstruel , devient épileptique.
Elle nous fut présentée il y a dix-liuit mois ;
nous la trouvâmes en très bon état de santé , à la
suppression près. Au moment où nous la ques-
tionnions , elle éprouva un mouvement dans la
région sus - pubienne. Elle nous dit aussitôt :
« Voilà que cela me prend , cela me monte. »
Son père , qui se trouvait présent , lui souffla
fortement dans la figure , en la rapprochant de la
fenêtre qui était ouverte. L’accès se borna là j
mais la malade était étourdie et triste.
Un régime alimentaire entièrement végétal ,
un exercice soutenu , les saignées du pied , 1 u-
sage de la poudre de racine d’armoise et de l’eau
distillée de feuilles de laurier-cerise , les bains
de siège dans une forte décoction d’armoise, les
douches sur le bas-ventre , l’emploi du prussiate
de fer à très petite dose , etc. , ont rétabli l’écou-
lement, et l’épilepsie a cessé. Cette demoiselle
337
est aujourd’hui bien portante et près de se
marier.
Troisième Fait. Un pharmacien de Paris, âgé
de 48 ans , fort , vigoureux , né de parens sains ,
et ayant été nourri par une femme d’une santé
parfaite, éprouvait tous les huit jours, depuis
près de vingt ans , deux et quelquefois trois
attaques d’épilepsie , sans qu’on eût jamais pu en
découvrir la cause.
Nous le questionnâmes à différentes reprises,
sans obtenir aucun renseignement satisfaisant; il
se rappela enfin qu’avant d’être atteint de cette
maladie , il était sujet à une hémorragie habi-
tuelle du nez.
Nous lui conseillâmes aussitôt une saignée du
O
pied chaque mois ; un régime délayant , l’ar-
moise et le laurier-cerise ; ses attaques ont dis-
paru. Il est bien maintenant et continue les mêmes
moyens , par reconnaissance , nous a-t-il dit.
Troisième Fait. Un orfèvre de Paris , âgé
338
de 4 3 ans , bien portant , mais ayant les jambes
couvertes d’énormes varices , se fait appliquer
sur ces extrémités un bandage roulé et fortement
serré.
Les varices disparaissent et l’epiiepsie se dé-
claré. Celte maladie n’a cessé que lorsque les
jambes ont été reprises de varices , rappelées par
les bains de vapeur émolliente , 1 exercice , etc.
B. Épilesie sympathique lymphatique.
Premier Fait. Un jeune liomme , âgé de
iq ans , scrofuleux a 1 exces , devient epileptique.
Il nous est présenté le 2 2 mars i825. La jambe
droite et le pied du même côté sont couverts
d’ulcères fournissant un pus blanc et épais.
Nous conseillâmes un régime substantiel , les
viandes noires surtout , les gelées de viande , un
peu de vin de Bordeaux; lair de la campagne,
les martiaux, la tisane de Feltz, etc. Mais les
parens nous dirent que le malade désirait, en
339
attendant l’effet de ces moyens , qu’on lui indi-
quât celui d’empêcher les accès épileptiques d’être
aussi fréquens ( il en éprouvait jusqu’à cinq par
jour). L’aura epileptica partait de la jambe ma-
lade , suivait la cuisse, le tronc , arrivait succes-
sivement à la tête , et faisait tomber le malade
dans des convulsions affreuses. Nous prescri-
vîmes alors l’usage d’un bracelet aimanté appli-
qué à la partie moyenne de la cuisse droite. À
1 approche de l’accès , on serrait violemment le
bracelet; le malade était engourdi , mais l’atta-
que n’avait pas lieu.
Cette manière d’empêcher la communication
avec le cerveau est presqu’infaillible.
Il y a trois mois que ce jeune homme est en-
tièrement remis de tous ses maux et se propose
de voyager , ce à quoi nous nous garderons bien
de nous opposer.
Deuxième Fait . Une jeune dame , mère de
deux enfans bien portans , n’ayant jamais elle-
même été madade , est tout-à-coup affectée de
chlorose.
Elle maigrit , pâlit , et finit par devenir épi-
leptique. On cherche , mais en vain , à faire cesser
la cause de cette maladie.
Les injections de décoction de tan , l’usage du
prussiale de fer, sont conseillés , ainsi qu’un
régime alimentaire fortifiant , les bains de mer ,
etc. ; la malade guérit au bout de six mois , et
engraisse à en être effrayée.
Ti 'oisïeme Fait. Un officier de la garde
royale , âgé de 28 ans , arrive lentement au der-
nier degré du rachitisme , sans qu’on puisse en
découvrir la cause. L’épilepsie se déclare d’une
manière aussi terrible que soudaine.
Questionné sur toutes les circonstances qui ont
pu donner lieu à cette affection , cet officier
répond n’avoir rien fait qui puisse avoir déter-
miné ce déplorable état. Un médecin renommé
de la capitale, conseille d’abandonner le malade
34 1
aux efforts de la nature, en ordonnant toutefois
la diète blanche. Nous sommes appelé en con-
sultation avec un autre médecin moins renommé,
mais non moins habile que le premier : il propose
le régime fortifiant, les martiaux , les bains aro-
matiques, et plusieurs moxa sur toute la colonne
épinière, l’air de la campagne , les frictions sur
les membres avec la teinture de quinquina , etc.
Nous nous rendîmes à cet avis, sans rien ajouter,
et nous pouvons assurer n’avoir jamais été témoin
d’une victoire aussi complète. Ce traitement a
duré un an. L’officier se porte à merveille.
«/
Quatrième Fait. Un enfant de huit ans , avant
toujours été bien portant , né de parens parfaite-
ment sains , est tout-à-coup atteint d’une teigne
faveuse , qui envahit successivement tout le cuir
chevelu, et le huitième jour de cette invasion
le malade est frappé d’épilepsie.
Un médecin de nos amis est consulté et pro-
pose , sur-le-champ, d’attaquer la teigne par
les préparations sulfureuses prises intérieure-
342
ment et administrées sous forme de douches sur
la tête , etc.
•7 /
Six mois suffisent pour obtenir la guérison de
la teigne et de l’épilepsie.
Cinquième Fait. Un inaréchal-de-camp , âgé
de 53 ans , d’une santé robuste , ayant enté
plusieurs gales les unes sur les autres , sans en
traiter aucune à fond , est affecté d’épilepsie.
Le médecin appelé attaque cette maladie par
tous les anti-spasmodiques , les saignées , etc. ,
sans aucun égard pour la maladie de la peau,
qu’il veut , dit-il , laisser exister pour obtenir
plus facilement la guérison de l’affection ner-
veuse. Efforts inutiles et prolongés , l’épilepsie
persiste. Un médecin de Paris est consulté, et
cherche à débarrasser le général d’une gale qui ,
négligée , est devenue chronique , et a pu occa-
sionner l’épilepsie. Il y parvient effectivement
par le régime lacté , et cent deux bains de vapeur
sulfureuse.
L’épilepsie a disparu presqu’en même temps
343
que la maladie de peau qui existait depuis plu-
sieurs années , malgré divers trailemens.
Sixième Fait. Une dame hollandaise > âgée
de vingt-neuf ans, née de parens non épilepti-
ques, mais goutteux, éprouve en même temps
qu’un accès de goutte, une attaque d’épilepsie,
qui se reproduisit ensuite chaque fois que cette
dame se ressentait de la première maladie.
Un des plus anciens médecins de la capitale
est consulté : il ordonne l’air de la campagne,
l’usage de la flanelle et des bas de laine, le ré-
gime lacté.
Les accès de goutte et d’épilepsie s’éloignent ,
et finissent par ne revenir que lorsque la malade
commet quelques écarts dans le régime si sage-
ment prescrit.
Cette dame, que nous avons vue, se recon-
naîtra peut-être ici. Nous l’eqgageons à persévé-
rer dans ces moyens, et à ne pas se livrer à d’au-
tres tentatives.
Septième Fait. Un officier d’artillerie , âgé
de 4r ans, atteint d’ulcères scorbutiques aux
jambes , fait tous scs efforts pour se débarrasser
de ces ulcères. Ne pouvant y parvenir , il se dé-
cide a les abandonner à eux-mêmes. Il ne tarde
pas à éprouver un premier accès d’épilepsie.
Cette maladie se renouvelle tous les deux jours.
Ce militaire va consulter le célèbre Béclard , que
les sciences médicales regretteront long-temps.
Ce médecin a ttaque à fond la maladie scorbuti-
que par un traitement interne et des remèdes
locaux. Le malade fut guéri de tous ses maux
après un an de soins bien dirigés.
Monsieur Béclard nous raconta lui-même cette
observation , la dernière fois qu’il vint présider
le jury médical de Seine-et-Oise.
Huitième Fait. Voici un fait excessivement
intéressant, et qui est connu de plusieurs méde-
cins de Paris. Un notaire contracte une affec-
tion siphilitique qu’il communique à sa femme.
Jusqu’alors ce couple malencontreux avait joui
<]\ine bonne santé , ses païens étaient parlai-
tement sains.
Un médecin est consulté et propose sur-le-
champ les mercuriaux. A ce mot, les époux pro-
testent qu ils \ eu lent cire traites par la salsepa-
reille , et que jamais un atome de mercure ne
seia pi îs par eux. La salsepareille est donc admi-
nistrée sous forme de tisane , de sirop et d’es-
sence. Six mois s’écoulent sans qu’aucun chan-
gement, ni en bien ni en mal, s’opère dans
leur état. Iis ont cependant pris une quantité
prodigieuse de salsepareille , sans en mourir,
contre l’opinion de quelques esprits bizarres ou
par trop étroits.
Tout— à-coup le mari est atteint d’épilepsie , et,
huit jours après, la femme éprouve la même ma-
ladie. On va peut-être croire encore que cette
pauvre salsepareille a causé cette affreuse né-
vrose. Pas du tout, ce végétal est continué à
plus haute dose, mais avec les frictions mercu-
rielles, et addition de muriate de mercure sur-
oxhréné à la tisane; la salivation se manifeste
aussitôt, et, après trois mois Je ce traitement,
les époux n’eurent plus qu’à s’entretenir de leurs
devoirs futurs. Ils sont très bien guéris.
C. Épilepsies sympathiques génitales .
Premier Fait. Un étudiant en droit, âgé de
^3 ans , fort et bien portant , avait depuis long-
temps une funeste habitude. Les conseils de ses
amis , les représentations de scs pareils , les pré-
cautions de son médecin, les tableaux les plus
hideux des effets de cette passion , l’épui-
sement et l’espèce de nullité dans lesquels se
trouvait ce jeune homme , rien n’avait pu le cor-
riger.
✓ -
Enfin, il devient épileptique. Il se soumet
alors à tous les traitemens qu’on veut lui faire
subir, lesquels se bornent à l’usage des analep-
tiques, des lave mens de teinture éthérée de cas-
toréum , aux frictions d’éther acétique sur les
extrémités inférieures , à lair de la campagne,
aux bains froids, etc.
Cet étudiant parvint à se rétablir et pro-
mit bien de ne pas recommencer. En effet , nous
savons qu’il continue à se bien porter , et à faire
des progrès dans la carrière qu’il parcourt.
Deuxieme Fait. M. E. L , élève en mé-
decine, est frappé d’épilepsie pour avoir cruelle-
ment abusé des plaisirs vénériens. Même traite-
ment , même résultat.
Troisième F ait . Un séminariste^ âgé de 22 ans ,
semontre tout-à-coup triste, rêveur, et engraisse
à vue d’œil.
(
%
Des accès d’épilepsie ne tardent pas à se mani-
fester. Les parens effrayés , nous amènent ce jeune
homme très studieux et exempt de tous vices.
Aucune affection nerveuse n’a paru dans sa fa-
mille • son enfance ne fut traversée par aucune
maladie ; sa nourrice était saine.
Nous conseillâmes aux parens de reprendre
leur fils , de le soumettre long -temps à un
régime atténuant et aux anti-spasmodiques les
348
plus puissans, traitement qui fut suivi pendant un
an sans aucun succès. Le mariage finit par mettre
fin à cet état, dont la violence n’aurait pas man-
qué de causer la mort de cet élève du sanctuaire ,
qui est aujourd’hui bien portant et à la veille
d’être père.
Quatrième Fait. Madame la comtesse de la
D jeune, belle, ayant toujours joui d’une
santé brûlante , ainsi que ses père et mère ,
se marie et devient promptement enceinte. Au
cinquième mois de sa grossesse , elle est frappée
d’épilepsie. Les médecins appelés ont aussitôt
recours aux saignées, aux anti-spasmodiques , etc.
Rien n’est changé dans l’état de la malade. Con-
sulté à notre tour, et , après un mûr examen des
circonstances qui ont précédé , nous conseillons
d’insister sur un régime doux, sur l’usage des
bains , en attendant la fin de la grossesse. On ne
s’en tient pas à notre avis , on a recours à d’autres
moyens qui ne font que rendre la maladie plus
intense , les accès plus fréquens. Enfin l’accou-
chement a lieu , et la malade guérit comme
349
par enchantement. Elle perdit son mari quel-
que temps après , et prit la résolution de ne pas
contracter de nouveaux nœuds ; nous l’en félici-
tâmes; car il aurait pu lui arriver ce qui a eu
lieu chez une autre dame , qui , huit fois grosse ,
f
a été épileptique à chaque grossesse , sans qu’on
ait jamais pu prévenir cette régularité.
Nous pourrions citer une femme auteur, très
i
connue , qui ne devenait épileptique qu’au
moment de l’accouchement. Elle a été trois fois
mère et trois fois elle a été atteinte d’épilepsie,
qui disparaissait constamment le quarantième
jour de ses couches.
D. Epilepsies sympathiques de l'irritation de
quelques organes extérieurs.
Premier Fait. Un enfant âgé de 9 ans, appar-
tenant à des parens sains , fortement constitué ,
ajant été nourri par une femme fraîche et bien
\ #
portante, se promenait aux Tuileries avec un
camarade de son âge. C’était dans le mois d’aout ,
vers une heure. Le premier dit à celui-ci : « Je
parie fixer le soleil plus long-temps que loi. »
Il s’était mis en devoir de soutenir sa gageure ,
lorsqu’il tomba dans une épilepsie violente. La
foule accourt, on entoure le malade ; des secours
de différente nature lui sont donnés. Son jeune
ami le fait porter dans un fiacre , et de là chez
ses païens , qui aussitôt appellent leur médecin.
Celui-ci , tr'es sagement , prescrit quelques caï-
mans , et attend la deuxième attaque. Elle eut
lieu le lendemain à-peu-près à la même heure. Le
médecin ordonna alors une saignée du pied ,
prescrivit aux parens de tenir le malade dans une
douce obscurité , et de ne le laisser, qu’insensible-
inent , s’exposer à une lumière plus vive. Ce con-
seil fut suivi , et le malade ne tarda pas à recou-
vrer la santé. On lui lit également porter pendant
quelque temps des lunettes planes de couleur
verte, dans l’intention de modérer l'activité de
la lumière sur les yeux.
Deuxieme Fait. Une demoiselle de 18 ans,
forte et bien portante , issue de parens également
sains , nous est, présentée pour recevoir nos soins.
Chaque fois qu’une musique douce et harmo-
nieuse frappe son oreille , elle tombe en épilep-
sie. L’harmonica surtout produit ce terrible effet
sur elle. Nous prescrivons tous les moyens pro-
pres à fortifier le système nerveux, jusqu’à des
douches sur les apophyses mastoïdes ( derrière
les oreilles ) ; rien ne peut rendre la malade inac-
cessible aux attaques d’épilepsie.
Un autre médecin conseille de faire entendre
tous les jours à la malade , une bonne musi-
que , en continuant le traitement fortifiant , et
de lui faire donner des leçons de harpe par un
maître du premier ordre; aujourd’hui les accès
sont moins forts et s’éloignent de beaucoup.
Tout fait espérer que les nerfs auditifs s’ha-
bituent aux vibrations qui les ont ébranlés si
souvent, et que la malade ne tardera pas à en
guérir.
Troisième Fait. Un enfant de 8 ans , né de
païens sains, n’ayant jamais éprouvé d’autre
35 'i
incommodité qu’un enchifrèncmenl continuel ,
veut absolument qu’on le débarrasse de celle
incommodité. Son médecin conseille l’usage du
tabac.
A la troisième prise l’enfant tombe en épilep-
sie. On continue l’usage de cette poudre, et on
prescrit un traitement contre la nouvelle mala-
die ‘7 celle-ci n’en continue pas moins. Consulté ,
nous conseillons de cesser l’usage du tabac, d’a-
voir recours à l’emploi des bas de laine , de la
flanelle en caleçons et sur la poitrine , des fric-
tions sèches sur toute la périphérie du corps, et
répétées deux fois chaque jour. Le malade est
guéri , non seulement de l’épilepsie , mais de
l’indisposition première.
E. Epilepsies symptomatiques, .
Premier Fait. Un épileptique , âgé de 25 ans ,
vient nous consulter après avoir passé par divers
traitemens. Nous lui adressons plusieurs ques-
tions tendant à nous éclairer sur la véritable
353
cause de sa maladie , dont il n’est atteint que
depuis six mois. Enfin, après avoir répondu à
nos différentes demandes , il croit se rappeler
avoir supprimé , à cette époque, une sueur habi-
tuelle des pieds, à laquelle il était sujet depuis
la puberté.
Nous cherchâmes à rappeler cette sueur, et,
après y être parvenu , l’épilepsie ne se manifesta
plus. Ce jeune homme est maintenant à Aix en
■Savoie , où il jouit d’une santé parfaite.
Deuxieme Fait. Une jeune dame , femme d’un
libraire de Paris, vint nous consulter en décem-
bre 1825, pour une épilepsie survenue à la suite
de la guérison d’une dartre qu’elle avait gardée
long- temps. La dartre fut rappelée par des
vésicatoires , etc. , et l’epilepsie ne reparut
pas.
Troisième Fait. Un enfant de 18 mois , dont
la dentition ne pouvait s’opérer , devint épilep-
tique. Des incisions furent pratiquées sur les
gencives - les dents se montrèrent et l’épilepsie ne
se reproduisit plus. Des précautions furent prises
pour faciliter l’éruption des dents à venir.
Quatrième Fait. Une demoiselle anglaise, âgée
de 18 ans, issue de pareils sains , est atteinte de
fièvre scarlatine. Un médecin anglais ordonne
des boissons rafraîchissantes froides , l'exposition
à l’air. La rougeur de la peau s’efface , et une
attaque d’épilepsie a lieu. Un médecin français
est consulté , prescrit des boissons légèrement
diaphorétiques, couvre la malade de vésicatoires ,
rappelle l’éruption , et l’épilepsie disparaît. Celte
circonstance a eu lieu à Angers en i8a5.
Cinquième Fait. Un colonel de cavalerie, âgé
de 52 ans, fortement constitué , mais portant
depuis long-temps une gale affreuse qui avait
déjà résisté à plusieurs moyens , se débarrasse
de cette maladie avec l’eau dite de Metteniberg.
Une épilepsie épouvantable se déclare. On cher-
che à rétablir la gale répercutée ; ou ne put y par-
venir qu’avec la chemise d un galeux dont on cou-
vrit cet officier, en le faisant suer considérable-
ment parles moyens connus. La gale revint, et
l’épilepsie fut guérie.
Sixième Fait. Une jeune dame, tenant beau-
coup à n’altérer aucun des traits de sa jolie figure ,
est atteinte de la petite-vérole.
La face seule est couverte de pustules. Un
médecin savant est appelé, et promet à la malade
qu’il ne lui restera aucune trace de cette mala-
die , si elle veut s’en rapporter à lui. La ma-
lade se fie pleinement à cette promesse. En con-
séquence, le docteur se met à cautériser les
boutons avec une dissolution de nitrate d’argent
fondu ( pierre infernale ). L’éruption disparaît
aussitôt j le lendemain une épilepsie affreuse
(que la confiante dame n’avait jamais éprou-
vée ) se déclare. Un autre médecin arrive ,
fait couvrir la malade de vésicatoires • l’érup-
tion revient sur tout le corps , parcourt ses pé-
riodes , et la malade guérit parfaitement , mais
avec quelques coutures du visage. Il faut que
l’expérience ait parlé plus liant , avant de se li-
vrer à de pareilles épreuves.
35G
Septième Fait. Nous donnions le bras à une
daine bien portante, âgée de 3G ans, pour la
conduire des Tuileries chez elle, rue de Gre-
nelle-Saint-Germain.
En parcourant la rue du Bac , nous fûmes
arrêtés par un individu qui tomba à nos pieds.
Cet individu était atteint d’épilepsie , ou la simu-
lait à merveille. Cette dame s’effraye et devient
tremblante au point de ne pouvoir parvenir à
son domicile.
Chemin faisant , elle nous dit : « J’avais tou-
jours redouté de voir quelqu’un tomber du haut-
mal. » Nous l’assurâmes que ce malheureux n’é-
tait pas atteint de cette maladie , qu’il avait
voulu seulement exciter notre pitié ou surprendre
la charité publique. Nos précautions furent inu-
tiles. Arrivée chez elle, la malheureuse est frap-
pée d’épilepsie. On lui donne des soins depuis six
ans, sans le moindre espoir de guérison. Elle est
en ce moment à i’usage de deux onces d’eau
distillée de feuilles de laurier-cerise. Les accc'es
3o7
sont cependant moins intenses , mais se repro-
duisent aux époques menstruelles et lunaires.
Huitième Fait. Un enfant de 8 ans , sujet ,
depuis sa naissance , aux vers lombricaux, que
l’on reconnaît très bien aux signes suivans (com-
me le disent les docteurs Roman et Valen-
tin ) : petits points d’un louge très vif sur la lan-
gue ; dilatation de la pupile ; prurit au bout du
nez , concurremment avec les autres signes des
maladies vermineuses, etc.
Cet enfant fut tout-à-coup frappé d’épilepsie ,
dont il guérit promptement par la fougère rnàïe
en poudre ; cela devait être, attendu que cette
épilepsie était , à coup sûr , symptomatique de
l’affection vermineuse.
/
Troisième Fait. Un officier de grenadiers de
la garde royale, âgé de 3q ans, prédisposé , depuis
long-temps, aux embarras de l’estomac, devient
épileptique. On lui administre l’émétique j l’épi-
lepsie disparaît, et revient au bout de six mois,
358
ce qui eut lieu plusieurs fois- Enfin , le régime
lacté long-temps continué , quelques boissons
émétisées, parvinrent à débarrasser ce militaire,
et de l’épilepsie , et de l’affection gastrique.
Dixième Fait. Un écuyer de l’ex-cmpereur, âgé
de 4-7 ans, d une forte constitution, était dans
un état liabitucl de constipation. Après avoir em-
ployé , sans résultat , plusieurs moyens pour ob-
tenir la liberté du ventre , il tombe en épilepsie.
Un médecin de Genève parvient à le guérir par
les purgatifs drastiques.
Nous craindrions de fatiguer notre lecteur, en
citant un plus grand nombre de faits d’épilep-
sies syptôma tiques. Il nous suffira donc de dé-
clarer que, toutes les fois que 1 on voudra venir
à bout d’une affection consécutive , il faudra
rappeler ou détruire la maladie essentielle
I
OBSERVATION
Sur un cas fort rave cV épilepsie , et sur les pré-
cautions à prendre dans les questions qu on
est forcé d'adresser aux personnes atteintes
de cette névrose.
Ene demoiselle, âgée de 26 ans , née d’une
des premières familles de France, fraîche, jolie ,
robuste , d’une sensibilité exquise, très spirituelle
et passionnée pour les études abstraites , est affec-
tée d’épilepsie depuis l’époque de la puberté.
Rien n’a été négligé pour mettre un frein à
cette horrible maladie , mais aucun traitement
n’a réussi. Les parens sont au désespoir. Un mé-
decin de Genève est consulté , et conseille le ma-
riage. La malade est presqu’aussitôt unie à un
jeune homme ( de son choix ) , d’une santé bril-
lante, de mœurs douces, d’un caractère aimable,
enfin plein d’égards et de soins pour sa malheu-
reuse épouse. Les accès d’épilepsie continuent de
se manifester avec la meme violence.
3Go
Le médecin est consulté de nouveau ; il ré-
pond que, « lorsque la malade aura mis un enfant
au monde, elle sera entièrement débarrassée de
i
ses attaques d’épilepsie. » Cette dame devient
mère , et rien n’est changé à son état de mala-
die , qui plonge son mari dans une tristesse pro-
fonde.
La malade nous est présentée après deux ans
de mariage. Nous la rassurons sur ses crises ( car
il faut bien se garder de prononcer le nom d’é-
pilepsie devant les personnes qui en sont attein-
tes ) , et lui demandons la permission de nous
entretenir avec ses père et mère avant de rien
entreprendre.
« "*
Un jour est fixé pour cet entretien. Le mari et
la nourrice de la malade y prennent part. Il ré-
sulte de cette entrevue que les pareils sont sains
et l’ont toujours été ; qu’ils sont fortement cons-
titués ; que le père est d’un tempérament sanguin ,
et la mère lymphatique ; que ni l’un ni l’autre n’ont
été enclins à aucune mauvaise habitude ; qu’ils
36 1
n’ont point éprouvé de maladies , ni d’accidens
capables de fixer notre allen! ion ; qu’ils n’ont
fait usage d’aucun remède violent ; qu’aucune
cause morale n’a troublé leur félicité avant le
malheur arrivé à leur lille bien-aimée ; que leurs
deux autres enfans sont dans le meilleur élat de
»
santé j que la nourrice de la malade est encore
une femme remarquable par sa douceur , sa force
et sa fraîcheur ; qu'aucun vice particulier n’a
souillé son existence ; que l’enfance de la malade
a été calme et paisible; qu’elle n’a fait aucune
chute violente ; que l’écoulement périodique s’est
déclaré sans orage, a continué de même et avec
la plus grande régularité.
S
Entreprendre le traitement d’une maladie dont
les causes paraissaient si décourageantes , 1101 s
parut, nous l’avouons, une entreprise au moii s
hardie. Mais les parens nous ayant pressé vive-
ment de nous charger de diriger leur malade,
nous nous décidâmes à la voir, et voici l’examen
que nous lui finies subir.
o.3
30 2
Demande. Depuis quel âge vous apercevez-
vous de vos crises nerveuses ?
Réponse. Depuis l’âge de seize ans.
D. Aviez-vous antérieurement ressenti quelque
douleur particulière , des mouvemens nerveux,
des palpitations de cœur ?
R. Non.
D. Avez -vous éprouvé, toujours avant vos
crises , une frayeur quelconque ?
R. Non.
D. Vous n’avez été témoin d’aucune scène
attendrissante , à la suite de laquelle vous ayez
été sensiblement émue ? Vous n’avez fait aucune
perte qui ait pu ébranler vos nerfs ?
R. Non.
D. Assistiez-vous souvent au spectacle ? Quel
est le genre de spectacle que vous préfériez ?
R. Je n’ai été que très rarement au spectacle ;
l’opéra - comique est celui qui me plaît le
plus.
D. Quel est l’effet que produit sur vous une
excellente musique ?
363
R. L’effet d’une chose un peu plus qu’ordi-
naire.
D. Avez - vous éprouvé de violentes contra-
riétés ?
R. Jamais.
D. Avez-vous beaucoup lu ? quels sont les ou-
vrages que vous préfériez?
R. La physique , les mathématiques , l’His-
toire Ancienne, ont particulièrement fixé mes
goûts , ainsi que les trois règnes de la nature.
D. Vous occupiez-vous sérieusement de pra-
tiques religieuses ?
R. En chrétienne raisonnable.
D. Vous livriez-vous à beaucoup d’exercice,
à des occupations amusantes?
R. Rarement.
D. Vous rappelez -vous avoir fait une chute
sur la tète 7 sur le dos , sur le siège , ou sur les
pieds ?
R. Non.
*
D. Etiez-vous sujette aux maux de tête , à
quelque douleur du col , de la poitrine , aux
crachemens de sang , aux hémorragies du nez ,
a3..
3G4
aux écoulemens des oreilles ; aux vomissemens ,
aux digestions pénibles ?
■ R. Je me suis toujours bien portée , grâce à
Dieu !
D. Avez-vous éprouvé quelque dérangement
du ventre ?
R. Non.
D. Vous êtes-vous quelquefois piquée ou cou-
pée au point d’en ressentir des douleurs aiguës?
R. Non.
D. Avez-vous été sujette à quelqu’affection de
la peau , à des ulc'eres , à des varices , à une
sueur habituelle des pieds ?
R. Jamais.
D. Étiez-vous sujette aux crampes des mem-
bres j aux rêves pénibles ?
R. Non.
D. Dormiez-vous long-temps ; aimiez-vous
le lit ?
R. Oui.
D. Fréquentiez-vous les bals , les soirées nom-
breuses ?
R. Rarement et sans plaisir.
3G5
I) . Quelle était votre vie alimentaire?
R. Toujours saine et peu copieuse.
J) . 1 reniez — vous et laites— vous encore usaee
de café , de thé , etc. ?
R. J ai souvent pris du café , parce que j’en
sentais le besoin j ] y ai renonce depuis que je
suis malade ; pour obéir à mon médecin.
D. Aviez -vous l’habitude de vous baigner
souvent ?
R. Quelquefois.
D. Vous trouviez-vous bien pendant et après
le bain ?
R. Constamment..
D. Vos crises reviennent-elles à des époques
régulières? vous apercevez-vous de leur ap-
proche ?
R. Oui.
D. Comment?
R. Un frémissement se manifeste au creux de
1 estomac y que vous nommez épigastre , mes-
sieurs ; ensuite à la poitrine , à la gorge , puis à la
tete; mes facultés s’anéantissent alors. Mes pareils
vous diront le reste.
3GG
1). Parvenez-vous quelquefois à empêcher ces
mouvemens nerveux d’avoir lieu ?
R. Oui j avec l’alcali volatil , que l’on me
passe sous le nez. ^
D. Et après vos crises 7 êtes-vous aussi propre
aux occupations sérieuses qu’avant ?
R. Oui.
D. Quelles sont les odeurs qui vous fatiguent ?
R. Toutes celles qui sont nauséabondes ; l’assa-
fœtida est seule capable de provoquer ce que
vous appelez mes crises.
D. Quels sont les moyens dont vous avez fait
usage pour vous débarrasser de vos spasmes :
R. J’ai passé par tous les régimes et tous les
traitemens connus -, l’aimant est le remède dont
j’ai le plus à me louer.
»
Nous rassurâmes la malade , lui promîmes de
la revoir 7 et d apporter quelques soulagemens à
ses maux. Elie nous accompagna pour nous
demander s’il y avait du danger pour son fils.
Nous lui répondîmes que son enfant Réprouve-
rait rien ; et quelle serait satisfaite. Ce dernier se
367
porte en effet à merveille, et a été noam par une
femme qui ne laisse rien à désirer , surtout sous
le rapport du tempérament et du caractère.
Nous revîmes le lendemain les parens et le
mari de la malade. Nous ne leur donnâmes que
peu d’espoir, mais nous leur recommandâmes
beaucoup de paraître tranquilles devant leur
malheureuse fille et épouse.
Après avoir pris de ces derniers tous les ren-
seignemens sur l’invasion , la durée et la nature
des accès de cette épilepsie, etc. , nous conseil-
lâmes à la malade :
i° Les viandes blanches, les plantes herba-
cées et 1 eau bien aérée , ensuite la diète blanche.
20 Les voyages dans le midi de la France avec
ses parens , son mari et son fils.
3° La privation de toute lecture abstraite , des
spectacles , des réunions nombreuses , etc.
4° L’exercice à pied, à cheval ; les jeux de
volant, de billard; les occupations manuelles,
telles que la tapisserie , la broderie, etc.
5° Deux emplâtres d’extrait de ciguë forte-
ment aimantés , l’un à l’épigastre , et 1 autre à
l’extrémité inférieure de la colonne dorsale.
Après la chute de ces emplâtres, on devait en
appliquer de nouveaux.
G° Les bains froids, meme en hiver ; en été
des bains de rivière , en y entrant par la tête.
70 La poudre de racine d’armoise , prise à la
dose de deux à quatre gros dans un verre de bière
chaude , le soir en se couchant.
Nous avons reçu, il y a peu de temps, une
lettre du père de la malade , datée d’une ville de
Provence. Ce respectable vieillard nous écrit :
« Si cela continue, Monsieur, je vous devrai la
santé de ma 1111e, mon repos et celui de tout ce
qui m'appartient. » 11 y a près d un an que le
360
traitement , ci-dessus exposé, est commencé et
suivi avec une constance admirable.
CONCLUSION.
En résumant tout ce qui a été dit dans cet
Essai, nous pensons sérieusement que les mala-
dies nerveuses sont , à proprement parler , les
maladies qu’engendrent les ralïinemens de la ci-
vilisation - que, pour diminuer la fréquence de
ces affections , il faut s’attacher moins à faciliter
les progrès de l’esprit humain qu’à faire germer
dans le cœur de l’homme les vertus propres à le
préserver des passions , soit par un système d’édu-
cation hase sur la religion ( car sans celle-ci point
de bonne morale) , soit par des lois en harmonie
avec notre position sociale. Ainsi nos lois crimi-
nelles , notre Code pénal surtout , exigent une
réforme complète. La graduation des peines ,
leur application , la latitude laissée aux juges , la
classification des crimes et délits , tout a besoin
d être changé ; ces lois manquent par les bases.
En examinant seulement les horreurs commises
pendant et depuis nos discordes politiques, les
causes qui les ont amenées , nous persistons à
considérer ces horreurs comme les tristes et
affligeans effets de la névrose qui, à cette époque,
envahit le corps social en France.
Qui oserait contester aujourd’hui que la cor-
ruption des esprits et des coeurs n’ait causé ce
délire qui a fait passer, sous nos yeux, tant d’a-
trocités inouies ? Non , l’homme n’est pas ne assez
méchant pour commettre de pareils attentats.
Une éducation vicieuse et d’horribles exemples,
peuvent seuls le rendre aussi criminel.
On a voulu remédier à cette névrose , on n’a
fait qu’entretenir son intensité , parce qu on n a
pu employer le véritable remede que tard j es-
tait une monarchie légitime et constitutionnelle,
qui a déjà produit un grand bien , mais n’a
encore pu éteindre les derniers symptômes con-
vulsifs , parce qu’il est des maladies chroniques
qu'il faut observer long-temps , et sur lesquelles
les médicamens les plus convenables n’agissent
que lentement.
Il est donc à-peu-près démontré qu’il faut bien
se garder d’agiter la passion la plus irritable d’un
peuple. On a remué la vanité en France , qu’en
a-t-on recueilli ? Que l’on questionne , à ce
sujet , les médecins des maisons où sont reçus les
aliénés , les familles dont quelques membres gé-
missent dans les spasmes , les convulsions , ou les
aberrations de l’esprit , inévitables effets de l’in-
dépendance , de l’ambition , ou du vice.
Que l’on compare le nombre des affections
mentales , des suicides, etc., d’aujourd’hui, à
ceux des époques antérieures à t)3 , par exemple !
L’histoire des anciens peuples nous avait assez
prouvé que les empires qui veulent sortir des
limites posées par la Providence , finissent par
ne pouvoir se garantir de catastrophes terribles,
et même d’une décadence assurée. Athènes et
Rome sont encore là, pour attester que tant de
, 3;a
lumières embrasent lot ou tard , suivant l’expres-
sion d’un publiciste distingué.
C’est en vain qu’on chercherait à blâmer les
institutions religieuses : elles n’auraient jamais
été regardées que comme utiles , qu’elles sont
aujourd’hui reconnues indispensables par les
hommes amis de l’ordre , de la tranquillité de
leur pays , et jaloux d’assurer le bonheur des
générations futures ; et , en effet , ne peut s’em-
pêcher de s’écrier un médecin moderne , quoi-
qu’entaché d’un peu de philosophisme : « Que ne
devrait -on pas attendre d’un certain nombre
d’hommes qui vivraient exempts de soucis rela-
tivement à la vie animale , qui ne seraient dé-
rangés par aucune affaire domestique , et qui y
choisis parmi les plus privilégiés de la nature ,
se réuniraient ensemble de plein gre , pour tra-
vailler de concert y se communiquer leurs opéra-
tions , se consulter mutuellement , et pouvoir
faire en commun ce qui leur serait impossible
privativement. » Les institutions monastiques
seules présentent ces précieux avantages.
On a dû voir , dans la première partie de ce
livre , que toute l’organisation humaine se réduit
à deux principes : l’âme et le corps , ou l’esprit et
la matière ; que la première commande , et l’autre
exécute, et que ces deux puissances sont soumises
à la volonté d’une intelligence suprême, infinie,
dont on voit les actes sans concevoir leur source.
Le cerveau est le centre de l’intelligence hu-
maine ; de là partent tous les ordres de celle-ci ,
qui , d’après les impressions quelle a reçues d’en-
haut par les agens extérieurs , comme la lumière
sur l’œil , les saveurs sur les nerfs du goût et de
l’odorat , etc. , sont portés vers les extrémités de
l’empire de la pensée par un fluide contenu dans
les nerfs. Ce dernier laisse en passant, dans les
chefs-lieux organiques , des secours , des ins-
tructions , et revient ensuite au cerveau , rendre
compte de sa mission , et recevoir de nouveaux
commandemens , s’il y a lieu.
Ces commandemens , transmis par les nerfs ,
sont exécutés par des organes qui portent le
nom de muscles, de glandes, d’artères, cœur,
estomac , intestins , etc. Telle est la vie : la rup-
ture de son plus petit chaînon peut causer la
perte de tout l’édifice , lorsque Dieu le veut.
Nous avons exposé succinctement les deran-
gemens auxquels cet édifice est sujet, quant au
système nerveux ; fait connaître les causes de ces
dérangemens, et les moyens d’y remédier ou de
les pallier , lorsqu’ils n’ont pu être prévenus par
une éducation convenable , ou combattus par des
lois appropriées aux circonstances où se trouvent
les peuples au milieu desquels on a laisse penetrei
la corruption.
Enfin nous avons fait voir que , suivant les
cas , on peut retirer de très grands avantages du
trépan , de la section des nerfs , de l’armoise , du
laurier-cerise, de l’aimant, etc., etc., et que,
pour espérer de guérir l’épilepsie, il faut, de
toute rigueur, se rendre maître de la cause, plus
particulièrement pour cette maladie que pour
d’autres affections.
Heureux si nous avons satisfait à noire lecteur ;
heureux surtout si nous parvenons à être utile
aux personnes atteintes de névroses ; c’est là tout
ce que nous ambitionnons !
. ;n( . \ f
Nous croyons devoir présenter ici, par dépar-
tement , le nombre des épileptiques connus. Nous
n’y comprendrons pas ceux de ces malheureux
que l’amour-propre des parens tient au secret ,
ni ceux que l’on traite dans les hôpitaux ; ils y
reçoivent des secours, nous ne devons donc pas
nous en occuper.
Puisse ce tableau fixer l’attention du digne
directeur des établissemens d’utilité publique ,
M. de Bois-Bertrand , qui ne connaît d’autre
ambition que celle d étendre et d’affermir l’em-
pire de la bienfaisance.
L humanité loue déjà les nobles qualités de son
âme et de son cœur ; elle redira ses constans
efforts en faveur des êtres qui languissent dans
les convulsions et les déchiremens.
3 76
TABLEAU
DES ÉPILEPTIQUES EXISTAIT EN FRANCE.
Ain.
1 10
Report,
2175
Report, 44^8
Aisne.
i53
Gers.
83
Orne.
1 3o
Allier.
35
Gironde.
1 8 1
Pas-de-Calais.
i77
Alpes ( Basses-).
10
Hérault.
82
Puy-de-Dôme. ^
1 77
Alpes (Hautes-).
9
Ille-et-Vilaine.
175
Pyrénées (Basses-).
68
Ardèche.
108
Indre.
20
Pyrénées (Hautes-).
i4
Ardennes.
34
Indre-et-Loire.
J9
P> renées- Orient aies
1 3
Arriége.
3o
Isère.
1 70'
Rhin (Bas-).
i36
Aube.
28
Jura.
80
Rhin (Haut-).
66
Aude.
28
Landes.
18
Rhône.
63
Aveyron.
io5
Loire.
77
Saône (Haute-).
60
Bouches-du-Rhône.
IOI
Loire (Haute-).
17
Saône-et-Loire.
1 28
Calvados.
99
Loire-Inférieure.
ï43
Sarthe.
1 20
Cantal.
*79
Loiret.
17
Seine.
280
Charente.
35
Loir-et-Cher.
1 7
Seine-et-Marne.
58
Charente-Infér.
93
Lot.
1 5
Seine-et-Oise.
118
Cher.
26
Lot-et-Garonne.
75
Seine-Inférieure.
190
Corrèze.
26
Lozère.
8
Sèvres (Deux-).
1 2
Corse.
8
Maine-et-Loire.
i3q
Somme.
160
Côte-d’Or.
88
Manche.
i83
Tarn.
55
Côtes-du-Nord.
167
Marne.
74
Tarn-et-Garonne.
1 1
Creuse.
25
Marne (Haute-).
i5
Var.
52
Dordogne.
1 5o
Mayenne.
7 2
Vaucluse.
10
Doubs.
24
Meurthe.
70
Vendée.
5o
Drôme.
22
Meuse.
• i5
Vienne.
10
Eure.
1 47
Morbihan.
i36
Vienne (Haute-).
10
Eure- et-Loire.
20
Moselle.
69
Vosges.
18
Finistère.
1 45
Nièvre.
i4
Yonne.
45
Gard.
85
Nord.
200
Garonne ( Haute-).
85
Oise.
69
2175
CO
^-r
Total 665q
FIN.
/
*
-■»
• 4
.
i